Entretien conduit Jules Naudet pour La vie des idées avec l’historien Claude Markovits sur les sources du capitalisme indien
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Un capitalisme encastré dans des réseaux
familiaux et communautaires
La Vie des Idées :
Comment s’organisent les réseaux marchands indiens transnationaux ?
Ont-ils été affectés par les transformations de l’économie après
l’indépendance ?
Claude Markovits : L’Inde a été depuis la période
médiévale le berceau de réseaux marchands opérant bien au-delà du
sous-continent. Formés essentiellement d’originaires d’Inde de l’Ouest, avant
tout Gujarati mais aussi Sindhi, mais comprenant aussi des Tamouls ainsi que
des Punjabi et des Marwari du Rajasthan, ces réseaux ont connu une importante
expansion pendant la période coloniale, surtout en direction de l’Afrique
orientale et de l’Asie du sud-est (Birmanie). Ils reposaient sur la circulation
d’individus, en grande majorité des hommes, entre des localités situées en
Inde, où se trouvaient les sièges des firmes, et des localités à l’étranger, où
elles avaient des filiales. Ces firmes avaient en général une structure
familiale, mais, si elles atteignaient une certaine dimension, étaient obligées
de recruter des employés en dehors du cercle de la famille. Le recrutement se
faisait cependant en général localement, souvent dans le cadre d’une caste ou
d’une communauté particulière. Ce n’est que rarement que les propriétaires des
firmes s’installaient pour de bon à l’étranger, surtout quand des mesures de restriction
de l’immigration rendaient plus difficile une circulation régulière entre
l’Inde et l’étranger.
Ces réseaux, souvent peu visibles, car leurs membres adoptaient
généralement un profil bas, jouaient un certain rôle dans les échanges
extérieurs de l’Inde avec l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Asie orientale et
l’Asie du sud-est, bien que leur part soit difficile à quantifier avec
précision. Mais ils avaient souvent aussi une position forte, voire
quasi-dominante, dans la vie économique interne de certains territoires
coloniaux de l’empire britannique (Ouganda, Kenya, Birmanie). Enfin certains
s’étaient taillé une place dans des circuits internationaux sans liens directs
avec l’Inde. Ainsi des commerçants sindhi d’Hyderabad (Sind) vendaient-ils des
tissus japonais en Afrique occidentale britannique dans les années 1930. Leurs
liens avec les capitalistes installés en Inde étaient variables : certains
commerçants gujarati d’Ouganda approvisionnaient les usines textiles de Bombay
en coton ougandais, et des commerçants tamouls en Asie du Sud-Est achetaient
des produits textiles auprès des producteurs artisanaux d’Inde du Sud. Mais,
plus généralement, les réseaux transnationaux d’origine indienne étaient
relativement indépendants du grand capitalisme indien travaillant avant tout
pour le marché domestique. La plupart opéraient dans le cadre impérial
britannique et jouaient sur le fait que les Indiens, après 1858, étaient en
droit sujets britanniques, même si dans les faits ils se heurtaient, dans de
nombreux territoires de l’empire, à des discriminations.
L’indépendance de l’Inde créa pour ces réseaux, formés en partie de
musulmans, de sérieux problèmes. Certains de ces musulmans de l’extérieur
optèrent pour la nationalité pakistanaise, et ceux, musulmans comme Hindous,
qui choisirent la nationalité indienne, ne bénéficièrent guère de ce choix, car
l’Inde, sous l’impulsion de Nehru, leur fit savoir très rapidement qu’elle
n’entendait pas leur accorder une protection particulière. Ainsi quand la junte
militaire birmane prit en 1962 des mesures de nationalisation qui aboutirent à
un départ massif de commerçants indiens, New Delhi ne prit aucune mesure pour
les aider. Avec la vague des indépendances africaines le gouvernement indien
conseilla à ses ressortissants en Afrique d’adopter la nationalité du pays de
résidence, un choix qui n’était pas toujours possible, comme en témoigne
l’expulsion des « Asians » d’Ouganda par Idi Amin Dada en 1972.
L’Inde de Nehru, concentrée sur un développement économique largement
auto-centré, ne considérait pas sa diaspora comme une chance, mais plutôt comme
un fardeau. C’est seulement avec la libéralisation d’après 1991 que l’Inde a
tenté de renouer avec sa diaspora dans l’espoir de renforcer ses liens avec
l’économie mondiale.
[….] »
La suite ci-dessous :http://www.laviedesidees.fr/Aux-sources-du-capitalisme-indien.html
Jean Vinatier
SERIATIM
2014
Internautes : Afrique
du Sud, Albanie, Algérie, Angola, Arabie Saoudite, Argentine, Arménie,
Australie, Bahamas, Bangladesh, Biélorussie, Bénin, Bolivie, Bosnie
Herzégovine, Brésil, Burkina Faso, Cambodge, Cameroun, Canada, Chili, Chine
(+Hongkong & Macao), Chypre, Colombie, Congo-Kinshasa, Corée du Sud,
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France + DOM-TOM, Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Saint-Pierre–Et-Miquelon),
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