Eustache Deschamps (v.1340-v.1407) dit Morel ou Maurel en raison de son teint est l’un des auteurs les plus prolixes de son temps (82 000 vers) ! Auteur du premier traité de poétique (L’Art de dictier) dédié à son maître, Guillaume de Machaut (1300-1377). Il se fera l’écho, à travers son œuvre, des événements de son temps, des sujets de circonstance – éloge funèbre de Du Guesclin - alliant dans cet exercice une verve moqueuse à une vision pessimiste de l’homme ; ainsi dans Les Ballades de moralités où son intention moralisatrice perce : elle inspirera La Fontaine dans ses fables !
« Puissant défaillant de puissance [à qui la puissance manque],
Sage où il n’y a point de sens,
Vaillant qui manque de vaillance,
Orgueilleux d’orgueil défaillant [manquant],
Riche de richesses faillant [privé],
Qui dois par nature pourrir.
Corps corrompable et corrumpant [corruptible et corrompu],
Avise qu’il te faut mourir.
Au maître cries la pesance [le fardeau]
Du monde, et si n’es innocent :
Toi et ta mort tantôt commence ;
Ton âge est bref et pesant
Qui ne peut passer LX ans,
Et encore est-ce au mieux venir,
Et les plusieurs meurent enfants :
Avise qu’il te faut mourir.
Certaineté [certitude] n’as en science,
Tu n’es en force permanent,
En seigneurie, en éloquence,
En richesse : ce n’est que vent
Du monde qui est décevant ;
Tantôt te fait la mort finir.
Où est Olivier et Roland ?
Avise qu’il te faut mourir.
ENVOI
Prince, qui fait bien dans l’enfance
Sans mal et sans enorgueillir,
Sage est, qui à la fin pense :
Avise qu’il te faut mourir. »
Jean Vinatier
©SERIATIM 2009
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Source :
Eustache Deschamps : Oeuvres complètes1 & 2: Balades de moralitez d'après le manuscrit de la Bibliothèque nationale par le Marquis de Queux de Saint-Hilaire et Gaston Raynaud, Paris, Firmin-Didot, 1878-1880
« Puissant défaillant de puissance [à qui la puissance manque],
Sage où il n’y a point de sens,
Vaillant qui manque de vaillance,
Orgueilleux d’orgueil défaillant [manquant],
Riche de richesses faillant [privé],
Qui dois par nature pourrir.
Corps corrompable et corrumpant [corruptible et corrompu],
Avise qu’il te faut mourir.
Au maître cries la pesance [le fardeau]
Du monde, et si n’es innocent :
Toi et ta mort tantôt commence ;
Ton âge est bref et pesant
Qui ne peut passer LX ans,
Et encore est-ce au mieux venir,
Et les plusieurs meurent enfants :
Avise qu’il te faut mourir.
Certaineté [certitude] n’as en science,
Tu n’es en force permanent,
En seigneurie, en éloquence,
En richesse : ce n’est que vent
Du monde qui est décevant ;
Tantôt te fait la mort finir.
Où est Olivier et Roland ?
Avise qu’il te faut mourir.
ENVOI
Prince, qui fait bien dans l’enfance
Sans mal et sans enorgueillir,
Sage est, qui à la fin pense :
Avise qu’il te faut mourir. »
Jean Vinatier
©SERIATIM 2009
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Source :
Eustache Deschamps : Oeuvres complètes1 & 2: Balades de moralitez d'après le manuscrit de la Bibliothèque nationale par le Marquis de Queux de Saint-Hilaire et Gaston Raynaud, Paris, Firmin-Didot, 1878-1880
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