Après La morsure du dragon (2005) et Les royaumes combattants (2007) parus aux éditions First, Jean-François Susbielle consacre son dernier ouvrage à l’Europe avec un titre provocateur « Le déclin de l’empire européen ». Nous savons tous que l’empire européen n’a jamais existé même en le comparant à l’empire carolingien. L’auteur résume dans son titre, la perte de force de l’ensemble des puissances qui ont fait, au fur et à mesure des siècles (fin XVe-XXe siècles) de notre continent une force mondiale.
Jean-François Susbielle trace dans cet ouvrage écrit dans un style alerte, un paysage géopolitique européen singulièrement pessimiste. La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni formeraient l’ossature d’une Europe qui échapperait autant aux peuples qu’aux dirigeants.
Les chefs de gouvernement ont-ils une conscience européenne ? Jean-François Susbielle donne une réponse négative au récit qu’il fait de la politique allemande après le départ du Général de Gaulle. De 1969 à aujourd’hui, les différents gouvernements allemands ont patiemment reconstruit leur économie pour devenir la première nation exportatrice mondiale. En encourageant l’agrandissement des pays de la Communauté européenne (Union en 1992) ils ont réussi à affaiblir le poids de la France et à s’imposer aux pays de l’Europe de l’Est et Orientale. En 2009, l’Allemagne de la chancelière Merkel est satisfaite de ce retour en force qui ignore toute idée européenne. Berlin reconquiert son autonomie sous couvert de la protection otanienne pour son intérêt exclusif.
Grâce à Jean Monnet et à Robert Schumann, la France est parmi les pères fondateurs de l’Europe. La période gaullienne « flamboyante » a considérablement œuvré pour qu’une Europe puissance s’affirme entre les Etats-Unis et l’U.R.S.S. Après 1969, la classe politique française opère un tournant d’abord en acceptant l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté puis en adhérant à tous les projets au nom de l’axe Paris-Bonn puis Paris-Berlin ! Jean-François Susbielle a raison d’insister sur cette chimère qu’a été « le couple franco-allemand », expression née de Valéry Giscard d’Estaing. Il est tout à fait convaincant dans les chapitres 2 « Au secours l’Allemagne revient » et 3 « Bienvenue dans le Saint- Empire » où il fait le récit cruel des erreurs françaises ! Soyons clairs, il n’y a ni axe, ni couple, ni même un « duopole » (p.40). Arnaud Leparmentier, dans un article incisif publié dans Le Monde du 17 juillet enfonce le clou : « l’Allemagne enterre le rêve européen »
Paradoxalement les dirigeants français tout en adhérant à toutes les avancées européennes qui les réduisent, continuent à parler du grand dessein. Mais leurs voix se perdent dans la Babel européenne !
« L’empire européen » décline parce qu’il n’y a plus de nations suffisamment fortes pour imposer un concert continental. On reste dans le chacun pour soi. On pourrait reprendre la phrase de Mme Merckel « Chacun sa merde ». Gazeta Wyborcza a publié, le 16 juillet, la lettre ouverte de vingt- deux personnalités de l’Est (Lech Walesa, Vaclav Havel…etc) adressée au Président Obama pour lui rappeler –dans le détail - combien ils ont été de fidèles serviteurs, c’est la plus parfaite illustration de l’absence totale d’identié européenne.
Mais ce déclin intéresse-t-il les acteurs mondiaux ? Pour le Président Obama l’Europe n’existe plus : la France a réintégré l’OTAN, tout le monde est donc sous le drapeau ! La Chine, l’Inde, la Russie, le Brésil n’accordent pas davantage d’intérêt pour l’Union européenne mais peuvent nouer d’importants contrats avec tel ou tel pays. Faute d’avoir une défense indépendante, une diplomatie véritable, l’Union forme une masse informe et immobile. Croit-elle que l’euro suffit à lui donner une place de choix ? Pourtant dans la compétition technologique et scientifique – EADS, Galiléo, ITER, les énergies renouvelables – l’Europe dispose d’atouts véritables mais c’est le corpus politique qui manque cruellement.
L’Europe présente ce paradoxe d’arriver à une presque fédération alors que les chefs de gouvernement très critiques sur l’Etat-nation veulent rester à la tête de leur pays respectif. Nous souffrons de nos contradictions. Jean-François Susbielle le souligne bien.
Le sous-titre de l’ouvrage est « Qui dominera l’Europe » ?Osons une réponse que Susbielle n’indique pas, Disneyland….
Terminons le compte-rendu de ce livre intéressant en signalant à l’éditeur First bien des coquilles : p. 13, Arnold Toynbee (1882-1883 au lieu de 1975), p. 112 le Saint-Empire naît en 962 et non en 936 tout comme le IIe Reich débute en janvier 1871 et non en 1870. La Prusse (p.117) ne fait pas partie du Saint-Empire, c’est le Brandebourg : l’électeur de Brandebourg est roi en Prusse. On regrettera aussi que l’éditeur ait laissé l’expression « Charles Quint préfère démissionner » au lieu d’abdiquer (p.116). Idem page 121, la mère du duc Agénor de Gramont (1819-1880) n’est pas la « duchesse d’Orsay » mais seulement Ida d’Orsay.
Jean Vinatier
Copyright©SERIATIM 2009
Tous droits réservés
Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à : jv3@free.fr
Internautes : Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Biélorussie, Bénin, Bolivie, Bosnie Herzegovine, Brésil, Cambodge, Cameroun, Canada, Chili, Chine (+Hongkong & Macao), Chypre, Colombie, Congo-Kinshasa, Corée du Sud, Côte d’Ivoire, Djibouti, EAU, Egypte, Etats-Unis (30 Etats & Puerto Rico), Gabon, Géorgie, Guinée, Haïti, Inde, Irak, Iran, Islande, Israël, Kenya, Liban, Libye, Liechtenstein, Macédoine, Madagascar, Malaisie, Mali, Maurice, Maroc, Mauritanie, Mexique, Moldavie, Monaco, Népal, Norvège, Nouvelle Zélande, Oman, Ouzbékistan, Palestine, Pakistan, Pérou, Qatar, République Centrafricaine , République Dominicaine, Russie, Sénégal, Serbie, Somalie, Suisse, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Union européenne (27 dont France + DOM-TOM & Nouvelle-Calédonie, Polynésie), Ukraine, Uruguay, Venezuela, Vietnam
Jean-François Susbielle trace dans cet ouvrage écrit dans un style alerte, un paysage géopolitique européen singulièrement pessimiste. La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni formeraient l’ossature d’une Europe qui échapperait autant aux peuples qu’aux dirigeants.
Les chefs de gouvernement ont-ils une conscience européenne ? Jean-François Susbielle donne une réponse négative au récit qu’il fait de la politique allemande après le départ du Général de Gaulle. De 1969 à aujourd’hui, les différents gouvernements allemands ont patiemment reconstruit leur économie pour devenir la première nation exportatrice mondiale. En encourageant l’agrandissement des pays de la Communauté européenne (Union en 1992) ils ont réussi à affaiblir le poids de la France et à s’imposer aux pays de l’Europe de l’Est et Orientale. En 2009, l’Allemagne de la chancelière Merkel est satisfaite de ce retour en force qui ignore toute idée européenne. Berlin reconquiert son autonomie sous couvert de la protection otanienne pour son intérêt exclusif.
Grâce à Jean Monnet et à Robert Schumann, la France est parmi les pères fondateurs de l’Europe. La période gaullienne « flamboyante » a considérablement œuvré pour qu’une Europe puissance s’affirme entre les Etats-Unis et l’U.R.S.S. Après 1969, la classe politique française opère un tournant d’abord en acceptant l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté puis en adhérant à tous les projets au nom de l’axe Paris-Bonn puis Paris-Berlin ! Jean-François Susbielle a raison d’insister sur cette chimère qu’a été « le couple franco-allemand », expression née de Valéry Giscard d’Estaing. Il est tout à fait convaincant dans les chapitres 2 « Au secours l’Allemagne revient » et 3 « Bienvenue dans le Saint- Empire » où il fait le récit cruel des erreurs françaises ! Soyons clairs, il n’y a ni axe, ni couple, ni même un « duopole » (p.40). Arnaud Leparmentier, dans un article incisif publié dans Le Monde du 17 juillet enfonce le clou : « l’Allemagne enterre le rêve européen »
Paradoxalement les dirigeants français tout en adhérant à toutes les avancées européennes qui les réduisent, continuent à parler du grand dessein. Mais leurs voix se perdent dans la Babel européenne !
« L’empire européen » décline parce qu’il n’y a plus de nations suffisamment fortes pour imposer un concert continental. On reste dans le chacun pour soi. On pourrait reprendre la phrase de Mme Merckel « Chacun sa merde ». Gazeta Wyborcza a publié, le 16 juillet, la lettre ouverte de vingt- deux personnalités de l’Est (Lech Walesa, Vaclav Havel…etc) adressée au Président Obama pour lui rappeler –dans le détail - combien ils ont été de fidèles serviteurs, c’est la plus parfaite illustration de l’absence totale d’identié européenne.
Mais ce déclin intéresse-t-il les acteurs mondiaux ? Pour le Président Obama l’Europe n’existe plus : la France a réintégré l’OTAN, tout le monde est donc sous le drapeau ! La Chine, l’Inde, la Russie, le Brésil n’accordent pas davantage d’intérêt pour l’Union européenne mais peuvent nouer d’importants contrats avec tel ou tel pays. Faute d’avoir une défense indépendante, une diplomatie véritable, l’Union forme une masse informe et immobile. Croit-elle que l’euro suffit à lui donner une place de choix ? Pourtant dans la compétition technologique et scientifique – EADS, Galiléo, ITER, les énergies renouvelables – l’Europe dispose d’atouts véritables mais c’est le corpus politique qui manque cruellement.
L’Europe présente ce paradoxe d’arriver à une presque fédération alors que les chefs de gouvernement très critiques sur l’Etat-nation veulent rester à la tête de leur pays respectif. Nous souffrons de nos contradictions. Jean-François Susbielle le souligne bien.
Le sous-titre de l’ouvrage est « Qui dominera l’Europe » ?Osons une réponse que Susbielle n’indique pas, Disneyland….
Terminons le compte-rendu de ce livre intéressant en signalant à l’éditeur First bien des coquilles : p. 13, Arnold Toynbee (1882-1883 au lieu de 1975), p. 112 le Saint-Empire naît en 962 et non en 936 tout comme le IIe Reich débute en janvier 1871 et non en 1870. La Prusse (p.117) ne fait pas partie du Saint-Empire, c’est le Brandebourg : l’électeur de Brandebourg est roi en Prusse. On regrettera aussi que l’éditeur ait laissé l’expression « Charles Quint préfère démissionner » au lieu d’abdiquer (p.116). Idem page 121, la mère du duc Agénor de Gramont (1819-1880) n’est pas la « duchesse d’Orsay » mais seulement Ida d’Orsay.
Jean Vinatier
Copyright©SERIATIM 2009
Tous droits réservés
Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à : jv3@free.fr
Internautes : Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Biélorussie, Bénin, Bolivie, Bosnie Herzegovine, Brésil, Cambodge, Cameroun, Canada, Chili, Chine (+Hongkong & Macao), Chypre, Colombie, Congo-Kinshasa, Corée du Sud, Côte d’Ivoire, Djibouti, EAU, Egypte, Etats-Unis (30 Etats & Puerto Rico), Gabon, Géorgie, Guinée, Haïti, Inde, Irak, Iran, Islande, Israël, Kenya, Liban, Libye, Liechtenstein, Macédoine, Madagascar, Malaisie, Mali, Maurice, Maroc, Mauritanie, Mexique, Moldavie, Monaco, Népal, Norvège, Nouvelle Zélande, Oman, Ouzbékistan, Palestine, Pakistan, Pérou, Qatar, République Centrafricaine , République Dominicaine, Russie, Sénégal, Serbie, Somalie, Suisse, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Union européenne (27 dont France + DOM-TOM & Nouvelle-Calédonie, Polynésie), Ukraine, Uruguay, Venezuela, Vietnam
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire