Que se passe-t-il à Pyongyang ? La dictature communiste la plus fermée au monde entretient le mystère. Entre famine et terreur, le régime nord-coréen ne laisse entrevoir que peu de chose.
Cette « monarchie » communiste née en 1948 d’un commun accord entre les Russes et les Etats-Unis est-elle entre les seules mains de la famille de Kim Jong-Il (né en 1941) successeur de son père Kim Il-Sung (1912-1994) ?
A tout seigneur tout honneur, commençons par la famille de Kim Jong-Il marié 4 fois. Son fils aîné est du 1er lit, Kim Jong-nam (1971), les deux autres, Kim Jong-chol (1981) et Kim Jong-un (1983) étant du 3e lit. Si le premier parfaitement francophone semble écarté, les regards se tourneraient vers le cadet. Pourquoi ? Pas de réponse. De toute manière, aucune succession ne peut se faire hors l’accord de l’armée. En prenant le plus jeune les militaires voudraient-ils avoir une potiche ?
Le Korean Workers Party (KWP) et le Korean People Army (KPA) sont les deux structures principales du régime et c’est la seconde qui contrôle, en principe, la première. La Corée du Nord est bel et bien un pays dans lequel les militaires jouent le rôle clef. Les interrogations qui surviennent le sont à propos du rapport de force entre les vice-maréchaux et les généraux et la famille de Kim Il-Jong. A plusieurs reprises des généraux ont tenté de renverser l’actuelle famille dirigeante (1991/92, 1995, 1997) tous furent condamnés à mort et pour certains d’entre eux, parait-il, brûlés vifs devant les troupes. En 2003, Kim Jong-Il effrayé par la défection de la Garde de Saddam Hussein qui laissa entrer sans combat l’armée américaine dans Bagdad se livra à une purge parmi la sienne.
Les défilés militaires impressionnants masquent mal un malaise croissant parmi le pilier central du régime nord coréen. Il y a des oppositions ou des rivalités très nettes parmi les officiers généraux selon leur âge. Le pouvoir joue habilement sur ces concurrences générationnelles pour éviter autant qu’il le peut toute coalition qui lui serait à terme mortelle.
A quel type de coup d’état assisterions-nous ? Un putsch conservateur ou libéral type perestroïka ? C’est là-aussi l’inconnue. Il y a, outre les ultra-nationalistes, les pro-russes, les pro-chinois et certainement des pro-américains.
Pourquoi Pyongyang a-t-elle décidé d’opérer tous ces tirs ? La force atomique n’est-elle pas le seul argument diplomatique entre ses mains ? Est-ce un signal envoyé par le complexe militaro-industriel, allié aux tenants de la ligne dure au sein du Korean Workers Party ? Les réductions de forces ne sont pas appréciées par cette faction de la ligne dure à Pyongyang.
La Chine n’a pas tort de craindre l’implosion de la Corée du Nord. Revendiquant ce pays comme sa chasse gardée Pékin joue son prestige si ses dirigeants ne parviennent pas à contrôler la situation. Pour l’heure la capitale chinoise tout comme celle de la Russie donne un gage à l’opinion internationale en condamnant avec la même force les tirs de missiles. La Corée du Nord étant, par sa situation géographique un verrou important (citons le réseau ferroviaire), sans doute la Russie et la Chine voudraient-elles ramener leur voisin commun dans la raison en procédant, pourquoi pas, à une révolution de palais. Pékin et Moscou ayant l’ambition commune de développer la Sibérie, la Corée du Nord pourrait à terme devenir un nœud capital géostratégique et économique. De cette manière la Corée du Sud resterait dans l’orbite américaine et le Nord sous la férule sino-russe.
Evidemment Tokyo et Séoul réagissent en mobilisant des troupes et l’ONU dirigée par un sud coréen n’influe que peu.
Il reste l’hypothèse d’un coup de folie d’un général de Pyongyang qui appuierait sur le bouton. Mais cela semble improbable sauf dans James Bond, « Meurs un autre jour ».
Cependant, le « Cher leader » Kim Jong-Il est diabétique avec un coeur faible - c’est le constat des médecins français appelés régulièrement à venir dans la capitale -, la succession se prépare non sans heurts, et nous pouvons alors répéter le proverbe coréen : « Quand les baleines chahutent, les crevettes trinquent ».
Jean Vinatier
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Sources :
1- Proverbe coréen cité par Alain Delissen, préface à Carlo Rossetti, La Corée et les Coréens (1902) Langres, Maisonneuve & Larose, 2002
Généalogie de la dynastie au pouvoir :
http://news.bbc.co.uk/1/hi/world/asia-pacific/3203523.stm
Liste des généraux :
http://www.globalsecurity.org/military/world/dprk/leadership.htm
Cartes :
http://www.globalsecurity.org/military/world/dprk/images/dprk_mil_map_l.gif
http://www.globalsecurity.org/military/world/dprk/images/dprk-map-topo.jpg
Article de Yoel Sano (Voir également d’autres articles parus dans Asia Times)
http://www.globalsecuritynews.com/showArticle3.cfm?article_id=10987&topicID=43
Autre :
http://www.lemonde.fr/archives/article/2009/05/28/les-etats-unis-sans-reponse-face-a-la-coree-du-nord_1199094_0.html