L’œuvre poétique de Michel-Ange (1475-1564) resta jusqu’au XXe siècle cachée, repoussée. Etonnons-nous d’une telle injustice ! Cet artiste immense perdait-il toute noblesse en étant poète ? Pourtant, comme l’écrit son traducteur Pierre Leyris « là où le pouvoir du ciseau et du pinceau s’arrête, naît celui de la poésie » seule à même d’apaiser les tourments de Michel-Ange.
Ses poèmes (1507-1560) ne sont pas l’œuvre d’un jeune homme mais d’un homme mûr pour l’époque (32 ans) qui s’interroge sur sa foi et sa destinée. Ainsi la « Canzone inachevée » écrite en 1530 où Michel-Ange médite autant qu’il se confesse en chrétien, doutant que la « recréation de la beauté humaine » puisse conduire à Dieu.
« Hélas, hélas, je suis trahi
par les jours en fuite et par le miroir
qui dit vrai à quiconque le regarde en face !
Tous ceux qui tardent trop à songer à leur fin,
moi le premier, dont le temps est passé,
se découvrent un jour âgés.
Je ne sais pas me repentir, prendre conseil,
le préparer à la mort si prochaine.
Ennemi de moi-même,
c’est en vain que je pleure, en vain que je soupire,
nulle coulpe ne vaut le temps perdu.
Hélas, hélas, si je récapitule
le temps passé, je n’y puis pas trouver
un jour, un seul dont j’aie été le maître !
Les espoirs fallacieux comme les vains désirs,
aimer, pleurer, brûler, pousser mille soupirs
(nulle passion mortelle que je ne connaisse)
m’ont retenu, je le sais, je le sens,
loin du vrai, ce qui n’est que trop sûr.
Maintenant, le péril est là,
car le temps est bref, il me manque
et, se prolongeât-il, je ne serais pas assagi !
Je vais sans force, hélas, je ne sais où,
ou plutôt je crains de le voir, car le passé,
même fermant les yeux, est là qui me le montre.
Maintenant que l’âge transforme mon écorce,
La Mort [la perdition] bataille incessamment avec mon âme
à qui régira mon état.
Or, si je ne me trompe
(Dieu veuille que j’aie tort !)
c’est mon châtiment éternel
pour le mal que j’ai fait librement et sciemment
que j’entrevois, Seigneur, et je ne sais plus qu’espérer. »¹
Jean Vinatier
©SERIATIM 2009
Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à : jv3@free.fr
Source :
1-Michel-Ange, Poèmes, choisis, présentés, traduits par Pierre Leyris, Paris, Mazarine, 1983, pp.64-65.
Ses poèmes (1507-1560) ne sont pas l’œuvre d’un jeune homme mais d’un homme mûr pour l’époque (32 ans) qui s’interroge sur sa foi et sa destinée. Ainsi la « Canzone inachevée » écrite en 1530 où Michel-Ange médite autant qu’il se confesse en chrétien, doutant que la « recréation de la beauté humaine » puisse conduire à Dieu.
« Hélas, hélas, je suis trahi
par les jours en fuite et par le miroir
qui dit vrai à quiconque le regarde en face !
Tous ceux qui tardent trop à songer à leur fin,
moi le premier, dont le temps est passé,
se découvrent un jour âgés.
Je ne sais pas me repentir, prendre conseil,
le préparer à la mort si prochaine.
Ennemi de moi-même,
c’est en vain que je pleure, en vain que je soupire,
nulle coulpe ne vaut le temps perdu.
Hélas, hélas, si je récapitule
le temps passé, je n’y puis pas trouver
un jour, un seul dont j’aie été le maître !
Les espoirs fallacieux comme les vains désirs,
aimer, pleurer, brûler, pousser mille soupirs
(nulle passion mortelle que je ne connaisse)
m’ont retenu, je le sais, je le sens,
loin du vrai, ce qui n’est que trop sûr.
Maintenant, le péril est là,
car le temps est bref, il me manque
et, se prolongeât-il, je ne serais pas assagi !
Je vais sans force, hélas, je ne sais où,
ou plutôt je crains de le voir, car le passé,
même fermant les yeux, est là qui me le montre.
Maintenant que l’âge transforme mon écorce,
La Mort [la perdition] bataille incessamment avec mon âme
à qui régira mon état.
Or, si je ne me trompe
(Dieu veuille que j’aie tort !)
c’est mon châtiment éternel
pour le mal que j’ai fait librement et sciemment
que j’entrevois, Seigneur, et je ne sais plus qu’espérer. »¹
Jean Vinatier
©SERIATIM 2009
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Source :
1-Michel-Ange, Poèmes, choisis, présentés, traduits par Pierre Leyris, Paris, Mazarine, 1983, pp.64-65.
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