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jeudi 1 novembre 2007

"Penser à Dieu…De mon village…Je suis un gardeur" N°66 - 1ere année

En ce jour de la Toussaint, trois petits poèmes d’Alberto Caeiro hétéronyme de Fernando Pessoa. Honneur au Portugal.


Penser à Dieu c’est désobéir à Dieu
car Dieu a voulu que nous ne le connaissions pas,
aussi à nous ne s’est-il pas montré…

Soyons simples et calmes
comme les ruisseaux et les arbres,
et Dieu nous aimera, nous rendant
beaux comme les arbres et les ruisseaux,
et il nous donnera la verdeur de son printemps
et un fleuve où nous jeter lorsque la fin viendra !

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De mon village je vois de la terre tout ce qu’on peut voir
de l’Univers…
C’est pour cela que mon village est aussi grand qu’un autre pays quelconque,
parce que je suis de la dimension de ce que je vois
et non de la dimension de ma propre taille…

Dans les villes la vie est plus petite
qu’ici dans ma maison à la crête de cette colline.
Dans les villes les immeubles verrouillent la vue,
cachent l’horizon, repoussent nos regards bien loin de tout
le ciel,
nous rapetissent parce qu’ils nous ôtent ce que nos yeux peuvent nous donner,
et nous appauvrissent parce que notre unique richesse est
de voir.

______________________


Je suis un gardeur de troupeaux.
Le troupeau ce sont mes pensées
et mes pensées sont toutes des sensations.
Je pense avec les yeux et avec les oreilles
et avec les mains et avec les pieds
et avec le nez et avec la bouche.

Penser une fleur c’est la voir et la respirer
et manger un fruit c’est en avoir le sens.

C’est pourquoi lorsque par un jour de chaleur
je me sens triste d’en jouir à ce point,
et me couche de tout mon long dans l’herbe,
et ferme mes yeux brûlants,
je sens tout mon corps couché dans la réalité,
je sais la vérité et je suis heureux.


Extraits : Fernando Pessoa, Poésies d’Alvaro de Campos avec Le Gardeur de troupeaux et les autres poèmes d’Alberto Caeiro, Préface et traduction d’Armand Guibert, Paris, Gallimard, 1987.
©copyright Jean Vinatier 2007

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