«Une République plus assurée dans ses fondements et mieux insérée dans son environnement régional […] 11 ans après l’unification du Yémen, l’unité paraît assurée… » ce sont deux titres extraits du rapport commis par nos sénateurs en 2001¹. Ces doctes élus seraient-ils des Bouvard et Pecuchet ?
En 2009, Khaled Fattah chercheur à l’université de Saint-Andrews dans une interview à L’Orient-Le Jour est moins serein : « En comparaison aux autres États arabes, le pouvoir central yéménite est le plus faible et le plus fragile de la région. Ce pouvoir ne s'exerce que sur moins de 35 % du territoire. D'où une inquiétude sérieuse sur la perspective d'une faillite totale de l'État yéménite qui entraînerait une « somalisation » ou une « afghanisation » du Yémen.La faiblesse du pouvoir central yéménite est manifeste au niveau de l'absence de l'État de plusieurs zones du pays, de l'incapacité des institutions étatiques à lutter contre l'anarchie et le désordre social, de la médiocrité des services gouvernementaux de base et dans l'impact très limité des contrôles de l'État. J'ai déjà dit que le Yémen est devenu, aujourd'hui, l'un des meilleurs exemples d'entités politiques où l'État procède à une "autoannulation". »²
Le Président-maréchal, Ali Abdullah Saleh, au pouvoir depuis 1978 qui appartient à l’une des trois plus importes confédérations tribales du nord, les Hashid ou Hached avec les Bakil et les Khawlan, a sans doute conscience qu’il est sur un baril de poudre. Tout le long de la frontière, le royaume Saoudien n’a jamais abandonné l’idée d’établir sa suzeraineté dans un pays qui compte 55% de sunnite et 45% de chiite: Riad finance un grand nombre de tribus et de fractions.
A l’intérieur le Président Saleh, un chiite, fait face à la révolte des zaïdites ou houtis également de la même confession et du Mouvement des Jeunes croyants qui opèrent dans la région de Sa’ada au nord-ouest.
Cette montée en puissance des zaïdites s’appuie notamment sur deux structures politiques, la première est le Parti du Droit (1990), la seconde, l’Union des forces populaires née juste avant la révolution de 1962 qui renversa l’imâmat entre les mains de la dynastie des Zaïdi depuis l’an 897. Si ces deux partis ont des différences certaines, ils s’accordent autour du principe zaydite de la juste « révolte contre le gouverneur injuste et corrompu »…ce qui est le cas du Président Saleh !
La partie Sud du Yémen avec Aden paraît plus tranquille pour deux raisons : les Britanniques puis le régime communiste qui s’y développa entre 1967 et 1990 veillerent à affaiblir les tribus qui s’y trouvaient.
En face, le Yémen a, outre Oman, pour voisins immédiats, le long de la mer Rouge, l’Erythrée, l’Ethiopie, Djibouti et la Somalie : une zone géostratégique de première importance.
Le pouvoir personnel du Président Saleh pâtit de ses oscillations politiques : n’a-t-il pas envoyé des milliers de djihadistes combattre les Russes en Afghanistan dans les années 1980, puis les a enrôlés, à leur retour, dans l'armée pour mater la rébellion séparatiste du Sud, avant de les utiliser comme supplétifs contre les insurgés zaïdites (chiites) dans le nord ?
D’un côté, il veut acceuillir les 96 détenus yéménites détenus à Guantanamo en plaidant pour un rapprochement avec les Etats-Unis, de l’autre il cherche à donner des gages aux factions qui agitent considérablement le pays.
Après tout le Yémen n’est en rien un pays stable. Sa longue histoire témoigne de sa capacité depuis le le IVe siècle à passer notamment du polythéisme au monothéisme, en l’occurrence la religion juive puis à celle chrétienne avant de se convertir à l’islam d’abord sunnite puis chiite !
Le Yémen est une plaque tectonique assez redoutable et délicate à manier. L’antique Arabie heureuse se situe au carrefour d’intérêts de grandes puissances régionales comme l’Arabie Saoudite et mondiale comme les Etats-Unis. Si l’attention que l’on marque au retour supposé de Ben Laden (d’ascendance yéménite) et d’Al-Quaida (« la base ») est juste, elle occulte, un peu trop toute la vigueur de la vie tribale ou politique.
Jean Vinatier
Copyright©SERIATIM 2009
Tous droits réservés
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Internautes : Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Biélorussie, Bénin, Bolivie, Bosnie Herzegovine, Brésil, Cambodge, Cameroun, Canada, Chili, Chine (+Hongkong & Macao), Chypre, Colombie, Congo-Kinshasa, Corée du Sud, Côte d’Ivoire, Djibouti, EAU, Egypte, Etats-Unis (30 Etats & Puerto Rico), Gabon, Géorgie, Guinée, Haïti, Inde, Irak, Iran, Islande, Israël, Kenya, Liban, Libye, Liechtenstein, Macédoine, Madagascar, Malaisie, Mali, Maurice, Maroc, Mauritanie, Mexique, Moldavie, Monaco, Népal, Norvège, Nouvelle Zélande, Oman, Ouzbékistan, Palestine, Pakistan, Pérou, Qatar, République Centrafricaine , République Dominicaine, Russie, Sénégal, Serbie, Somalie, Suisse, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Union européenne (27 dont France + DOM-TOM & Nouvelle-Calédonie, Polynésie), Ukraine, Uruguay, Venezuela, Vietnam
Notes:
1-http://www.senat.fr/ga/ga35/ga352.html
2-http://www.lorientlejour.com/category/Sanaa+n%E2%80%99exerce+son+pouvoir+que+sur+un+tiers+du+territoire+national/article/628237/Sanaa_n'exerce_son_pouvoir_que_sur_un_tiers_du_territoire_national.html
Sources :
Samy Dorlian, « Zaydisme et modernisation : émergence d’un nouvel universel politique ? », Chroniques yéménites, 13, Numéro 13,2006,URL : http://cy.revues.org/document1365.html.
http://www.monde-diplomatique.fr/2006/10/BONNEFOY/14054
En 2009, Khaled Fattah chercheur à l’université de Saint-Andrews dans une interview à L’Orient-Le Jour est moins serein : « En comparaison aux autres États arabes, le pouvoir central yéménite est le plus faible et le plus fragile de la région. Ce pouvoir ne s'exerce que sur moins de 35 % du territoire. D'où une inquiétude sérieuse sur la perspective d'une faillite totale de l'État yéménite qui entraînerait une « somalisation » ou une « afghanisation » du Yémen.La faiblesse du pouvoir central yéménite est manifeste au niveau de l'absence de l'État de plusieurs zones du pays, de l'incapacité des institutions étatiques à lutter contre l'anarchie et le désordre social, de la médiocrité des services gouvernementaux de base et dans l'impact très limité des contrôles de l'État. J'ai déjà dit que le Yémen est devenu, aujourd'hui, l'un des meilleurs exemples d'entités politiques où l'État procède à une "autoannulation". »²
Le Président-maréchal, Ali Abdullah Saleh, au pouvoir depuis 1978 qui appartient à l’une des trois plus importes confédérations tribales du nord, les Hashid ou Hached avec les Bakil et les Khawlan, a sans doute conscience qu’il est sur un baril de poudre. Tout le long de la frontière, le royaume Saoudien n’a jamais abandonné l’idée d’établir sa suzeraineté dans un pays qui compte 55% de sunnite et 45% de chiite: Riad finance un grand nombre de tribus et de fractions.
A l’intérieur le Président Saleh, un chiite, fait face à la révolte des zaïdites ou houtis également de la même confession et du Mouvement des Jeunes croyants qui opèrent dans la région de Sa’ada au nord-ouest.
Cette montée en puissance des zaïdites s’appuie notamment sur deux structures politiques, la première est le Parti du Droit (1990), la seconde, l’Union des forces populaires née juste avant la révolution de 1962 qui renversa l’imâmat entre les mains de la dynastie des Zaïdi depuis l’an 897. Si ces deux partis ont des différences certaines, ils s’accordent autour du principe zaydite de la juste « révolte contre le gouverneur injuste et corrompu »…ce qui est le cas du Président Saleh !
La partie Sud du Yémen avec Aden paraît plus tranquille pour deux raisons : les Britanniques puis le régime communiste qui s’y développa entre 1967 et 1990 veillerent à affaiblir les tribus qui s’y trouvaient.
En face, le Yémen a, outre Oman, pour voisins immédiats, le long de la mer Rouge, l’Erythrée, l’Ethiopie, Djibouti et la Somalie : une zone géostratégique de première importance.
Le pouvoir personnel du Président Saleh pâtit de ses oscillations politiques : n’a-t-il pas envoyé des milliers de djihadistes combattre les Russes en Afghanistan dans les années 1980, puis les a enrôlés, à leur retour, dans l'armée pour mater la rébellion séparatiste du Sud, avant de les utiliser comme supplétifs contre les insurgés zaïdites (chiites) dans le nord ?
D’un côté, il veut acceuillir les 96 détenus yéménites détenus à Guantanamo en plaidant pour un rapprochement avec les Etats-Unis, de l’autre il cherche à donner des gages aux factions qui agitent considérablement le pays.
Après tout le Yémen n’est en rien un pays stable. Sa longue histoire témoigne de sa capacité depuis le le IVe siècle à passer notamment du polythéisme au monothéisme, en l’occurrence la religion juive puis à celle chrétienne avant de se convertir à l’islam d’abord sunnite puis chiite !
Le Yémen est une plaque tectonique assez redoutable et délicate à manier. L’antique Arabie heureuse se situe au carrefour d’intérêts de grandes puissances régionales comme l’Arabie Saoudite et mondiale comme les Etats-Unis. Si l’attention que l’on marque au retour supposé de Ben Laden (d’ascendance yéménite) et d’Al-Quaida (« la base ») est juste, elle occulte, un peu trop toute la vigueur de la vie tribale ou politique.
Jean Vinatier
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Notes:
1-http://www.senat.fr/ga/ga35/ga352.html
2-http://www.lorientlejour.com/category/Sanaa+n%E2%80%99exerce+son+pouvoir+que+sur+un+tiers+du+territoire+national/article/628237/Sanaa_n'exerce_son_pouvoir_que_sur_un_tiers_du_territoire_national.html
Sources :
Samy Dorlian, « Zaydisme et modernisation : émergence d’un nouvel universel politique ? », Chroniques yéménites, 13, Numéro 13,2006,URL : http://cy.revues.org/document1365.html.
http://www.monde-diplomatique.fr/2006/10/BONNEFOY/14054
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