Harold Pinter est mort le 25 décembre 2008 : les médias ont passé la nouvelle rapidement sans trop s’attarder. Devait-on consacrer du temps à un homme qui a dénoncé dans son œuvre, théâtrale, poétique, l’absurde, l’angoisse et les dictatures à venir ? Dans la tombe le Pinter : bon débarras !
Cet anglais issu d’une famille russe juive, est né en 1930 dans le quartier le plus redouté de Londres, East End. Il n’attend pas ses vingt ans pour entrer en révolte, il refuse de faire son service militaire. Il a de multiples jobs qui l’aident à payer ses cours et il fréquente les laisser pour compte du royaume ainsi que les macs.
Des années 50 à 1963, ses pièces emportent des succès d’estime jusqu’au triomphe du Gardien en 1963, point de départ d’une gloire qui ne faiblira plus.
Nobélisé en 2005, Harold Pinter, gravement malade, ne put se rendre en Suède. Il a fait lire un discours superbe dont il est bon de rappeler deux longs extraits :
« Le langage politique, tel que l’emploient les hommes politiques, ne s’aventure jamais sur ce genre de terrain, puisque la majorité des hommes politiques, à en croire les éléments dont nous disposons, ne s’intéressent pas à la vérité mais au pouvoir et au maintien de ce pouvoir. Pour maintenir ce pouvoir il est essentiel que les gens demeurent dans l’ignorance, qu’ils vivent dans l’ignorance de la vérité, jusqu’à la vérité de leur propre vie. Ce qui nous entoure est donc un vaste tissu de mensonges, dont nous nous nourrissons.
Comme le sait ici tout un chacun, l’argument avancé pour justifier l’invasion de l’Irak était que Saddam Hussein détenait un arsenal extrêmement dangereux d’armes de destruction massive, dont certaines pouvaient être déchargées en 45 minutes, provoquant un effroyable carnage. On nous assurait que c’était vrai. Ce n’était pas vrai. On nous disait que l’Irak entretenait des relations avec Al Qaïda et avait donc sa part de responsabilitédans l’atrocité du 11 septembre 2001 à New York. On nous assurait que c’était vrai. Ce n’était pas vrai. On nous disait que l’Irak menaçait la sécurité du monde. On nous assurait que c’était vrai. Ce n’était pas vrai.
La vérité est totalement différente. La vérité est liée à la façon dont les États-Unis comprennent leur rôle dans le monde et la façon dont ils choisissent de l’incarner.
[…]
Les États-Unis ont soutenu, et dans bien des cas engendrés, toutes les dictatures militaires droitières apparues dans le monde à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Je veux parler de l’Indonésie, de la Grèce, de l’Uruguay, du Brésil, du Paraguay, d’Haïti, de la Turquie, des Philippines, du Guatemala, du Salvador, et, bien sûr, du Chili. L’horreur que les États-Unis ont infligée au Chili en 1973 ne pourra jamais être expiée et ne pourra jamais être oubliée.
Des centaines de milliers de morts ont eu lieu dans tous ces pays. Ont-elles eu lieu? Et sont-elles dans tous les cas imputables à la politique étrangère des États-Unis? La réponse est oui, elles ont eu lieu et elles sont imputables à la politique étrangère américaine. Mais vous n’en savez rien.
Ça ne s’est jamais passé. Rien ne s’est jamais passé. Même pendant que cela se passait, ça ne se passait pas. Ça n’avait aucune importance. Ça n’avait aucun intérêt. Les crimes commis par les États-Unis ont été systématiques, constants, violents, impitoyables, mais très peu de gens en ont réellement parlé. Rendons cette justice à l’Amérique : elle s’est livrée, partout dans le monde, à une manipulation tout à fait clinique du pouvoir tout en se faisant passer pour une force qui agissait dans l’intérêt du bien universel. Un cas d’hypnose génial, pour ne pas dire spirituel, et terriblement efficace.
Les États-Unis, je vous le dis, offrent sans aucun doute le plus grand spectacle du moment. Pays brutal, indifférent, méprisant et sans pitié, peut-être bien, mais c’est aussi un pays très malin. À l’image d’un commis voyageur, il œuvre tout seul et l’article qu’il vend le mieux est l’amour de soi. Succès garanti. Écoutez tous les présidents américains à la télévision prononcer les mots « peuple américain », comme dans la phrase : « Je dis au peuple américain qu’il est temps de prier et de défendre les droits du peuple américain et je demande au peuple américain de faire confiance à son Président pour les actions qu’il s’apprête à mener au nom du peuple américain. »
Le stratagème est brillant. Le langage est en fait employé pour tenir la pensée en échec. Les mots « peuple américain » fournissent un coussin franchement voluptueux destiné à vous rassurer. Vous n’avez pas besoin de penser. Vous n’avez qu’à vous allonger sur le coussin. Il se peut que ce coussin étouffe votre intelligence et votre sens critique mais il est très confortable. Ce qui bien sûr ne vaut pas pour les 40 millions de gens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ni aux 2 millions d’hommes et de femmes incarcérés dans le vaste goulag de prisons qui s’étend d’un bout à l’autre des États-Unis.
Les États-Unis ne se préoccupent plus des conflits de faible intensité. Ils ne voient plus l’intérêt qu’il y aurait à faire preuve de réserve, ni même de sournoiserie. Ils jouent cartes sur table, sans distinction. C’est bien simple, ils se fichent éperdument des Nations Unies, du droit international ou des voix dissidentes, dont ils pensent qu’ils n’ont aucun pouvoir ni aucune pertinence. Et puis ils ont leur petit agneau bêlant qui les suit partout au bout d’une laisse, la Grande-Bretagne, pathétique et soumise.
Où est donc passée notre sensibilité morale ? En avons-nous jamais eu une ? Que signifient ces mots ? Renvoient-ils à un terme très rarement employé ces temps-ci – la conscience ? Une conscience qui soit non seulement liée à nos propres actes mais qui soit également liée à la part de responsabilité qui est la nôtre dans les actes d’autrui ? Tout cela est-il mort ? Regardez Guantanamo. Des centaines de gens détenus sans chef d’accusation depuis plus de trois ans, sans représentation légale ni procès équitable, théoriquement détenus pour toujours. Cette structure totalement illégitime est maintenue au mépris de la Convention de Genève. Non seulement on la tolère mais c’est à peine si la soi-disant « communauté internationale » en fait le moindre cas. Ce crime scandaleux est commis en ce moment même par un pays qui fait profession d’être « le leader du monde libre ». Est-ce que nous pensons aux locataires de Guantanamo ? Qu’en disent les médias ? Ils se réveillent de temps en temps pour nous pondre un petit article en page six. Ces hommes ont été relégués dans un no man’s land dont ils pourraient fort bien ne jamais revenir. À présent beaucoup d’entre euxfont la grève de la faim, ils sont nourris de force, y compris des résidents britanniques. Pas de raffinements dans ces méthodes d’alimentation forcée. Pas de sédatifs ni d’anesthésiques. Juste un tube qu’on vous enfonce dans le nez et qu’on vous fait descendre dans la gorge. Vous vomissez du sang. C’est de la torture. Qu’en a dit le ministre des Affaires étrangères britannique ? Rien. Qu’en a dit le Premier Ministre britannique ? Rien. Et pourquoi ? Parce que les États-Unis ont déclaré : critiquer notre conduite à Guantanamo constitue un acte hostile. Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous. Résultat, Blair se tait.
L’invasion de l’Irak était un acte de banditisme, un acte de terrorisme d’État patenté, témoignant d’un absolu mépris pour la notion de droit international. Cette invasion était un engagement militaire arbitraire inspiré par une série de mensonges répétés sans fin et une manipulation flagrante des médias et, partant, du public ; une intervention visant à renforcer le contrôle militaire et économique de l’Amérique sur le Moyen-Orient et se faisant passer – en dernier ressort – toutes les autres justifications n’ayant pas réussi à prouver leur bien-fondé – pour une libération. Une red outable affirmation de la force militaire responsable de la mort et de la mutilation de milliers et de milliers d’innocents.
Nous avons apporté au peuple irakien la torture, les bombes à fragmentation, l’uranium appauvri, d’innombrables tueries commises au hasard, la misère, l’humiliation et la mort et nous appelons cela « apporter la liberté et la démocratie au Moyen-Orient ».
Combien de gens vous faut-il tuer avant d’avoir droit au titre de meurtrier de masse et de criminel de guerre ? Cent mille ? Plus qu’assez, serais-je tenté de croire. Il serait donc juste que Bush et Blair soient appelés à comparaître devant la Cour internationale de justice. Mais Bush a été malin. Il n’a pas ratifié la Cour internationale de justice. Donc, si un soldat américain ou, à plus forte raison, un homme politique américain, devait se retrouver au banc des accusés, Bush a prévenu qu’il enverrait les marines. Mais Tony Blair, lui, a ratifié la Cour et peut donc faire l’objet de poursuites.Nous pouvons communiquer son adresse à la Cour si ça l’intéresse. Il habite au 10 Downing Street, Londres.
La mort dans ce contexte devient tout à fait accessoire. Bush et Blair prennent tous deux bien soin de la mettre de côté. Au moins 100 000 Irakiens ont péri sous les bombes et les missiles américains avant que ne commence l’insurrection irakienne. Ces gens-là sont quantité négligeable. Leur mort n’existe pas. Un néant. Ils ne sont même pas recensés comme étant morts. « Nous ne comptons pas les cadavres » a déclaré le général américain Tommy Franks.
Aux premiers jours de l’invasion une photo a été publiée à la une des journaux britanniques ; on y voit Tony Blair embrassant sur la joue un petit garçon irakien. « Un enfant reconnaissant » disait la légende. Quelques jours plus tard on pouvait trouver, en pages intérieures, l’histoire et la photo d’un autre petit garçon de quatre ans qui n’avait plus de bras. Sa famille avait été pulvérisée par un missile. C’était le seul survivant. « Quand est-ce que je retrouverai mes bras ? » demandait-il. L’histoire est passée à la trappe. Eh bien oui, Tony Blair ne le serrait pas contre lui, pas plus qu’il ne serrait dans ses bras le corps d’un autre enfant mutilé, ou le corps d’un cadavre ensanglanté. Le sang, c’est sale. Ça salit votre chemise et votre cravate quand vous parlez avec sincérité devant les caméras de télévision.
Les 2000 morts américains sont embarrassants. On les transporte vers leurs tombes dans le noir. Les funérailles se font discrètement, en lieu sûr. Les mutilés pourrissent dans leurs lits, certains pour le restant de leurs jours. Ainsi les morts et les mutilés pourrissent-ils, dans différentes catégories de tombes. »¹
Terminons par un autre extrait cité par Pierre Assouline dans son fort bel article consacré à Harold Pinter². Il s’agit d’un article L’érosion du langage de la liberté paru dans Sanity en 1989 :
“… Le discrédit dans lequel est tombé le langage et le mal qui ronge en profondeur l’esprit et l’intelligence morale donnent au gouvernement carte blanche pour faire ce qui lui plaît. Ses représentants peuvent désormais procéder à des écoutes, entrer par effraction, détourner des fonds, cambrioler, mentir, diffamer, brutaliser et terroriser en toute impunité. A dénoncer de tels agissements on se retrouverait tout simplement en prison alors que les serviteurs du gouvernement pourraient rester au-dessus des lois, n’ayant de comptes à rendre ni aux citoyens de ce pays ni à ses représentants devant le Parlement. (Les services de sécurité ont bien entendu toujours été au-dessus des lois, mais cet état de fait est à présent comme sanctifié par le droit). Les lois sont brutales et cyniques. Il n’y en a aucune qui prenne en compte une quelconque aspiration démocratique. Elles n’ont toutes pour objet que l’intensification et la consolidation du pouvoir étatique. A moins que nous ne nous décidions à affronter franchement cette réalité en face, ce pays libre court le danger très grave de mourir étranglé”.
Cet anglais issu d’une famille russe juive, est né en 1930 dans le quartier le plus redouté de Londres, East End. Il n’attend pas ses vingt ans pour entrer en révolte, il refuse de faire son service militaire. Il a de multiples jobs qui l’aident à payer ses cours et il fréquente les laisser pour compte du royaume ainsi que les macs.
Des années 50 à 1963, ses pièces emportent des succès d’estime jusqu’au triomphe du Gardien en 1963, point de départ d’une gloire qui ne faiblira plus.
Nobélisé en 2005, Harold Pinter, gravement malade, ne put se rendre en Suède. Il a fait lire un discours superbe dont il est bon de rappeler deux longs extraits :
« Le langage politique, tel que l’emploient les hommes politiques, ne s’aventure jamais sur ce genre de terrain, puisque la majorité des hommes politiques, à en croire les éléments dont nous disposons, ne s’intéressent pas à la vérité mais au pouvoir et au maintien de ce pouvoir. Pour maintenir ce pouvoir il est essentiel que les gens demeurent dans l’ignorance, qu’ils vivent dans l’ignorance de la vérité, jusqu’à la vérité de leur propre vie. Ce qui nous entoure est donc un vaste tissu de mensonges, dont nous nous nourrissons.
Comme le sait ici tout un chacun, l’argument avancé pour justifier l’invasion de l’Irak était que Saddam Hussein détenait un arsenal extrêmement dangereux d’armes de destruction massive, dont certaines pouvaient être déchargées en 45 minutes, provoquant un effroyable carnage. On nous assurait que c’était vrai. Ce n’était pas vrai. On nous disait que l’Irak entretenait des relations avec Al Qaïda et avait donc sa part de responsabilitédans l’atrocité du 11 septembre 2001 à New York. On nous assurait que c’était vrai. Ce n’était pas vrai. On nous disait que l’Irak menaçait la sécurité du monde. On nous assurait que c’était vrai. Ce n’était pas vrai.
La vérité est totalement différente. La vérité est liée à la façon dont les États-Unis comprennent leur rôle dans le monde et la façon dont ils choisissent de l’incarner.
[…]
Les États-Unis ont soutenu, et dans bien des cas engendrés, toutes les dictatures militaires droitières apparues dans le monde à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Je veux parler de l’Indonésie, de la Grèce, de l’Uruguay, du Brésil, du Paraguay, d’Haïti, de la Turquie, des Philippines, du Guatemala, du Salvador, et, bien sûr, du Chili. L’horreur que les États-Unis ont infligée au Chili en 1973 ne pourra jamais être expiée et ne pourra jamais être oubliée.
Des centaines de milliers de morts ont eu lieu dans tous ces pays. Ont-elles eu lieu? Et sont-elles dans tous les cas imputables à la politique étrangère des États-Unis? La réponse est oui, elles ont eu lieu et elles sont imputables à la politique étrangère américaine. Mais vous n’en savez rien.
Ça ne s’est jamais passé. Rien ne s’est jamais passé. Même pendant que cela se passait, ça ne se passait pas. Ça n’avait aucune importance. Ça n’avait aucun intérêt. Les crimes commis par les États-Unis ont été systématiques, constants, violents, impitoyables, mais très peu de gens en ont réellement parlé. Rendons cette justice à l’Amérique : elle s’est livrée, partout dans le monde, à une manipulation tout à fait clinique du pouvoir tout en se faisant passer pour une force qui agissait dans l’intérêt du bien universel. Un cas d’hypnose génial, pour ne pas dire spirituel, et terriblement efficace.
Les États-Unis, je vous le dis, offrent sans aucun doute le plus grand spectacle du moment. Pays brutal, indifférent, méprisant et sans pitié, peut-être bien, mais c’est aussi un pays très malin. À l’image d’un commis voyageur, il œuvre tout seul et l’article qu’il vend le mieux est l’amour de soi. Succès garanti. Écoutez tous les présidents américains à la télévision prononcer les mots « peuple américain », comme dans la phrase : « Je dis au peuple américain qu’il est temps de prier et de défendre les droits du peuple américain et je demande au peuple américain de faire confiance à son Président pour les actions qu’il s’apprête à mener au nom du peuple américain. »
Le stratagème est brillant. Le langage est en fait employé pour tenir la pensée en échec. Les mots « peuple américain » fournissent un coussin franchement voluptueux destiné à vous rassurer. Vous n’avez pas besoin de penser. Vous n’avez qu’à vous allonger sur le coussin. Il se peut que ce coussin étouffe votre intelligence et votre sens critique mais il est très confortable. Ce qui bien sûr ne vaut pas pour les 40 millions de gens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ni aux 2 millions d’hommes et de femmes incarcérés dans le vaste goulag de prisons qui s’étend d’un bout à l’autre des États-Unis.
Les États-Unis ne se préoccupent plus des conflits de faible intensité. Ils ne voient plus l’intérêt qu’il y aurait à faire preuve de réserve, ni même de sournoiserie. Ils jouent cartes sur table, sans distinction. C’est bien simple, ils se fichent éperdument des Nations Unies, du droit international ou des voix dissidentes, dont ils pensent qu’ils n’ont aucun pouvoir ni aucune pertinence. Et puis ils ont leur petit agneau bêlant qui les suit partout au bout d’une laisse, la Grande-Bretagne, pathétique et soumise.
Où est donc passée notre sensibilité morale ? En avons-nous jamais eu une ? Que signifient ces mots ? Renvoient-ils à un terme très rarement employé ces temps-ci – la conscience ? Une conscience qui soit non seulement liée à nos propres actes mais qui soit également liée à la part de responsabilité qui est la nôtre dans les actes d’autrui ? Tout cela est-il mort ? Regardez Guantanamo. Des centaines de gens détenus sans chef d’accusation depuis plus de trois ans, sans représentation légale ni procès équitable, théoriquement détenus pour toujours. Cette structure totalement illégitime est maintenue au mépris de la Convention de Genève. Non seulement on la tolère mais c’est à peine si la soi-disant « communauté internationale » en fait le moindre cas. Ce crime scandaleux est commis en ce moment même par un pays qui fait profession d’être « le leader du monde libre ». Est-ce que nous pensons aux locataires de Guantanamo ? Qu’en disent les médias ? Ils se réveillent de temps en temps pour nous pondre un petit article en page six. Ces hommes ont été relégués dans un no man’s land dont ils pourraient fort bien ne jamais revenir. À présent beaucoup d’entre euxfont la grève de la faim, ils sont nourris de force, y compris des résidents britanniques. Pas de raffinements dans ces méthodes d’alimentation forcée. Pas de sédatifs ni d’anesthésiques. Juste un tube qu’on vous enfonce dans le nez et qu’on vous fait descendre dans la gorge. Vous vomissez du sang. C’est de la torture. Qu’en a dit le ministre des Affaires étrangères britannique ? Rien. Qu’en a dit le Premier Ministre britannique ? Rien. Et pourquoi ? Parce que les États-Unis ont déclaré : critiquer notre conduite à Guantanamo constitue un acte hostile. Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous. Résultat, Blair se tait.
L’invasion de l’Irak était un acte de banditisme, un acte de terrorisme d’État patenté, témoignant d’un absolu mépris pour la notion de droit international. Cette invasion était un engagement militaire arbitraire inspiré par une série de mensonges répétés sans fin et une manipulation flagrante des médias et, partant, du public ; une intervention visant à renforcer le contrôle militaire et économique de l’Amérique sur le Moyen-Orient et se faisant passer – en dernier ressort – toutes les autres justifications n’ayant pas réussi à prouver leur bien-fondé – pour une libération. Une red outable affirmation de la force militaire responsable de la mort et de la mutilation de milliers et de milliers d’innocents.
Nous avons apporté au peuple irakien la torture, les bombes à fragmentation, l’uranium appauvri, d’innombrables tueries commises au hasard, la misère, l’humiliation et la mort et nous appelons cela « apporter la liberté et la démocratie au Moyen-Orient ».
Combien de gens vous faut-il tuer avant d’avoir droit au titre de meurtrier de masse et de criminel de guerre ? Cent mille ? Plus qu’assez, serais-je tenté de croire. Il serait donc juste que Bush et Blair soient appelés à comparaître devant la Cour internationale de justice. Mais Bush a été malin. Il n’a pas ratifié la Cour internationale de justice. Donc, si un soldat américain ou, à plus forte raison, un homme politique américain, devait se retrouver au banc des accusés, Bush a prévenu qu’il enverrait les marines. Mais Tony Blair, lui, a ratifié la Cour et peut donc faire l’objet de poursuites.Nous pouvons communiquer son adresse à la Cour si ça l’intéresse. Il habite au 10 Downing Street, Londres.
La mort dans ce contexte devient tout à fait accessoire. Bush et Blair prennent tous deux bien soin de la mettre de côté. Au moins 100 000 Irakiens ont péri sous les bombes et les missiles américains avant que ne commence l’insurrection irakienne. Ces gens-là sont quantité négligeable. Leur mort n’existe pas. Un néant. Ils ne sont même pas recensés comme étant morts. « Nous ne comptons pas les cadavres » a déclaré le général américain Tommy Franks.
Aux premiers jours de l’invasion une photo a été publiée à la une des journaux britanniques ; on y voit Tony Blair embrassant sur la joue un petit garçon irakien. « Un enfant reconnaissant » disait la légende. Quelques jours plus tard on pouvait trouver, en pages intérieures, l’histoire et la photo d’un autre petit garçon de quatre ans qui n’avait plus de bras. Sa famille avait été pulvérisée par un missile. C’était le seul survivant. « Quand est-ce que je retrouverai mes bras ? » demandait-il. L’histoire est passée à la trappe. Eh bien oui, Tony Blair ne le serrait pas contre lui, pas plus qu’il ne serrait dans ses bras le corps d’un autre enfant mutilé, ou le corps d’un cadavre ensanglanté. Le sang, c’est sale. Ça salit votre chemise et votre cravate quand vous parlez avec sincérité devant les caméras de télévision.
Les 2000 morts américains sont embarrassants. On les transporte vers leurs tombes dans le noir. Les funérailles se font discrètement, en lieu sûr. Les mutilés pourrissent dans leurs lits, certains pour le restant de leurs jours. Ainsi les morts et les mutilés pourrissent-ils, dans différentes catégories de tombes. »¹
Terminons par un autre extrait cité par Pierre Assouline dans son fort bel article consacré à Harold Pinter². Il s’agit d’un article L’érosion du langage de la liberté paru dans Sanity en 1989 :
“… Le discrédit dans lequel est tombé le langage et le mal qui ronge en profondeur l’esprit et l’intelligence morale donnent au gouvernement carte blanche pour faire ce qui lui plaît. Ses représentants peuvent désormais procéder à des écoutes, entrer par effraction, détourner des fonds, cambrioler, mentir, diffamer, brutaliser et terroriser en toute impunité. A dénoncer de tels agissements on se retrouverait tout simplement en prison alors que les serviteurs du gouvernement pourraient rester au-dessus des lois, n’ayant de comptes à rendre ni aux citoyens de ce pays ni à ses représentants devant le Parlement. (Les services de sécurité ont bien entendu toujours été au-dessus des lois, mais cet état de fait est à présent comme sanctifié par le droit). Les lois sont brutales et cyniques. Il n’y en a aucune qui prenne en compte une quelconque aspiration démocratique. Elles n’ont toutes pour objet que l’intensification et la consolidation du pouvoir étatique. A moins que nous ne nous décidions à affronter franchement cette réalité en face, ce pays libre court le danger très grave de mourir étranglé”.
Que dire d’autre ? Rien si ce n’est que nous assistons au départ des hommes vaillants et combattifs tel Harold Pinter et que nul ne leur succéde à l’inverse, la léthargie des hommes augmente sans cesse : gloire aux moutons de Panurge ?
Nicolas Sarkozy s’est fendu d’un communiqué pour saluer le grand homme : ô dérision !!!!!!! Le petit homme ne craint pas le ridicule mais c’est encore (heureusement) Harold Pinter qui rigole, n’est-il pas l’auteur d’un roman intiulé Les Nains !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Jean Vinatier
©SERIATIM 2008
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Sources :
1-http://nobelprize.org/nobel_prizes/literature/laureates/2005/pinter-lecture-f.html
2-http://passouline.blog.lemonde.fr/2008/12/25/pour-saluer-harold-pinter/
http://www.republique-des-lettres.fr/10617-harold-pinter.php
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