La veille de l’intervention présidentielle, le Premier ministre disait son souhait de voir Nicolas Sarkozy fixer la feuille de route des réformes : propos inouï sous la Ve République ! Quelque part, François Fillon posait le cadre de cette intervention de 90 minutes au cours de laquelle le Président redonnerait un sens, une forme, une solidité à toutes les réformes jetées sur le forum national.
Véronique Augé (FR3) et Yves Calvi se distinguèrent de leurs confrères (Patrick Poivre d’Arvor, David Poujadas, Vincent Hervouët) par un ton assez offensif. Passer l’équipe journalistique, qu’a dit le Chef de l’Etat pour requinquer son électorat et l’ensemble des Français.
Sur le plan social, il a opiné du bout des lèvres à la généralisation du RSA pour lequel le secrétaire d’Etat, Martin Hirsch, combat sans faiblir. On sentait bien que Nicolas Sarkozy se devait, pour son image et pour amoindrir le grognement social, de concéder la mise en place générale du revenu de solidarité active (en exercice dans une quarantaine de départements) tout en avertissant qu’il reverrait à la baisse le versement de la prime de retour à l’emploi. Pourquoi ? Pour une question de coût. Ne l’oublions pas, les caisses de l’Etat sont officiellement vides depuis janvier dernier. Le Chef de l’Etat n’a pas manqué de rappeler la baisse du chômage tout en refusant d’admettre que le nombre de travailleurs pauvres montait à plusieurs millions.
Concernant les relations sociales, Nicolas Sarkozy loue le réalisme syndical. Et pour cause ! Rappelons qu’à l’automne dernier, à la veille de grandes manifestations, surgit le scandale de l’UIMM¹ en même temps qu’était lancé le dossier de l’avenir de la représentativité syndicale. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner la stratégie retenue par tous les leaders syndicaux. Ici et là le syndicat intervient mais, prudence, prudence, on ne dépasse pas la ligne rouge. Dans ce cas, elle est rapidement atteinte, les salariés et les fonctionnaires le voient bien.
Pour l’émigration, Yves Calvi a rappelé directement que les travailleurs migrants (déclarés ou pas) se levaient tôt (se souvenir du slogan UMP de 2007) et percevaient fiches de paie et s’acquittaient pour certains de l’impôt. Quel avenir ? Le Président a dévié la réponse pour rebondir sur la demande de nationalité qu’il confond, volontairement, avec celle de la carte de séjour. Brice Hortefeux jurant depuis quelques jours que jamais au grand jamais il n’y aurait de régularisations massives, Nicolas Sarkozy ne pouvait le contredire au risque de grandir d’un degré supplémentaire les tensions au sein du parti majoritaire. Il n’empêche que le Président trébuche : n’avait-il pas appelé de ses vœux que les patrons demandent pour leurs salariés migrants une régularisation ?
Pour l’éducation, il a confirmé la suppression de postes d’enseignants en invoquant la qualité plutôt que la quantité. Supposant que le mouvement lycéen ne progresserait plus, il affiche sa fermeté. Et naturellement, il s’appuie sur le quota de non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite.
Pour le pouvoir d’achat, l’aveu a été clair, je n’y peux rien, les crises (financière, économique) et les spéculations (matières énergétiques, frumentaires) éclatent partout. Quand au point de croissance qu’il devait aller chercher….il est passé par pertes et profits.
En sus de son propos sur le bouclier fiscal, ces thèmes ont été la majeure partie de cette intervention. Le citoyen peut-il y voir plus clair ?
L’homme, Nicolas Sarkozy, a tellement travaillé pour devenir Président (c’est son expression) et a tellement rappelé que la France était bloquée depuis Valéry Giscard d’Estaing (1974) qu’on ne peut pas acter cette envie de tout faire bouger. Rappelons que Nicolas Sarkozy a su souffrir en silence et sans qu’on le remarque trop au vu de ses portefeuilles ministériels (au Budget, 1993-1995, à l’Intérieur, 2002-2007) !
Mais il manque toujours, cette profondeur, cette vision. On reste souvent sur sa faim. Il insiste sur la nécessité de remettre les Français au travail et de les encourager à générer le maximum de richesses –il a raison – mais, pourquoi peine-t-il autant à en écrire la politique. Et par politique on entend dans notre pays, une certaine idée de la France.
La politique étrangère et les affaires européennes sont les champs par excellence des Présidents de la Ve République. Vincent Hervouët a tout loupé en ne poussant pas le Chef de l’Etat dans ses retranchements. Nicolas Sarkozy est fasciné par le monde anglo-saxon et plus particulièrement celui qui touche à la richesse (son demi-frère, François qui occupe de hautes fonctions dans Carlyle Group ne lui laisse rien ignorer de cet univers ) et il en tire, semble-t-il, non pas une réflexion mais un acquis. Et cet acquis, il en fait un bloc en béton armé évacuant, au passage les facilités déconcertantes et cyniques des Américains et Anglais à changer de route sans se soucier de leurs alliés.
Sans se laisser conter, il ose le ridicule. Ainsi, pour justifier de l’envoi de soldats français en Afghanistan, plaide-t-il la cause des femmes voilées (la burqua²) tout comme Georges Marchais légitimait l’entrée soviétique dans ce pays, en janvier 1979, pour abolir le droit de cuissage ! Est-ce tenable ? Non. Idem quand il renvoie dans les cordes la Perse et le Hamas sous le prétexte qu’ils ont juré la disparition d’Israël³ et il se moque presque ouvertement des contacts pris par l’ancien président Jimmy Carter. Nul n’ignore qu’un ancien président n’agit jamais en solo, au gré de son humeur. Il rend compte à la Maison Blanche. A titre d’exemple, Londres est en train de monter toute une politique en faveur d’une dénucléarisation du Proche-Orient. A priori, ce but n’est pas inintéressant ! Si l’on reste confondu par sa naïveté dans l’affaire Betancourt, convenons qu’il a été meilleur dans sa réponse relative au Tibet d’une part et d’autre part, aux relations avec la Chine4. Il a mis en avant (il était temps) son futur rang de président de l’Union pour affirmer sa force. On l’a compris, la France sera présente à la cérémonie d’ouverture des Jeux au mois d’août.
Quant à la question turque et son hostilité à son entrée, il insère le doute (un de plus) sur la viabilité de la future union pour la Méditerranée, déjà malmenée par Angela Merkel. L’Europe où il n’envisage pas grand chose hormis de prévoir pour les Français d’être appelés (mais pas automatiquement) à se prononcer par voie référendaire sur l’entrée de tel ou tel pays. Relevons tout de même qu’il a mis à la poubelle celui de 2005 et qu’il a été l’acteur décisif du traité de Lisbonne ! On subodore que le référendum ne sera utilisé que dans le cas d’une nation qui compterait trop de croyants d’une même religion.
Sans prétendre n’avoir rien oublié ou négligé, l’ensemble de sa prestation engendre le soupir plus que l’enthousiasme ou son inverse. L’homme a du mal à être Président. Son calme apparent et pour un temps donné, importe peu aux Français qui veulent une vision, une proposition d’avenir. Son fils Jean réservant un théâtre (Le village) pour que les gens viennent soutenir les dires de son père a quelque chose de sympathique. Sympathique, c’est peut-être cela que Nicolas Sarkozy essaie de devenir. Il juge suffisant de froncer le sourcil contre le capitalisme fou et Daniel Bouton, contre les spéculateurs, contre les OGM alors que son adhésion totale à la mondialisation financière affaiblit sa colère. Il reconnaît les erreurs ou couacs gouvernementaux et accepte d’endosser le mécontentement des Français, c’est déjà un progrès. Est-ce sympathique ?
Nicolas Sarkozy a parfaitement conscience de la difficulté du monde. Il choisit, apparemment, le mode binaire pour nous l’expliquer et nous convaincre.
Véronique Augé (FR3) et Yves Calvi se distinguèrent de leurs confrères (Patrick Poivre d’Arvor, David Poujadas, Vincent Hervouët) par un ton assez offensif. Passer l’équipe journalistique, qu’a dit le Chef de l’Etat pour requinquer son électorat et l’ensemble des Français.
Sur le plan social, il a opiné du bout des lèvres à la généralisation du RSA pour lequel le secrétaire d’Etat, Martin Hirsch, combat sans faiblir. On sentait bien que Nicolas Sarkozy se devait, pour son image et pour amoindrir le grognement social, de concéder la mise en place générale du revenu de solidarité active (en exercice dans une quarantaine de départements) tout en avertissant qu’il reverrait à la baisse le versement de la prime de retour à l’emploi. Pourquoi ? Pour une question de coût. Ne l’oublions pas, les caisses de l’Etat sont officiellement vides depuis janvier dernier. Le Chef de l’Etat n’a pas manqué de rappeler la baisse du chômage tout en refusant d’admettre que le nombre de travailleurs pauvres montait à plusieurs millions.
Concernant les relations sociales, Nicolas Sarkozy loue le réalisme syndical. Et pour cause ! Rappelons qu’à l’automne dernier, à la veille de grandes manifestations, surgit le scandale de l’UIMM¹ en même temps qu’était lancé le dossier de l’avenir de la représentativité syndicale. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner la stratégie retenue par tous les leaders syndicaux. Ici et là le syndicat intervient mais, prudence, prudence, on ne dépasse pas la ligne rouge. Dans ce cas, elle est rapidement atteinte, les salariés et les fonctionnaires le voient bien.
Pour l’émigration, Yves Calvi a rappelé directement que les travailleurs migrants (déclarés ou pas) se levaient tôt (se souvenir du slogan UMP de 2007) et percevaient fiches de paie et s’acquittaient pour certains de l’impôt. Quel avenir ? Le Président a dévié la réponse pour rebondir sur la demande de nationalité qu’il confond, volontairement, avec celle de la carte de séjour. Brice Hortefeux jurant depuis quelques jours que jamais au grand jamais il n’y aurait de régularisations massives, Nicolas Sarkozy ne pouvait le contredire au risque de grandir d’un degré supplémentaire les tensions au sein du parti majoritaire. Il n’empêche que le Président trébuche : n’avait-il pas appelé de ses vœux que les patrons demandent pour leurs salariés migrants une régularisation ?
Pour l’éducation, il a confirmé la suppression de postes d’enseignants en invoquant la qualité plutôt que la quantité. Supposant que le mouvement lycéen ne progresserait plus, il affiche sa fermeté. Et naturellement, il s’appuie sur le quota de non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite.
Pour le pouvoir d’achat, l’aveu a été clair, je n’y peux rien, les crises (financière, économique) et les spéculations (matières énergétiques, frumentaires) éclatent partout. Quand au point de croissance qu’il devait aller chercher….il est passé par pertes et profits.
En sus de son propos sur le bouclier fiscal, ces thèmes ont été la majeure partie de cette intervention. Le citoyen peut-il y voir plus clair ?
L’homme, Nicolas Sarkozy, a tellement travaillé pour devenir Président (c’est son expression) et a tellement rappelé que la France était bloquée depuis Valéry Giscard d’Estaing (1974) qu’on ne peut pas acter cette envie de tout faire bouger. Rappelons que Nicolas Sarkozy a su souffrir en silence et sans qu’on le remarque trop au vu de ses portefeuilles ministériels (au Budget, 1993-1995, à l’Intérieur, 2002-2007) !
Mais il manque toujours, cette profondeur, cette vision. On reste souvent sur sa faim. Il insiste sur la nécessité de remettre les Français au travail et de les encourager à générer le maximum de richesses –il a raison – mais, pourquoi peine-t-il autant à en écrire la politique. Et par politique on entend dans notre pays, une certaine idée de la France.
La politique étrangère et les affaires européennes sont les champs par excellence des Présidents de la Ve République. Vincent Hervouët a tout loupé en ne poussant pas le Chef de l’Etat dans ses retranchements. Nicolas Sarkozy est fasciné par le monde anglo-saxon et plus particulièrement celui qui touche à la richesse (son demi-frère, François qui occupe de hautes fonctions dans Carlyle Group ne lui laisse rien ignorer de cet univers ) et il en tire, semble-t-il, non pas une réflexion mais un acquis. Et cet acquis, il en fait un bloc en béton armé évacuant, au passage les facilités déconcertantes et cyniques des Américains et Anglais à changer de route sans se soucier de leurs alliés.
Sans se laisser conter, il ose le ridicule. Ainsi, pour justifier de l’envoi de soldats français en Afghanistan, plaide-t-il la cause des femmes voilées (la burqua²) tout comme Georges Marchais légitimait l’entrée soviétique dans ce pays, en janvier 1979, pour abolir le droit de cuissage ! Est-ce tenable ? Non. Idem quand il renvoie dans les cordes la Perse et le Hamas sous le prétexte qu’ils ont juré la disparition d’Israël³ et il se moque presque ouvertement des contacts pris par l’ancien président Jimmy Carter. Nul n’ignore qu’un ancien président n’agit jamais en solo, au gré de son humeur. Il rend compte à la Maison Blanche. A titre d’exemple, Londres est en train de monter toute une politique en faveur d’une dénucléarisation du Proche-Orient. A priori, ce but n’est pas inintéressant ! Si l’on reste confondu par sa naïveté dans l’affaire Betancourt, convenons qu’il a été meilleur dans sa réponse relative au Tibet d’une part et d’autre part, aux relations avec la Chine4. Il a mis en avant (il était temps) son futur rang de président de l’Union pour affirmer sa force. On l’a compris, la France sera présente à la cérémonie d’ouverture des Jeux au mois d’août.
Quant à la question turque et son hostilité à son entrée, il insère le doute (un de plus) sur la viabilité de la future union pour la Méditerranée, déjà malmenée par Angela Merkel. L’Europe où il n’envisage pas grand chose hormis de prévoir pour les Français d’être appelés (mais pas automatiquement) à se prononcer par voie référendaire sur l’entrée de tel ou tel pays. Relevons tout de même qu’il a mis à la poubelle celui de 2005 et qu’il a été l’acteur décisif du traité de Lisbonne ! On subodore que le référendum ne sera utilisé que dans le cas d’une nation qui compterait trop de croyants d’une même religion.
Sans prétendre n’avoir rien oublié ou négligé, l’ensemble de sa prestation engendre le soupir plus que l’enthousiasme ou son inverse. L’homme a du mal à être Président. Son calme apparent et pour un temps donné, importe peu aux Français qui veulent une vision, une proposition d’avenir. Son fils Jean réservant un théâtre (Le village) pour que les gens viennent soutenir les dires de son père a quelque chose de sympathique. Sympathique, c’est peut-être cela que Nicolas Sarkozy essaie de devenir. Il juge suffisant de froncer le sourcil contre le capitalisme fou et Daniel Bouton, contre les spéculateurs, contre les OGM alors que son adhésion totale à la mondialisation financière affaiblit sa colère. Il reconnaît les erreurs ou couacs gouvernementaux et accepte d’endosser le mécontentement des Français, c’est déjà un progrès. Est-ce sympathique ?
Nicolas Sarkozy a parfaitement conscience de la difficulté du monde. Il choisit, apparemment, le mode binaire pour nous l’expliquer et nous convaincre.
Il concentre tout entre ses mains, s’occupe de tout y compris des sous-amendements. Comment fera-t-on croire aux citoyens que ce souci constant de se mêler de tout sans distinguo dégagera à terme une dimension, une histoire ? Le problème est là, veut-il être de notre histoire, celle de la France et, surtout, nous comprend-il ?
©Jean Vinatier 2008
Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à : jv3@free.fr
Notes :
1- Denis Gautier-Savagnac ex-Président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie
2- ou bourka
3-Le Hamas ne reconnaît pas l’Etat d’Israël. Il n’a jamais parlé de sa destruction.
4-Dire que la Chine apporte son aide à la province du Darfour est « extraordinaire » !!!!
©Jean Vinatier 2008
Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à : jv3@free.fr
Notes :
1- Denis Gautier-Savagnac ex-Président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie
2- ou bourka
3-Le Hamas ne reconnaît pas l’Etat d’Israël. Il n’a jamais parlé de sa destruction.
4-Dire que la Chine apporte son aide à la province du Darfour est « extraordinaire » !!!!
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