« Mais, si François Hollande n’a pas violé un « droit naturel » dans
l’exercice de ses fonctions, d’où peut provenir sa perte de légitimité qui
justifierait les sifflets dont il fut l’objet en ce 14 juillet ?
Si nous admettons l’inanité de tout « droit naturel », il nous faut penser
à quel ordre nous devons rattacher la République et son droit. L’ordre
démocratique apparaît comme le seul capable de fonder dans les principes du
droit le régime républicain. L’ordre démocratique oppose ainsi la notion de
construction de l’égalité à celle de l’égalité originelle. Il se refuse à
d’homogénéiser de force une réalité hétérogène. La grande erreur du libéralisme
politique fut d’avoir confondu le couple construction formelle/état de
nature et le couple construction formelle/état réel de la société.
Les individus sont divers et hétérogènes; pour autant s’ils ne peuvent
également participer à l’élaboration des diverses formes de coordination,
locales et globales, c’est la communauté dans sa totalité qui sera lésée.
Reconnaître les différences ce n’est pas éterniser ces différences mais au
contraire se donner les moyens de penser la construction des convergences et
des règles communes qui doivent permettre la participation de tous aux
activités concernant tous. L’hétérogénéité sociale ex-ante fixe donc
comme objectif à l’ordre démocratique la construction d’une homogénéité
politique ex-post, et ce dans des sociétés traversées d’intérêts
contraires.
Dès lors, l’intérêt public n’est plus la condition permissive de la
démocratie, mais au contraire l’ordre démocratique est la procédure qui permet
la constitution d’une représentation de l’intérêt public. Il n’y a donc pas,
comme le croyaient les pères fondateurs des régimes démocratiques au XVIIIème
siècle un intérêt public “évident” et donc naturellement partagé par tous.
Mais, parce que nous sommes dans des sociétés dominées à la fois par la
décentralisation et par l’interdépendance, nous avons besoin d’un intérêt
public comme norme de référence pour combattre les tendances spontanées à
l’anomie et à la défection. L’ordre démocratique est donc aux antipodes de la
vision idéaliste de la démocratie qui croit voir dans cet intérêt public le
produit d’un ordre naturel; il ne peut, en réalité, qu’être une construction
sociale.
Or, cet ordre démocratique se construit à l’intérieur de principes
fondateurs. L’un d’entre eux est que nul ne peut prétendre au contrôle sans
endosser une responsabilité des actes issus de son contrôle. Dès lors nulle
société régie par l’ordre démocratique ne peut dévolure ses pouvoirs à un cadre
supérieur qui serait moins démocratique. C’est là que se trouve le « crime » de
François Hollande. En acceptant le « pacte budgétaire européen » que l’on
appelle traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et
qui confère un droit de regard sur les décisions prises par le Parlement
français, il a – à l’évidence – violé l’un des principes de l’ordre
démocratique dans l’exercice de ses fonctions.
Telle est la seule raison qui peut justifier les sifflets dont il fut
l’objet en ce 14 juillet. Toutes les autres explications tombent soit dans la
puérilité soit dans le sectarisme religieux. Mais, si l’on veut affirmer par
cette manifestation bruyante que ce président est illégitime, il faut savoir ce
que cela implique. Un président illégitime est un tyran, soit un être avec
lequel aucun compromis n’est possible. Sans vouloir réécrire le Vindiciae
contra tyrannos (ou Revendications contre les tyrans), pamphlet
fameux qui fut publié à Bâle en 1579, il est clair que nous entrons dans une
logique de guerre civile. Il n’est pas sûr que les quelques centaines de
personnes qui ont sifflé le chef de l’État aient bien mesuré la portée de leur
acte. Mais il est clair que quelque chose de fondamental s’est publiquement rompu
ce 14 juillet. Par ce geste en ce moment hautement symbolique ils ont témoigné
que nous avons pénétré dans une nouvelle phase de la crise de régime
aujourd’hui manifeste et dont nul ne peut savoir quel sera le dénouement. »
La
suite ci-dessous :
http://www.marianne.net/russe-europe/Les-sifflets-du-14-juillet_a191.htmlSERIATIM 2013
Internautes : Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Angola, Arabie
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