L’historien américain, William Ritchey Newton, est un homme austère, habillé de noir, vivant dans une charmante maison georgienne. Il est réputé pour sa méticulosité, son calme. Il manie sa plume comme un scalpel. En 2000, il avait publié chez Fayard, L’espace du Roi. La Cour de France au château de Versailles, 1682-1789 où il a réussi la gageure de reconstituer l’histoire des 226 appartements pendant la durée de la période royale : travail de bénédictin mené impeccablement au risque de susciter l’agacement de certains conservateurs affectés au château !
Après l’édition de La Petite Cour : services et serviteurs à la Cour de Versailles chez Fayard en 2006, William Ritchey Newton a poursuivi son voyage introspectif dans l’intérieur versaillais en publiant chez Perrin en 2008, Derrière la façade –Vivre au château de Versailles au XVIIIe siècle. C’est un ouvrage dont chaque court chapitre (30 pages environ) va au cœur : Le logement, La « Bouche de la Cour », L’eau, Le feu, l’éclairage, Le nettoyage, Le blanchissage, Les arrière-pensées.
Pourquoi l’historien prend-il le seul XVIIIe siècle ? Tout simplement parce que Louis XIV a fait corps entre le château et sa façon d’être Roi à l’inverse de ses deux successeurs, Louis XV (1715-1774) et Louis XVI (1774-1789-1792) qui se sont démarqués par leur comportement respectif de l’exercice louis-quatorzien du pouvoir. Mal à l’aise avec le concept de monarchie absolue, les deux Rois tentèrent à leur manière de s’en éloigner. En cela, ils reflétaient l’interrogation de la société française qui n’eut de cesse tout au long des Lumières de proposer des pistes nouvelles afin de faire émerger à côté du Roi, un espace politique compatible avec la monarchie.
Versailles est d’abord un château royal avant d’être une ville au sein de laquelle ne surgit aucune cité administrative, mis à part les deux ministères construits pendant le gouvernement du duc de Choiseul. Versailles est un point majestueux mais isolé ce que les Parisiens ne reprochèrent point à Louis XIV tant que le Grand Dauphin, son fils, vécut (1661-1711) : ce dernier en se rendant régulièrement dans Paris, gardait le contact avec les Parisiens et jouissait –quoiqu’en dise le duc de Saint-simon –d’une popularité importante : le lien n’était pas rompu, il ne le sera définitivement qu’après le séjour parisien de Louis XV (1715-1722). Son fils, le Dauphin (1729-1765) ne se déplaça pas et la famille royale toute entière, hormis les Orléans et les princes de Conti qui résidaient dans le splendide palais dans l’enclos du Temple, ne se rendit dans Paris que le temps d’un opéra, d’une inauguration, d’une courte visite aux Invalides et lors des Lits de Justice. D’une manière générale les Rois se calfeutrèrent dans le château hormis de « courts voyages » dans des résidences de l’Île de France.
Newton place donc sa description de la vie au château pendant un laps de temps assez court : 67 ans qui couvrent des décennies d’un isolement progressif royal non seulement de la vue de ses sujets mais également des courtisans. En effet Louis XV se retire dans les petits appartements, Louis XVI désire vivre en famille, et ils déclinent autant qu’ils le peuvent les apparitions publiques ce qui va rendre le protocole de plus en plus inadapté et in fine démodé ! Les courtisans, eux-mêmes, se décourageront progressivement et n’iront plus à Versailles que contraints. Vivre dans le château n’est pas comme le laissent croire les films et les ouvrages « une vie de château ». Au fur et à mesure que les finances de la monarchie entreront dans une spirale infernale, les courtisans logés dans le château devront supporter de plus en plus de frais. Ils ne furent pas, hors quelques Grands, titulaires de charges, comme on le croit, nourris gratuitement par le Souverain.
Au fil des pages et des chapitres où les petites histoires abondent, nous vivons très bien le délitement lent, progressif de Versailles et par conséquent de la majesté royale, du régime monarchique. Tout se défait quoiqu’on essaie de tout réparer, de colmater les brèches. Les efforts des gouverneurs de Versailles et des surintendants des Bâtiments du Roi sont là mis en avant d’une manière juste et nouvelle.
Dés la fin du règne de Louis XV, plusieurs voyageurs remarquent le délabrement de la construction, le mauvais état des pièces. Le château de Versailles tenta bien de s’adapter aux Lumières en faisant entrer les nouvelles normes d’hygiène - construction de salles de bain, de cabinets de toilette mais ne put satisfaire à l’ensemble des logés des 226 appartements. C’est un moment assez redoutable pour un pouvoir de n’être plus en mesure de donner le ton, l’exemple.
Versailles est en modèle réduit la France que les Rois et leurs ministres ne purent métamorphoser jusqu’à ce que se produisent les événements que l’on sait.
L’ouvrage de William Ritchey Newton est donc riche d’enseignements et si nous nous portons jusqu’à notre temps, nous verrons qu’à bien des égards la période actuelle est aussi bancale et étouffante qu’il y a deux siècles.
Derrière la façade, la réalité!
Jean Vinatier
Copyright©SERIATIM 2010
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Source :
Ritchey Newton (William) : Derrière la façade- Vivre au château de Versailles au XVIIIe siècle, Paris, Perrin, 2008
Internautes : Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Arabie Saoudite, Argentine, Arménie, Australie, Biélorussie, Bénin, Bolivie, Bosnie Herzégovine, Brésil, Burkina Faso, Cambodge, Cameroun, Canada, Chili, Chine (+Hongkong & Macao), Chypre, Colombie, Congo-Kinshasa, Corée du Sud, Côte d’Ivoire, Djibouti, EAU, Egypte, Etats-Unis (30 Etats & Puerto Rico), Gabon, Géorgie, Guinée, Guinée, Haïti, Honduras, Inde, Irak, Iran, Islande, Israël, Jamaïque, Kenya, Liban, Libye, Liechtenstein, Macédoine, Madagascar, Malaisie, Malawi, Mali, Maurice, Maroc, Mauritanie, Mexique, Moldavie, Monaco, Népal, Niger, Nigeria, Norvège, Nouvelle Zélande, Oman, Ouzbékistan, Palestine, Pakistan, Pérou, Qatar, République Centrafricaine , République Dominicaine, Russie, Rwanda, Sénégal, Serbie, Singapour, Slovénie, Somalie, Suisse, Thaïlande, Togo, Tunisie, Turquie, Union européenne (27 dont France + DOM-TOM & Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Saint-Pierre–Et-Miquelon), Ukraine, Uruguay, Venezuela, Vietnam, Yémen
Après l’édition de La Petite Cour : services et serviteurs à la Cour de Versailles chez Fayard en 2006, William Ritchey Newton a poursuivi son voyage introspectif dans l’intérieur versaillais en publiant chez Perrin en 2008, Derrière la façade –Vivre au château de Versailles au XVIIIe siècle. C’est un ouvrage dont chaque court chapitre (30 pages environ) va au cœur : Le logement, La « Bouche de la Cour », L’eau, Le feu, l’éclairage, Le nettoyage, Le blanchissage, Les arrière-pensées.
Pourquoi l’historien prend-il le seul XVIIIe siècle ? Tout simplement parce que Louis XIV a fait corps entre le château et sa façon d’être Roi à l’inverse de ses deux successeurs, Louis XV (1715-1774) et Louis XVI (1774-1789-1792) qui se sont démarqués par leur comportement respectif de l’exercice louis-quatorzien du pouvoir. Mal à l’aise avec le concept de monarchie absolue, les deux Rois tentèrent à leur manière de s’en éloigner. En cela, ils reflétaient l’interrogation de la société française qui n’eut de cesse tout au long des Lumières de proposer des pistes nouvelles afin de faire émerger à côté du Roi, un espace politique compatible avec la monarchie.
Versailles est d’abord un château royal avant d’être une ville au sein de laquelle ne surgit aucune cité administrative, mis à part les deux ministères construits pendant le gouvernement du duc de Choiseul. Versailles est un point majestueux mais isolé ce que les Parisiens ne reprochèrent point à Louis XIV tant que le Grand Dauphin, son fils, vécut (1661-1711) : ce dernier en se rendant régulièrement dans Paris, gardait le contact avec les Parisiens et jouissait –quoiqu’en dise le duc de Saint-simon –d’une popularité importante : le lien n’était pas rompu, il ne le sera définitivement qu’après le séjour parisien de Louis XV (1715-1722). Son fils, le Dauphin (1729-1765) ne se déplaça pas et la famille royale toute entière, hormis les Orléans et les princes de Conti qui résidaient dans le splendide palais dans l’enclos du Temple, ne se rendit dans Paris que le temps d’un opéra, d’une inauguration, d’une courte visite aux Invalides et lors des Lits de Justice. D’une manière générale les Rois se calfeutrèrent dans le château hormis de « courts voyages » dans des résidences de l’Île de France.
Newton place donc sa description de la vie au château pendant un laps de temps assez court : 67 ans qui couvrent des décennies d’un isolement progressif royal non seulement de la vue de ses sujets mais également des courtisans. En effet Louis XV se retire dans les petits appartements, Louis XVI désire vivre en famille, et ils déclinent autant qu’ils le peuvent les apparitions publiques ce qui va rendre le protocole de plus en plus inadapté et in fine démodé ! Les courtisans, eux-mêmes, se décourageront progressivement et n’iront plus à Versailles que contraints. Vivre dans le château n’est pas comme le laissent croire les films et les ouvrages « une vie de château ». Au fur et à mesure que les finances de la monarchie entreront dans une spirale infernale, les courtisans logés dans le château devront supporter de plus en plus de frais. Ils ne furent pas, hors quelques Grands, titulaires de charges, comme on le croit, nourris gratuitement par le Souverain.
Au fil des pages et des chapitres où les petites histoires abondent, nous vivons très bien le délitement lent, progressif de Versailles et par conséquent de la majesté royale, du régime monarchique. Tout se défait quoiqu’on essaie de tout réparer, de colmater les brèches. Les efforts des gouverneurs de Versailles et des surintendants des Bâtiments du Roi sont là mis en avant d’une manière juste et nouvelle.
Dés la fin du règne de Louis XV, plusieurs voyageurs remarquent le délabrement de la construction, le mauvais état des pièces. Le château de Versailles tenta bien de s’adapter aux Lumières en faisant entrer les nouvelles normes d’hygiène - construction de salles de bain, de cabinets de toilette mais ne put satisfaire à l’ensemble des logés des 226 appartements. C’est un moment assez redoutable pour un pouvoir de n’être plus en mesure de donner le ton, l’exemple.
Versailles est en modèle réduit la France que les Rois et leurs ministres ne purent métamorphoser jusqu’à ce que se produisent les événements que l’on sait.
L’ouvrage de William Ritchey Newton est donc riche d’enseignements et si nous nous portons jusqu’à notre temps, nous verrons qu’à bien des égards la période actuelle est aussi bancale et étouffante qu’il y a deux siècles.
Derrière la façade, la réalité!
Jean Vinatier
Copyright©SERIATIM 2010
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Ritchey Newton (William) : Derrière la façade- Vivre au château de Versailles au XVIIIe siècle, Paris, Perrin, 2008
Internautes : Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Arabie Saoudite, Argentine, Arménie, Australie, Biélorussie, Bénin, Bolivie, Bosnie Herzégovine, Brésil, Burkina Faso, Cambodge, Cameroun, Canada, Chili, Chine (+Hongkong & Macao), Chypre, Colombie, Congo-Kinshasa, Corée du Sud, Côte d’Ivoire, Djibouti, EAU, Egypte, Etats-Unis (30 Etats & Puerto Rico), Gabon, Géorgie, Guinée, Guinée, Haïti, Honduras, Inde, Irak, Iran, Islande, Israël, Jamaïque, Kenya, Liban, Libye, Liechtenstein, Macédoine, Madagascar, Malaisie, Malawi, Mali, Maurice, Maroc, Mauritanie, Mexique, Moldavie, Monaco, Népal, Niger, Nigeria, Norvège, Nouvelle Zélande, Oman, Ouzbékistan, Palestine, Pakistan, Pérou, Qatar, République Centrafricaine , République Dominicaine, Russie, Rwanda, Sénégal, Serbie, Singapour, Slovénie, Somalie, Suisse, Thaïlande, Togo, Tunisie, Turquie, Union européenne (27 dont France + DOM-TOM & Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Saint-Pierre–Et-Miquelon), Ukraine, Uruguay, Venezuela, Vietnam, Yémen
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