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lundi 18 août 2008

Géorgie: moment de vérité N°266 - 2eme année

L’été est souvent un moment dangereux pour les relations internationales:1914, 1939, 1990...
L’annonce de l’offensive Georgienne contre la région autonome d’Ossétie du sud le 7 août a, apparemment, surpris les nations tournées vers la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Pékin.
Et pourtant! Voilà des mois que les Russes proposent aux Européens de travailler à une nouvelle architecture politique. Voilà des mois que le gouvernement géorgien s’impatiente du veto franco-allemand à son entrée immédiate dans l’OTAN (sommet de Bucarest) et qu’il durcit le ton envers la république autonome d’Abkhazie et la région autonome d’Ossétie du sud. Le Président Mikhaïl Saakachvili attachait une importance très grande aux manœuvres militaires américano-ukrainiennes et géorgiennes qui venaient de se terminer quand il donna l’ordre d’attaquer l’Ossétie du sud qui compte entre 70 000 et 75 000 habitants (19h/k2) et une force militaire très faible. Le calcul du Président géorgien était simple : par une offensive soudaine pousser la population Osséte hors du territoire. Cette attaque menée, le territoire vidé de toute âme (nettoyage ethnique ?), la Georgie aurait eu beau jeu de faire amener des milliers de Georgiens et de placer la communauté internationale devant le fait accompli. Malheureusement pour lui, l’armée russe a réagi promptement ! Le Président géorgien a-t-il agi de son propre fait ou non ? Disons que Saakachvili a cru que son audace entraînerait ipso facto celle de Washington. Pensait-il réellement que les Etats-Unis, qui peinent en Mésopotamie, en Afghanistan et surveillent la Perse se lanceraient dans un troisième conflit et surtout contre la Russie ? Tout ce qu’à fait Washington a été de rapatrier le corps géorgien stationnant en Mésopotamie, pays occupé hors les lois internationales ! Les Etats-Unis n’ont plus ni suffisamment de moyens militaires et ni la capacité de nuisance économique contre la Russie pour risquer quoi que ce soit en 2008.
Le
« Tu as bien fait de venir » de Vladimir Poutine à Nicolas Sarkozy qui arrivait à Moscou comme Président de l’Union européenne, donnait le ton de l’échange oral entre les deux hommes. La Russie, c’est un fait, annonce, grâce à la Géorgie, son retour sur la scène mondiale comme puissance militaire. Elle a agi en Géorgie comme l’UE et les Etats-Unis ont agi au Kosovo. Cette boîte de Pandore ouverte, malgré les avertissements moscovites, trouve, dans le Caucase une seconde expression inquiétante. Demain que ferait l’UE si l’Ukraine se scindait en deux : d’un côté les pro-russes (Odessa, Crimée), de l’autre la partie occidentale ou l’ancienne Podolie, terre sous domination lithuanienne et polonaise ?
Cette crise est aussi celle de l’OTAN. Le Président Sarkozy, en reprenant les principales exigences russes contre la Géorgie, s’est écarté de la route US, a-t-il réalisé l’immense intérêt à ne plus être l’obéissante personne envers les Etats-Unis?
L’extension indéfinie de l’OTAN, non seulement vers l’Ukraine et la Géorgie mais, demain, vers Israël ou mieux encore vers l’Inde, montre son danger et la fausseté de son titre (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord). Hélas, la France a commencé son retour plein et entier dans l’OTAN et elle se trouve comme l’Allemagne dans l’obligation de tenir un discours surréaliste et contradictoire à propos de la Georgie. C’est ce renoncement à tout raisonnement qui peut devenir dangereux. Le Président turc, Abdulhah Gül, dans une interview au
Guardian voit dans la crise géorgienne le début d’un nouveau monde¹. On aimerait bien que de telles réflexions émanent de dirigeants européens !
La crise géorgienne marque-t-elle le pas de la puissance américaine ? Comme écrit plus haut, elle souligne l’impossibilité d’avoir plusieurs fronts et de se situer dans un climat géopolitique défavorable en dépit de ce que croient certains européens ; également dans un domaine qui lui est vital : le capitalisme ; celui-ci a changé de main : il est passé de l’ouest à l’est. On s’en apercevra cruellement, en 2009, une fois la crise des "subprime" terminée.
Comment opéreront les prochains dirigeants américains ? Pour eux, le moment de vérité approche.
Nous connaissons quelque part, un moment singulier celui où le miroir se brise en mille morceaux laissant la réalité apparaître toute crue !
Moment de vérité pour la Géorgie qui fait fausse route en voulant à tout prix intégrer l’OTAN alors que ce très ancien royaume(aujourd’hui république) aurait la vocation de devenir une Suisse du Caucase. La Géorgie aurait besoin non d’un nationaliste plus ou moins enrôlé par la CIA, comme Karzai en Afghanistan, mais d’un homme politique habile et regardant à long terme. La société géorgienne est riche par la diversité de sa population et de ses religions pour tirer son épingle du jeu. Quand son Président Saakachvili fonce tel un bélier, il compromet son peuple et nul ne doute qu’il aura des comptes à rendre auprès des siens.
Moment de vérité pour les Russes qui ne veulent pas connaître l’encerclement par une puissance étrangère. Là aussi, il faut se rappeler l’histoire russe et le traumatisme qu’a constitué la domination mongole ( 1238). La Russie a affirmé son indépendance énergétique au moment de l’affaire Ioukos et a évité, par conséquent de devenir une arrière-cour des financiers américains et anglais. La Russie, aujourd’hui, réitère sur le plan militaire son souci d’espace vital. Ce n’est pas l’indépendance de la Georgie ou de l’Ukraine qui la gêne mais la présence de Washington à ses frontières puis l’aveuglement et le mépris des Européens envers elle.
Moment de vérité pour les Européens qui pensaient échapper à l’Histoire, c’est-à-dire à leur responsabilité en se réfugiant sous l’aile otanienne. Nicolas Sarkozy a une chance à saisir !
Moment de vérité pour les puissances d’Asie de la rive méditerranéenne à la mer de Chine qui n’omettront pas d’analyser la situation actuelle et de réfléchir pour mieux agir.
Dans ses rêves les plus grands, Saakachvili avait-il bien pesé les conséquences de son acte insensé ?

©Jean Vinatier 2008

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Sources :

1-
http://www.guardian.co.uk/world/2008/aug/16/turkey.usforeignpolicy
http://www.atimes.com/atimes/Middle_East/JH16Ak01.html

In Seriatim

Russie :

http://seriatim1.blogspot.com/2008/07/medvedev-parle-aux-paneuropens.html
http://seriatim1.blogspot.com/2008/05/medvedevpoutine-une-dyarchie-russe.html
http://seriatim1.blogspot.com/2007/12/la-russie-poursuit-sa-route.html

Georgie :

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