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dimanche 22 mars 2009

Freeman : « Je suis moi-même, personne d’autre » N°422 - 2eme année

Le Wall Street Journal¹ a publié dans son édition du 10 mars la lettre de l’ancien ambassadeur Charles W. Freeman (1943) dans laquelle il expose longuement ce qui l’a conduit à renoncer à la fonction de directeur du National Intelligence Council.
“I am my own man, no one else's” (je suis moi-même, personne d’autre) est, certainement la phrase la plus forte que ce diplomate américain pouvait écrire contre tous les détracteurs dont l’
AIPAC, un puissant lobby pro-israélien qui s’arroge le droit d’influer sur des nominations sensibles américaines.
Charles W. Freeman, ancien ambassadeur en Arabie Saoudite (nommé par Georges Bush père en 1989) serait suspecté de partialité sinon d’une franche hostilité envers la politique étrangère israélienne. Vrai ou pas, le problème ne se situe pas là. Pour la première fois, nous avons vu agir au grand jour un lobby qui n’a pas hésité à afficher tous les relais qu’il a, non seulement dans les médias mais surtout parmi les sénateurs et les députés, républicains et démocrates confondus. Des blogueurs américains et d’anciens ambassadeurs ont soutenu la candidature de Charles Freeman, diplomate polyglotte (mandarin, espagnol, français, arabe littéraire) et ils se sont employés à donner via Internet le maximum de résonance : c’est réussi !
Rien n’est pire pour un pays que d’être soumis aux choix de tel ou tel lobby qui défend toujours des intérêts particuliers. Le Président Obama n’a pas osé passer outre, faiblesse ou d’aveu d’impuissance ?
La lettre de Freeman, est précieuse : elle est riche en réflexions. L’article publié par Rachid Grim dans le quotidien algérien,
El Watan n’est pas à négliger².

Ci-dessous la traduction en français :

« A ceux qui m’ont soutenu et encouragé pendant la polémique de ces deux dernières semaines, vous avez ma gratitude et mon respect.
Vous avez vu maintenant la déclaration du directeur du Renseignement national, Dennis Blair, disant que je suis revenu sur ma précédente acceptation de son invitation à la présidence du Conseil du Renseignement national.
J’en ai conclu que le déluge de déformations calomnieuses de mes antécédents ne cesserait pas avec ma prise de fonction. Au lieu de cela, les efforts déployés pour me salir et détruire ma crédibilité continueraient.
Je ne crois pas que le Conseil du Renseignement national (NIC) puisse fonctionner de manière efficace si son président fait constamment l’objet d’attaques venant de personnes peu scrupuleuses avec un fervent attachement aux opinions d’une faction politique dans un pays étranger. J’ai accepté de présider le NIC pour le renforcer et le protéger contre toute politisation, et non pas pour le soumettre aux efforts déployés par un groupe d’intérêt spécial désirant imposer son contrôle à travers une longue campagne politique.
Comme ceux qui me connaissent le savent bien, j’ai beaucoup aimé la vie depuis que je me suis retiré du gouvernement. Rien n’est plus éloigné de ma pensée que le retour au service public. Lorsque l’amiral Blair m’a demandé de présider le NIC, j’ai répondu que je comprenais qu’il « me demandait de donner ma liberté d’expression, mes loisirs, la plus grande partie de mes revenus, de me soumettre à la coloscopie mentale d’un polygraphe, et de reprendre un travail quotidien avec de longues heures de travail et une ration quotidienne de mauvais traitements politiques »J’ai ajouté que je me demandais « s’il n’y avait pas une sorte d’inconvénient à cette offre » J’étais conscient du fait que personne n’est indispensable, je ne suis pas une exception.
Il m’a fallu des semaines de réflexion avant de conclure qu’étant donnée la situation difficile sans précédent dans laquelle se trouve actuellement notre pays à l’étranger et au niveau interne, je n’avais pas d’autre choix que d’accepter l’appel au retour dans le service public. J’ai alors démissionné de tous les postes que j’avais et de toutes les activités dans lesquelles j’étais engagé. J’attends maintenant avec impatience de revenir à la vie privée, libre de toutes mes obligations antérieures.
Je ne suis pas assez prétentieux pour croire que cette polémique me concernait directement et non des questions de politique publique. Ces questions n’ont pas grand-chose à voir avec le NIC et ne sont pas au cœur de ce que j’espérais faire pour contribuer à la qualité de l’analyse mise à la disposition du président Obama et de son administration.
Pourtant, je suis attristé par ce qu’ont révélé au sujet de l’état de notre société civile la polémique et les critiques publiques au vitriol de ceux qui se sont consacrés à l’entretenir. Il est évident que nous, les États-uniens, ne pouvons plus avoir une sérieuse discussion publique ou un jugement indépendant sur les questions de grande importance pour notre pays, tout comme nos alliés et amis.
Les diffamations me concernant et leurs pistes d’emails facilement « traçables » montrent de façon certaine qu’il y a un lobby puissant déterminé à empêcher que soit diffusé toute opinion autre que la sienne, et encore moins de laisser les États-uniens comprendre les tendances et les événements au Proche-Orient.
La stratégie du lobby israélien touche le fond du déshonneur et de l’indécence et comprend la diffamation, les citations sélectives inexactes, la déformation volontaire d’un dossier, la fabrication de mensonges, et un total mépris de la vérité. L’objectif de ce lobby est le contrôle du processus politique par l’exercice d’un droit de veto sur la nomination des personnes qui contestent le bien-fondé de son point de vue, la substitution d’une justesse politique de l’analyse, et l’exclusion de toutes les options pour la prise de décisions par les Américains et notre gouvernement autres que celles qu’il favorise.
C’est particulièrement ironique d’être accusé d’égards déplacés pour des opinions au sujet de sociétés et de gouvernements étrangers par un groupe ayant aussi clairement l’intention de faire appliquer une adhésion à la politique d’un gouvernement étranger — dans ce cas, le gouvernement d’Israël.
Je pense que l’incapacité de l’opinion publique états-unienne à débattre, ou du gouvernement à examiner toute option de politique US au Proche-Orient opposée à la faction au pouvoir en Israël a permis à cette faction d’adopter et de maintenir des politiques qui à terme menacent l’existence de l’État d’Israël. Il est interdit à qui que ce soit aux États-Unis de le dire. Ce n’est pas seulement une tragédie pour les Israéliens et leurs voisins au Proche-Orient, mais cela nuit de plus en plus à la sécurité nationale des États-Unis.
L’agitation scandaleuse qui a fait suite à la fuite concernant ma nomination imminente sera considérée par beaucoup comme soulevant de graves questions quant au fait de savoir si l’administration Obama sera en mesure de prendre ses propres décisions sur le Proche-Orient et les questions liées. Je regrette que ma volonté de servir dans la nouvelle administration ait fini par jeter le doute sur sa capacité à examiner, sans parler de décider, quelles politiques pourraient le mieux servir les intérêts des États-Unis au lieu de ceux d’un lobby ayant l’intention de faire respecter la volonté et des intérêts d’un gouvernement étranger.
Devant le tribunal de l’opinion publique, contrairement à une cour de justice, on est coupable jusqu’à preuve du contraire. Les allocutions d’où des citations ont été tirées hors de leur contexte sont disponibles pour tous ceux qui sont intéressés par la lecture de la vérité. L’injustice des accusations portées contre moi est évidente pour ceux qui ont l’esprit ouvert. Ceux qui ont cherché à attaquer ma personne ne sont pas intéressés par les réfutations que je ou quelqu’un d’autre pourrait faire.
Néanmoins, pour le dossier : je n’ai jamais cherché à être payé ou accepté le paiement d’un gouvernement étranger, que ce soit l’Arabie Saoudite ou la Chine, contre tout service, je n’ai jamais parlé au nom d’un gouvernement étranger, de ses intérêts ou de ses politiques. Je n’ai jamais fait pression sur n’importe quelle agence de notre gouvernement pour une raison quelconque, étrangère ou nationale.
Je suis moi-même, personne d’autre, et à mon retour dans la vie privée, je servirai une fois de plus – et à mon grand plaisir – personne d’autre que moi. Je vais continuer à m’exprimer comme je le voudrai sur des sujets qui me préoccupent, moi ainsi que d’autres Américains.
Je garde mon respect et ma confiance dans le président Obama et Directeur du Renseignement national Blair. Notre pays doit maintenant faire face à de terribles défis à l’étranger comme au niveau national. Comme tous les États-uniens patriotes, je continue de prier pour que notre président puisse nous aider à les surmonter.
Charles W. Freeman
»³




Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

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Sources :



1-
http://online.wsj.com/article/SB123672847973688515.html

2-Rachid Grim :
http://www.elwatan.com/La-paix-a-t-elle-encore-une-chance
Blog de l’auteur : http://www.dzblog.net/rachidgrim2007/

3-
http://www.voltairenet.org/article159392.html

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