L’entente toujours orageuse entre le Président Viktor Iouchtchenko et le Premier ministre Ioula Timochenko a cessé cette semaine. L’Ukraine entre dans une nouvelle crise politique depuis la Révolution orange (2004) qui porta au pouvoir l’actuel chef de l’Etat.
Que se passe-t-il ? D’un côté, nous avons un Président ukrainien anti-russe et pro-Otan, de l’autre Viktor Ianoukovitch, leader du parti des régions, pro-russe, anti-Otan ; entre les deux l’ambitieuse Ioula Timochenko qui ne rêve que d’une chose présider aux destinées de la jeune république ukrainienne. Les élections présidentielles auront lieu en décembre2009.
Viktor Iouchtchenko est impopulaire (et son fils Andreï y est pour quelque chose par ses frasques), dans la Rada (parlement) il ne se dégage aucune majorité. La situation économique n’est pas excellente. La position du Président résolument favorable à l’entrée de son pays dans l’OTAN attise les tensions avec les russophones (Est et Sud ukrainien) soutenus par Moscou. Ceux-ci forment la minorité la plus importante du pays et surtout, en Crimée.
Retour historique sur cette presqu’île. Siège autrefois du puissant khanat Tatar (1430-1783) qui est passé de la Horde d’Or (mongole) à la suzeraineté ottomane en 1475 avant d’être conquis par Catherine II et que la Porte lui céda effectivement par le traité de Iassy en 1774. Les Russes s’y implantèrent, se livrèrent à une sévère répression entre 1850 et 1879. Staline porta le coup de grâce aux Tatars (musulmans) en deux temps, d’abord par une purge en 1930, puis en 1944 par leur déportation totale sous le faux prétexte de collaboration avec les nazis. En 1954, Nikita Kouchtchev décida d’offrir la Crimée à la république socialiste d’Ukraine. Les Tatars, autorisés à rentrer comptent, aujourd’hui une population de 250 000 âmes et ont voté massivement pour l’actuel Président ukrainien : ils sont très minoritaires face aux Russes. On le voit, l’appartenance de la république autonome de Crimée à l’Ukraine est délicate. Elle rappelle, un peu le cas, de la république autonome d’Abkhazie et la région autonome d’Ossétie du sud en Géorgie. Kiev ne peut, de son côté, se targuer d’une quelconque filiation historique pour s’opposer, le cas échéant, à une sortie de la Crimée dont le port de Sébastopol est loué à la flotte russe jusqu’en 2017. L’arrivée, en août 2008, en pleine crise géorgienne, du navire de guerre, Moskva, a déchaîné l’enthousiasme des Russes. Le Kremlin garde bien au chaud cette poupée russe pour le cas où….
L’Ukraine est donc une république fragile partagée en deux camps : l’Ouest ukrainophone, et l’Est Russophone qui constitue une seconde poupée russe. N’oublions pas, entre la Moldavie et l’Ukraine, la République moldave de Transnistrie qui a fait sécession de la première en 1991 : elle abrite la XIVe armée russe. C’est la troisième poupée russe.
Le Président Iouchtchenko a misé jusqu’à présent sur le soutien franc et massif de Washington et de Bruxelles pour se séparer nettement de la Russie. Les Européens dont l’Allemagne et la France s’opposent à l’arrivée de ce pays dans l’OTAN ainsi que dans l’Union européenne. La dépendance énergétique de l’Europe à l’égard de la Russie est dans tous les esprits. Iouchtchenko a refusé l’installation des antimissiles américains (BMDE) et a promis un référendum sur l’entrée ou pas dans l’OTAN. Cette concession à son opinion publique ne suffit apparemment pas. Le voyage qu’il a effectué à Tbilissi avec les présidents des trois états baltes et polonais, loin, de lui redonner de la force l’a diminué et a précipité la crise politique avec Ioula Timochenko. Cette dernière souhaite, on le devine, apparaître pour une candidate de conciliation auprès des ukrainophones et des russophones et d’être reconnue comme interlocutrice par Moscou et l’Union européenne. Elle pense qu’une alliance avec le parti des régions est la solution, à ceci prés que son chef, Viktor Ianoukovitch brigue également la présidence.
Que peut faire le Président Iouchtchenko ? Il a trente jours pour présenter un gouvernement devant la Rada, au-delà, il peut dissoudre l’assemblée et provoquer des élections qu’il est, à peu prés sûr de perdre. Situation presque inextricable. Moscou ne se gêne pas pour prévenir de l’éminence d’un coup d’état militaire à l’initiative de Iouchtchenko. Est-ce crédible, à un an des élections présidentielles ? Est-il capable de devenir un second Mikheil Saakachvili ? C’est douteux. Qui le soutiendrait ? Pas l’Union européenne, pas davantage les Etats-Unis. En septembre, Dick Cheyney venu en Ukraine, a promis tout au point de n’être pas cru : l’exemple de la Géorgie était tout proche !
L’Ukraine rentre dans une énième turbulence politique dont la Russie tirera les ficelles. Qu’elle le veuille ou non, l’Ukraine revient dans le giron de Moscou, serait-ce la seconde victoire de cette ville sur Kiev qui fut l’âme capitale avec la république de Novgorod de la « Russie » jusqu’à l’invasion mongole au XIIIe siècle ?
Jean Vinatier
©SERIATIM 2008
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vendredi 19 septembre 2008
L'Ukraine parmi les poupées russes... N°290 - 2eme année
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