Jacques Sapir propose sa critique du dernier ouvrage d’Aurélien
Bernier, « Les tabous de la gauche radicale » qui lui permet de dessiner un panorama complet de la situation
politico-intellectuelle, notamment française. Jacques Sapir donne le tempo de
la campagne pour les européennes et son essence : la souveraineté, la patrie…..
«Une
question décisive
La première, celle qui domine toutes les autres, peut
se résumer ainsi : pourquoi en France le Front national explose-t-il au niveau
électoral alors que le Front de Gauche stagne ? Il note, d’ailleurs, que ceci
n’est pas propre à la France, et se retrouve dans un certain nombre de pays
Européens. La crise, qui aurait dû fournir le terreau rêvé au développement des
forces de la gauche réelle, car il n’est plus possible d’appeler le « parti
socialiste » un parti de gauche (même si des militants de gauche peuvent encore
s’y perdre), favorise plus des partis soit venus de l’extrême droite, soit
populiste (on pense au M5S de Beppe Grillo en Italie). Dans les réponses qui
sont fournies dans le livre, deux me semblent fondamentalement juste : la
vision d’un « antifascisme » qui confond les genres et les époques et empêche
de raisonner et, surtout, la négation de ce que représente le sentiment
national. Je l’ai dit publiquement à un journaliste du Monde il y a de
cela plusieurs années, paraphrasant Lénine : la haine de la Nation est
l’internationalisme des imbéciles. En un sens, tout est dit. L’obsession de «
revivre les années trente » pousse un certain nombre d’esprits mal avisés à
refuser de dire publiquement des choses qu’ils pensent pourtant de peur d’être
assimilés au Front national, parti qu’ils assimilent – très à tort d’ailleurs –
au NSDAP. Ceci les conduit, par étapes successives à rejeter l’idée de Nation
au prétexte qu’elle pourrait donner naissance au nationalisme. On se demande
alors pourquoi ces braves gens prennent encore le train (le train fut l’un des
éléments cruciaux du génocide commis par les Nazis) ou l’avion, qui fut utilisé
pour lancer les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Bref, on peut
s’étonner de cette prévention devant ce qui est pourtant une réalité comme les
trains et les avions. À moins que le confort personnel ne prime, bien sûr, sur
la cohérence et la logique du raisonnement…Il ne faut pas se tromper d’époque !
Le raisonnement d’Aurélien Bernier est ici clair et parfaitement convaincant.
Le livre est organisé autour d’une introduction,
réellement passionnante et qui pose justement les principales questions, et de
deux parties qui traitent d’une part de l’historique de la montée électorale du
Front national (1984-2012) et de la crise de la gauche radicale, et d’autre
part de ce que l’auteur appelle les « trois tabous » de la gauche, soit le
tabou protectionniste, le tabou européen et le tabou de la souveraineté
nationale et populaire. Il y a là une progression de l’instrument (le protectionnisme)
vers une notion fondamentale (la Nation). Il conclut alors sur les nouvelles
coupures politiques, ce qu’il appelle le « néo-réformisme » et les «
néo-révolutionnaires » et fait de la question des institutions européennes
(l’UE) l’un des points clefs de ces nouvelles coupures. Cet ouvrage s’achève
sur deux annexes, l’une consacrée à la « chronique d’un renoncement » qui porte
sur une analyse des positions du PCF de 1997 à 1999, et l’autre consacrée à
l’analyse des résultats électoraux comparés du Front national et de la gauche
radicale (et désormais seule gauche réelle en France). La seconde annexe est
cependant de loin la plus intéressante, car elle montre bien l’évolution de ces
résultats, et comment le vote pour le Front national est en train de perdre sa
dimension de protestation pure et devient, progressivement, un vote d’adhésion.
Mais il y manque des cartes pour parfaire cette démonstration, car le point
frappant dans l’évolution des résultats électoraux du Front national est leur
évolution géographique. Il faut ainsi noter le recoupement avec les régions
dévastées par le chômage[1]. La première annexe est elle
aussi intéressante, mais elle est bien trop descriptive. Elle manque en réalité
son sujet : comment le PCF, un parti qui n’a jamais fait une analyse de fond du
stalinisme et du soviétisme, s’est-il rallié à l’européisme. Aurélien Bernier
laisse entendre que ce ralliement a été largement opportuniste, mais rien n’est
moins sûr. Le lien consubstantiel du PCF avec une idéologie totalisante
favorisait ce ralliement à une autre idéologie totalisante, car l’européisme,
il faut le dire haut et fort, constitue une idéologie totalisante qui peut
donner naissance à des pratiques totalitaires. De ce point de vue, certaines
des analyses faites par les auteurs du livre dirigé par Cédric Durand, En
finir avec l’Europe, livre dont on a rendu compte sur ce carnet[2], sont autrement plus éclairantes. Penser
qu’il y eut un « bon » PCF avant 1997 et un « mauvais » après 1999 est ainsi
profondément trompeur. C’est oublier l’effet de repoussoir exercé par le PCF
sous la direction de Georges Marchais sur une grande partie de la gauche, la
poussant dans des bras d’un socialisme douteux. C’est oublier que l’enfermement
idéologique, la stérilité des débats intellectuels, ont largement préparé le
terrain au basculement idéologique du stalinisme vers l’européisme. L’incapacité,
et même il faut le dire le refus obstiné, du PCF de procéder à une analyse
réelle du soviétisme et du stalinisme dès les années 1980, et même les années
1970, ont sonné son glas comme parti de masse. »
La suite
ci-dessous :
http://russeurope.hypotheses.org/1890SERIATIM 2014
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