Le site de Julian Assenge a diffusé des centaines de milliers de documents relevant de la politique du Pentagone en Iraq, en Afghanistan et quelques centaines pour les affaires étrangères des Etats-Unis. Alors ! Wikileaks : Al Quaïda d’Internet ? Julian Assenge, le Ben Laden du Web ?L’Amérique a-t-elle été victime d’un 11 septembre informatique ?
Il est intéressant de relever que les premières livraisons de Wikileaks ont moins suscité de commentaires que celle relative aux câbles et dépêches diplomatiques, à croire que découvrir des annotations supposées évidemment croustillantes sur les intimités des puissants de ce monde suffisaient à émoustiller tant le média que le lecteur. Pourtant l’intérêt est, semble-t-il, ailleurs. Certes, les écrits des diplomates américains ne contiennent aucun secret d’Etat auquel cas le site Wikileaks aurait été illico presto fermé. Néanmoins, les productions intellectuelles de ces diplomatiques sont d’abord une mine pour les historiens d’habitude contraints d’attendre 10, 20, 60 ans avant de consulter les sources et les porter à la connaissance du public ; ensuite, un formidable moyen pédagogique auprès des lycéens et des étudiants. Les enseignants en histoire et en sciences politiques pourraient établir bien des travaux à partir de ces documents. Nous avons sous les yeux, le labeur quotidien des diplomates qui nous fournit un éclairage tout à fait neuf parce que pour la première fois sans distance spatiale. Les lycéens et étudiants ont donc sous la main l’occasion assez rare de suivre l’évolution d’un ministère, de ses représentations dans un monde singulièrement désorganisé dont la principale puissance cherche un second souffle pour faire perdurer sa primature. Pour eux Wikileaks a fait œuvre utile : vies diplomatiques et outils technologiques étant alignés.
Outre l'aspect pédagogique, bien des zones d’ombres demeurent à la lecture des premières dépêches. Certains affirment que ce sont les services secrets américains, eux-mêmes, qui seraient les fournisseurs des scoops de Wikileaks, Julian Assenge serait, alors, utilisé puis diabolisé tel un nouveau Ben Laden de l’automne 2010 : un mandat d’arrêt international a été délivré à son encontre pour de sombres histoires de viols, on tique un peu. Doit-on croire qu’un simple soldat américain gay déprimé a pu tout enregistrer des affaires irako-afghanes sur un CD de Lady Gaga?Mise en scène ou pas ?
Si les contenus diffusés par le site ne nous apprennent rien, par exemple, sur les relations Tel-Aviv/Washington, les bases US, on a le sentiment assez désagréable que tout ce que l’on retiendrait de cette masse se résumerait : la Chine a piraté Google, l’Iran est un « état fasciste », la Russie est corrompue, autant de pays dans la ligne de mire politique des administrations Bush, Obama et contre lesquels les opinions publiques doivent être formatées.
Autre détail qui ne manque pas d’interroger : comment les mêmes médias qui ont si peu critiquer Bush lors de l’invasion en Irak peuvent se contenter de traduire ou reproduire tel ou tel document sans se livrer au moindre travail critique ? Il y a là vis-à-vis de leurs lecteurs un déficit flagrant. Est-ce, comme le disait Hubert Védrines, au micro de France-Inter parce que « la presse est dans un tel état qu’elle ne peut résister » ? Cependant, au détour d’extraits publiés par Le Monde, les Français apprendront que Nicolas Sarkozy n’hésitait pas à dénigrer le gouvernement auquel il appartenait devant des diplomates américains, une attitude bien évidemment condamnable.
Faut-il vouer aux gémonies le choix de Wikileaks ? Si les diplomates, gens de gouvernement et les « experts » haussent les épaules quand ils ne s’alarment pas de la disparition du secret diplomatique, le pékin moyen à l’occasion d’attiser pour certains un voyeurisme inintéressant, pour d’autres une curiosité appuyée sur des dépêches et des mémos. Pour le reste, tout ce qui est réellement du secret défense demeure tout à fait inaccessible. Comme l’a écrit, hier, l’historien anglais, Timothy Garton Ash, les documents plus confidentiels que secrets "relèvent de l’intérêt général", ni plus, ni moins. Pour le cas présent, la gêne occasionnée par ces fuites est tout à fait momentanée, elles indiquent tout de même que les ambassadeurs et hauts fonctionnaires américains travaillent bien plus qu’on ne le dit, font leur labeur avec conscience et qu’ils ne se distinguent en aucune façon de leurs homologues des cinq continents.
Le message de Julian Assenge n’est-il pas, que par-dessus les médias sans nerfs, seuls les citoyens sont intéressés à séparer le bon grain de l’ivraie ? Utopique ?
Jean Vinatier
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1 commentaire:
Vous écrivez "Le site de Julian Assenge diffuse des centaines de milliers de documents..."
Ooops, vous êtes tombé dans la marmite des médias dominants car Wikileaks a mis en ligne au plus quelques centaines de documents contrôlés, filtrés et conditionnés par cinq médias dominants.
Lire : Wikileaks ou le triomphe de la médiacratie, Monde en Question.
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