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lundi 4 février 2008

Serbie : Pyrrhus victorieux ? N°131 - 1ere année

Boris Tadic vient d’être réélu de justesse pour un second mandat de quatre ans à la tête de la Serbie. Présenté comme pro-européen à l’opposé de son adversaire Tomislav Nikolic décrit comme un pro-russe. Le déplacement en grand nombre des Serbes montre l’importance que les citoyens de cette république donnent à cette échéance électorale. Si l’on suit les commentaires rédigés, l’Europe viendrait de remporter une victoire essentielle contre le méchant Russe. C’est une réduction qui frise la caricature. S’il est sûr que les Serbes entendent bien intégrer l’Union européenne, ils savent, aussi que l’importante question de l’indépendance du Kosovo sera, un peu plus, entre les mains de l’Union. Une façon comme une autre de responsabiliser les « Messieurs de Bruxelles ».
Sur le plan intérieur, quelles étaient les véritables oppositions entre Tadic et Nikolic, ce dernier soutenu par l’actuel Premier ministre, Vojislav Kostunica ? La fin de l’ère Milosevic a-t-elle permis l’émergence d’une classe politique novatrice ? Disons que la Serbie commence une période démocratique. La concurrence entre les deux partis principaux se fait autour d’un nom presque identique, d’un côté le parti démocrate (Tadic) socialiste, de l’autre le parti démocratique de Serbie (Nikolic) associé à Nouvelle Serbie plutôt nationaliste.
L’élection présidentielle ne remettra pas en cause le gouvernement actuel dirigé par Kostunica favorable à Moscou. Très récemment ne vit-on pas le Chef de l’Etat et son Premier ministre signer à Moscou d’importants contrats avec Gazprom ? "
La Serbie se mettra au premier plan comme une région assurant le transit de gaz naturel vers d'autres pays d'Europe […] à la fois dans l'intérêt de la Russie et de l'Union européenne […]. Ces accords ont une importance stratégique pour la Serbie et ses citoyens, pour le développement économique et industriel du pays"¹
L’Union européenne ne méconnaîtra plus la politique d’équilibre que les dirigeants serbes conduiront dans les prochaines années. L’entrée dans l’Union ne signifiant pas l’abandon d’un atout double Russe et orthodoxe. En effet la venue de la Serbie apportrait à l’Union une composante orthodoxe originale après la Roumanie, la Bulgarie, la Grèce.
Il est nécessaire de garder une certaine prudence sur le scrutin du 3 février et ce d’autant plus que la question kosovar attend son règlement. L’indépendance devrait être proclamée par son dirigeant, Hashim Thaçi : ne vient-il pas de le répéter au secrétaire général de l’OTAN, Jaap de Hoop Scheffer et patron de la KFOR? Rappelons, tout de même que Hashim Thaçi était l’un des dirigeants de l’UCK, un groupe paramilitaire en lutte contre Milosevic et considéré longtemps comme une organisation terroriste : n’ambitionnait-il pas de créer une grande Albanie ?
Moscou et Washington se mesurant par-dessus l’Union et les habitants de cette région balkanique, une conclusion satisfaisante pour tout le monde n’est pas assurée. Le souci du double langage de Belgrade se comprend mieux à la lecture des événements. Le côté pro-européen de Tadic ne s’aveugle pas d’illusion. Ne lui fallait-il pas un adversaire typé, pro-russe pour donner le change ?
La réélection de Tadic ne conclut donc pas un problème géopolitique via le Kosovo, elle le reconduit sous le regard régulier quoique discret du Kremlin. La question des minorités dont celle des Serbes restant le point principal. La Macédoine et la Grèce diront leurs mots, la première parce qu’elle a une minorité albanaise (kosovar), la seconde parce qu’elle présuppose qu’une solution hâtive au Kosovo ne serve de copie pour le problème chypriote. Or, Athènes privilégie le règlement direct avec Ankara.
Boris Tadic, enfin, saura fort bien utiliser le nationalisme de son peuple pour peser sur le devenir du Kosovo.

©Jean Vinatier 2008

Lien :
1-Ria Novosti
http://fr.rian.ru/business/20080125/97765348.html

Lexique :

KFOR ou Task force multinationale Nord créé le 12 juin 1999 par la résolution n°1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette force est actuellement sous commandement du français, le général Xavier Bout de Marnhac depuis le 1er septembre 2007.
MINUK : Mission administration intérimaire des Nations-Unies au Kosovo. Créée par la résolution n°1244 du Conseil de Sécurité de l’ONU le 12 juin 1999.

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