« PRÉSIDENCE
DE LA
RÉPUBLIQUE
______
Service de presse
22 ème
CONFERENCE DES AMBASSADEURS
Palais de l’Elysée – Jeudi 28 août
2014
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le ministre des Affaires
étrangères, cher Laurent FABIUS,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les
parlementaires,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Nous nous retrouvons pour
cette Conférence qui est devenue un rendez-vous incontournable, un rite, mais
qui se situe, aujourd’hui, dans un contexte particulièrement lourd.
Au coeur du Moyen-Orient, une
organisation barbare tente de prendre la dimension d’un Etat pour y imposer un
califat. Rien que cela.
A l’Est de l’Europe, un
conflit qui a déjà fait plus de 2 000 morts, met en cause les principes sur
lesquels notre sécurité collective était fondée depuis la fin de la guerre
froide.
A l’Ouest de l’Afrique, un
fléau sanitaire s’ajoute au spectre terroriste et accable des pays qui, jusque-là,
étaient regardés comme les plus dynamiques du monde sur le plan économique.
Ces crises qui peuvent
paraître disparates, ne peuvent plus être regardées comme spécifiques ou
régionales : elles sont globales et internationales. Elles ne nous sont pas
extérieures, elles nous concernent directement. Ce n’est pas parce qu’elles
sont loin qu’elles n’ont pas de ramifications, ici même. Elles nous concernent
donc tous presque personnellement.
Quand un avion civil est
abattu dans le ciel ukrainien, quand des combattants de la haine sont formés
pour mener leurs tâches criminelles jusqu’ici dans nos pays, et quand des
journalistes sont enlevés et assassinés dans des conditions effroyables, nous
sommes tous concernés.
La France est consciente de
l’extrême gravité de ces menaces.
Face à elles, elle ne peut pas
rester indifférente ou spectatrice. Ce ne serait pas conforme à son histoire,
encore moins à notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité. Ce ne
serait pas compatible avec notre intérêt bien compris et avec notre vocation de
grand pays porteur de valeurs. Tel est le sens de notre politique extérieure :
agir pour la paix et la sécurité du monde. Tel est le travail inlassable de
notre diplomatie, sous la conduite de Laurent FABIUS, dont je salue une
nouvelle fois l’action.
La France est en mouvement.
Sur tous les fronts.
D’abord au Moyen-Orient.
Ici même, l’an dernier,
j’exprimais ma conviction qu’une intervention internationale était nécessaire
en Syrie. A la suite de l’utilisation par le régime des armes chimiques, il s’agissait d’empêcher de nouveaux massacres.
Je vous disais que l’inaction faisait le jeu des extrémistes. Hélas, la
démonstration est faite et elle est implacable !
Je regrette que la
mobilisation internationale pour régler la situation en Syrie ait fait à ce
point défaut, notamment au Conseil de sécurité. Nous en mesurons aujourd’hui
toutes les conséquences : le régime de Bachar El ASSAD poursuit, sans aucune
retenue, sa politique de répression ; les réfugiés se massent, chaque jour plus
nombreux, dans les pays voisins ; et les groupes terroristes gagnent de
nouvelles positions. Voilà le résultat.
Mais le danger n’a pas
simplement grandi, ce qui serait déjà un péril. Il est devenu immense.
Le conflit a débordé en Irak,
un pays – pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas – qui était déjà
soumis aux divisions, aux conflits inter-religieux et à l’instabilité. L’Etat islamique,
en tout cas qui se prétend comme tel, s’est engouffré dans la brèche, parce que
le terrorisme se nourrit toujours du chaos.
Ce groupe a conquis de larges
parties du territoire irakien, en plus de ce qu’il avait déjà quasiment en
possession en Syrie. Il menace aussi bien Bagdad que le Kurdistan irakien. Il s’en
prend aux minorités, les chrétiens d’Irak, les Yazidis et d’autres aussi. La
France a donc décidé de prendre ses responsabilités. Elle a fourni une aide
pour venir en aide aux populations réfugiées, notamment au Kurdistan d’Irak.
Elle a également livré des armes aux forces engagées en première ligne contre
l’Etat islamique. Depuis, et tant mieux, d’autres pays européens nous ont
rejoints, mais nous ne pouvons pas en rester là. Notre soutien doit être
amplifié pour préserver l’unité de l’Irak et permettre que chaque communauté
vive en paix.
C’est pourquoi j’ai lancé une
initiative. Elle vise à améliorer la coordination (quand je dis « l’améliorer
», c’est l’organiser) de l’action internationale contre l’Etat islamique, sur
les plans humanitaire, sécuritaire mais aussi militaire. C’est le sens de la
conférence internationale que la France propose de réunir ici même, à Paris,
dès lors que le gouvernement irakien aura été constitué.
Car pour vaincre l’Etat
islamique, pour vaincre le terrorisme, la première condition, c’est que les
Irakiens eux-mêmes se rassemblent.
Pour vaincre l’Etat islamique,
pour vaincre le terrorisme, il faut aussi que la communauté internationale
prenne la dimension du danger et organise une mobilisation à cette hauteur, dans
le respect du droit international.
Pour vaincre l’Etat islamique,
chaque pays doit également s’engager à lutter contre les filières djihadistes,
les filières du terrorisme international et prévenir les départs de jeunes
fanatiques sur les zones de combat. Le Conseil de sécurité en sera saisi le 25
septembre prochain. Quant à la France, elle n’a pas attendu puisque nous
mettons d’ores et déjà en oeuvre un plan antidjihadistes. Il a été adopté en
Conseil des ministres au mois de mai.
Une large alliance est
nécessaire, mais je veux que les choses soient claires : Bachar El ASSAD ne
peut pas être un partenaire de la lutte contre le terrorisme. C’est l’allié
objectif des djihadistes. Il n’y a pas de choix possible entre deux barbaries
parce qu’elles s’entretiennent mutuellement.
La France est également en
soutien des pays de la région qui accueillent les réfugiés. Je pense à la
Jordanie mais également à la Turquie et forcément au Liban. Aujourd’hui, le
tiers de la population qui vit au Liban est d’origine syrienne, par la force
des choses. Au Liban, nous sommes liés par un pacte d’amitié et nous veillons à
préserver, autant qu’il est possible, l’unité de ce pays ami. Nous avons, là
encore, décidé de livrer à son armée, en liaison avec l’Arabie saoudite, des
moyens opérationnels. Ils lui sont indispensables pour assurer la sécurité dans
une région déjà tourmentée, non pas simplement par ce qu’il se passe en Syrie
et en Irak, mais aussi compte tenu de la résurgence du conflit
israélo-palestinien qui a connu, ces dernières semaines, une phase dramatique.
C’est la troisième crise de
Gaza en 6 ans – après celle de 2008 et celle de 2012 – mais c’est aussi celle
qui est la plus meurtrière (plus de 2 200 morts).
Aujourd’hui, un cessez-le-feu
a été trouvé et négocié au Caire. Je veux saluer tous ceux qui y ont contribué.
La France a joué son rôle. Des engagements ont été pris par chacune des parties.
Ils doivent donc être strictement, précisément, rigoureusement mis en oeuvre
car Gaza ne peut plus rester une base armée pour le Hamas, ni non plus une
prison à ciel ouvert pour ses habitants. Il faut aller vers une levée du blocus
progressive et une démilitarisation du territoire.
La France, là encore, a fait
des propositions pour assurer une supervision internationale de la destruction
des tunnels ; sécuriser la réouverture des points de passage entre Gaza d’une
part, Israël et l’Egypte d’autre part ; et donner à l’Autorité palestinienne
les moyens de répondre à la crise humanitaire et d’entreprendre une nouvelle
fois, je dis bien une nouvelle fois, la reconstruction de Gaza.
C’est le chemin de la paix
qu’il convient de retrouver. Au plus vite. Chacun en connaît les conditions et
les paramètres. Je vais les répéter : un Etat palestinien démocratique et
viable, vivant aux côtés de l’Etat d’Israël en sécurité. Mais nous voyons bien
que les formules finissent par s’épuiser. La négociation pour la négociation ne
suffit plus, dès lors qu’elle n’aboutit jamais. Nous devons lui donner toujours
sa chance et la responsabilité en revient aux parties-prenantes. Mais il
reviendra à la Communauté internationale de prendre l’initiative.
Le rôle des Etats-Unis est
décisif. Mais celui de l’Europe ne l’est pas moins : elle doit agir et utiliser
tout le potentiel, par exemple, de l’initiative arabe de paix. Elle n’a pas été
suffisamment prise en compte depuis 2002. C’est l’Europe qui fait beaucoup pour
reconstruire, développer la Palestine. C’est l’Europe qui doit aussi faire
pression, sur les uns et sur les autres, et ne pas être simplement un guichet
vers lequel on s’adresse pour effacer les plaies de conflits récurrents.
Parallèlement, nous avons à
trouver une issue aux discussions avec l’Iran, parce que là-aussi tout est lié.
Notre objectif, il est tellement simple que je peine à l’énoncer, c’est de
faire renoncer l’Iran à l’accès à l’arme nucléaire.
La France a montré sa fermeté
et Laurent FABIUS, à un moment décisif, a été particulièrement clair dans les
négociations. La France s’est aussi montrée disponible et j’ai moi-même été
l’un des premiers chefs d’Etat occidentaux à rencontrer le Président iranien ROHANI.
C’était l’année dernière, lors de l’Assemblée générale des Nations Unies. Mais
je constate que les discussions entre l’Iran et les 5+1 ont été reportées,
après avoir été ensevelies par je ne sais quelles conditions posées et qui
n’avaient pas lieu d’être. De même, il y a toujours des voix qui s’élèvent pour
dire qu’il serait bon de lier les négociations avec l’Iran, sur le nucléaire,
avec la situation en Irak. Je récuse tout lien, il n’aurait aucun sens. L’Iran
doit tout simplement avoir le courage de prendre les mesures qui démontreront,
de façon vérifiable et incontestable, son renoncement à une capacité nucléaire
militaire.
C’est vrai que la crise
irakienne démontre que nos préoccupations ne divergent pas toujours avec l’Iran
et que ce pays peut être un interlocuteur s’il décide, c’est la condition essentielle,
de s’inscrire dans les principes qui permettent un échange sincère et utile. La
France est prête à considérer l’Iran comme tel. Mais à ces conditions et
seulement à ces conditions.
Voilà déjà ce qui devrait nous
mobiliser pour la paix et pour la sécurité : le Moyen Orient, le Proche Orient.
Mais la paix et la sécurité
sont également menacées à l’Est de l’Europe. A quelques heures d’avion d’ici.
Notre continent connaît, en
Ukraine, l’une des crises les plus graves depuis la fin de la guerre froide. Je
veux exprimer devant vous la position de la France sur ce sujet grave.
D’un côté, la Russie doit
respecter la souveraineté de l’Ukraine, arrêter son soutien aux séparatistes et
les amener à accepter un cessez-le-feu bilatéral. La Russie doit contrôler effectivement
sa frontière et en terminer avec les transferts d’armes et de matériels. S’il
était avéré que des soldats russes sont présents sur le sol ukrainien, ce
serait bien sûr intolérable et inadmissible.
De l’autre, les autorités
ukrainiennes doivent faire preuve de retenue dans les opérations militaires et
décider d’une large décentralisation au bénéfice des régions russophones et écarter
toutes provocations.
La solution à la crise en
Ukraine est politique, elle n’est pas militaire. C’est pourquoi le 6 juin dernier,
lors des commémorations du Débarquement, j’ai saisi l’opportunité de la
présence du Président POUTINE et du Président POROCHENKO pour permettre qu’il y
ait cette première rencontre. La présence d’Angela MERKEL a été utile à ce
moment. Depuis, la Chancelière et moi-même avons poursuivi nos démarches pour
tisser les fils, renouer les contacts. Nous y sommes parfois parvenus, mais
nous n’avons pas pu obtenir jusque-là un règlement de la situation.
Les Européens ont dû renforcer
les sanctions. Elles seront forcément maintenues, voire augmentées, si
l’escalade se poursuit. Je le dis nettement, je ne souhaite pas en arriver là.
Ce n’est pas l’intérêt de la Russie, ce n’est pas l’intérêt de l’Europe, ce
n’est pas l’intérêt de la France. La Russie ne peut, à la fois, aspirer à être
une puissance reconnue du XXIème siècle et ne pas en respecter les règles. Elle
subit, en ce moment même, un isolement croissant et les conséquences d’un
ralentissement de sa croissance sont avérées, à cause des sanctions.
Cette contradiction, c’est
bien évidemment d’abord au Président russe de la résoudre. J’ai dit plusieurs
fois à Vladimir POUTINE que la France et l’Union européenne souhaitaient poursuivre
l’approfondissement de nos relations avec la Russie. Parce que la Russie est un
grand pays, parce que la Russie a également son destin sur le continent
européen et qu’il y a un lien historique, culturel, économique entre la Russie
et la France.
Mais, aujourd’hui, la crise
ukrainienne est un blocage. Raison de plus pour le lever rapidement ! La France
y est prête avec l’Allemagne. Je fais une nouvelle fois la proposition de se
réunir dans le format qu’on appelle maintenant « Normandie » - la marque est
déposée ! - pour trouver un accord global. Mais on ne va pas se réunir à quatre
si les conditions de cet accord ne sont pas posées.
Notre disponibilité est donc
là, nous y travaillons avec la Chancelière. La réponse doit venir notamment du
côté russe.
La paix et la sécurité de
l’Europe ne se jouent pas qu’en Europe, mais également loin d’Europe.
J’évoquais le Moyen-Orient, le Proche-Orient. Je dois parler de l’Afrique.
C’est un continent ami auquel
l’Histoire, là aussi, nous lie. Les commémorations de cette année nous ont
encore rappelé ce qu’avaient fait les Africains, pendant la Première Guerre mondiale
et pendant la Seconde, pour assurer nos victoires, c’est-à-dire notre liberté.
Alors il y a ce lien de sang qui demeure. Mais il y a aussi cette conviction
que l’Afrique est le continent de la croissance.
En ce moment, les ambassadeurs
peuvent en témoigner, l’Afrique se couvre de projets, met en place les
infrastructures, exploite ses ressources minières, fait des efforts
considérables en matière de nouvelles technologies ou même de transition énergétique.
Rien qu’en 2013, six des dix économies les plus dynamiques du monde sont
africaines. C’est dire si la vision de l’Afrique, que beaucoup ont, doit
changer.
Lors du Sommet de l’Elysée en
décembre dernier, nous avons essayé de moderniser la tradition des rencontres
entre la France et l’Afrique. Nous avons pris des décisions importantes.
D’abord, la France va consacrer 20 milliards d’euros au cours des dix
prochaines années pour le développement de l’Afrique. L’Agence française de
développement jouera un rôle de premier plan dans cette stratégie. Nous avons
même eu l’idée – avec les entreprises, parce que rien ne peut se faire sans les
entreprises –qu’une Fondation franco-africaine pour la croissance pouvait
permettre d’être un levier, pour que nous puissions être utiles à l’Afrique et utiles
aussi à nos entreprises. Cette fondation est en train de se mettre en place et
d’engager ses premières actions.
Mais en même temps que je
parle de l’Afrique, par les liens qui nous unissent par l’histoire, par
l’économie, par les liens humains, je dois aussi parler de l’Afrique comme d’un
continent vulnérable. L’épidémie Ebola en est, encore une fois, la démonstration
tragique. Elle aurait appelé une réaction encore plus rapide. Cette épidémie a
déjà fait plus de 2 000 morts – et encore nous n’avons toujours pas recensé
toutes les victimes…
Depuis le début de cette
épidémie, la France s’est impliquée – aussi bien le ministère des Affaires
étrangères que le ministère des Affaires sociales et de la Santé. Les experts de
l’INSERM et de l’Institut Pasteur ont identifié la présence du virus dès
l’origine. Aujourd’hui ces mêmes experts contribuent activement au diagnostic
et à la surveillance de la maladie. Ils sont présents, courageusement présents,
sur place.
Je veux saluer aussi les
organisations non gouvernementales présentes pour former, accompagner, soigner
les malades et constater, hélas, les ravages du virus. La France doit montrer
sa solidarité. Elle n’est pas que financière, elle doit être aussi
scientifique, humaine.
Toutes les mesures ont été
aussi prises pour protéger nos ressortissants. Des moyens militaires, j’en
remercie le ministre de la Défense, ont été déployés pour assurer une capacité d’évacuation
sanitaire. Elle est mise à la disposition de l’Organisation mondiale de la
santé.
Les épidémies font leur lit de
la pauvreté et sont les produits de la fragilité des systèmes de santé. Voilà
pourquoi la France, j’en ai décidé, a maintenu la contribution qu’elle verse au
Fonds mondial de lutte contre le Sida, le paludisme et la tuberculose.
D’une manière générale, même
dans ces moments où nous traversons ce que l’on appelle des « difficultés
budgétaires » (en fait, nous connaissons des déficits depuis plus de dix ans,
mais nous avons décidé tout simplement de les réduire), même dans ce contexte
que chacun connait, la France continue de figurer parmi les tous premiers
donateurs mondiaux en matière de développement. Elle a accru la concentration
de ses moyens : en 2013, l’aide de la France en direction des pays les moins
avancés a augmenté du tiers par rapport à 2012. Nous ne le faisons pas
simplement par générosité, nous le faisons aussi parce que nous sommes conscients
que cette misère et cette pauvreté peuvent créer un terreau au terrorisme.
L’Afrique, malgré ses atouts,
est un continent menacé par l’insécurité. Chaque fois qu’un pays ami est
victime du terrorisme, nous sommes à ses côtés. Chaque fois qu’il est aussi victime
d’un risque d’affrontement qui peut déboucher sur des massacres ou même un génocide,
nous sommes également à ses côtés, sans rien demander en échange, sans avoir aucune
idée de contrepartie ou d’intérêt mercantile.
En décembre dernier, nous
sommes intervenus en République centrafricaine, nous avons évité le pire, je
dis bien le pire. Nous avons été les premiers, j’y reviendrai. Mais, aujourd’hui,
l’Union européenne fait un excellent travail avec l’EUFOR. Les casques bleus
dans quelques mois, c’était d’ailleurs notre volonté, vont prendre le relai.
Nous sommes également soucieux que l’Etat centrafricain se reconstitue et que
puissions avoir, en même temps, une transition démocratique. Cela veut dire des
élections.
Au Mali, la décision avait été
prise au début de l’année 2013. Certains oiseaux de mauvais augure nous avaient
dit que nous serions là pour toujours... Nous avons fait notre travail. Je salue
l’action qu’ont pu conduire le ministre de la Défense, Jean-Yves LE DRIAN, et
les forces armées. Le résultat est là, la démocratie a été rétablie, les
projets de développement redémarrent. La réconciliation est en cours. Elle a
tardé, c’est vrai. Et la France appuie, sans réserve, l’action de l’Algérie en
faveur de ce processus.
Quant à nos forces armées,
elles contribueront, sous d’autres formes, à notre présence militaire. Nous
l’avons adaptée et elle prendra d’autres formes pour éviter la résurgence du terrorisme.
C’est l’opération Barkhane qui fait que nous sommes moins présents au Mali et davantage
sur des sites où nous étions déjà installés. Nous faisons en sorte qu’avec 3 000
hommes nous puissions assurer la sécurité de l’Afrique de l’Ouest.
Mais aussitôt fermé un risque,
écartée une menace, un autre péril surgit. Nous l’avons vu au Nigéria : Boko
Haram avec son intention de bâtir un califat. Qu’avons-nous fait ? Nous avons mis
sur pied une réaction internationale, réuni ici les pays de la région (ce qu’on
appelle les pays du bassin du lac Tchad) et permis que les renseignements, les
échanges d’informations, les actions éventuelles puissent être coordonnées. Le
Nigéria – 20ème puissance économique du monde, l’économie la plus dynamique
d’Afrique et sans doute la première – vit dans la menace de Boko Haram. Le
Nigéria a confiance en la France et la France fera tout pour préserver la
capacité du Nigéria à être une grande économie et un grand pays démocratique.
Mais je vais vous livrer ma
préoccupation majeure, à ce moment même, alors qu’il y a pourtant tant de
sujets d’inquiétudes et de vigilance. C’est la Libye.
La confusion est totale, des
groupes djihadistes ont pris le contrôle de sites importants et pas simplement
de sites pétroliers. Il y a deux parlements, deux gouvernements, même si, pour nous,
il n’y en a qu’un seul de légitime. Il y a aujourd’hui des milices et il y a,
au sud de la Lybie, une formation de groupes terroristes qui attend
d’intervenir.
Si nous ne faisons rien – je
n’entends rien de sérieux, rien de politique, rien d’international –c’est le
terrorisme qui se répandra dans toute cette région. Alors, la France demande
aux Nations Unies, parce que ce sont elles qui doivent prendre leurs
responsabilités, d’organiser un soutien exceptionnel aux autorités libyennes
pour rétablir leur Etat. Nous devons également être très attentifs par rapport
aux voisins de la Lybie : l’Egypte mais aussi la Tunisie, parce que la Tunisie
peut être l’exemple de la réussite des printemps arabes. Ils étaient partis de
là et il est à craindre que ce soit le seul résultat. Faut-il encore le
préserver.
Pour répondre à toutes ces
sollicitations, à tous nos devoirs, à tous les risques, la France dispose d’un
outil militaire efficace. C’est pourquoi j’ai décidé de maintenir les crédits
de la loi de programmation militaire. Chacun considère que c’est un choix
d’évidence. Quand on a à réduire les déficits, quand on connait une croissance
faible, il a fallu, non pas simplement l’insistance du ministre de la Défense,
mais toute la conviction qui doit être la nôtre et la vôtre, pour que nous
prenions bien acte qu’avoir un outil de défense, ce n’est pas simplement un
élément de puissance, c’est une condition même pour notre propre sécurité.
Mais nous ne pouvons pas simplement
en rester à des volumes de crédits sur lesquels je vois des spécialistes
disserter au centime d’euro près. Ce qui compte, c’est l’usage de ces crédits : est-ce qu’ils sont employés pour
être les mieux adaptés aux menaces ? D’où l’enjeu de la cyberdéfense, par
exemple, mais aussi du renseignement. C’est pourquoi j’ai veillé à ce que les
capacités de la DGSE puissent être également renforcées.
Je disais que parfois nous
courons le risque – on ne nous le reproche pas à l’étranger, c’est exceptionnel,
mais en France – d’agir seul. Je réponds que nous ne sommes pas seuls, nous sommes
les premiers. C’est assez différent. Nous sommes parfois même des pionniers
dans la solidarité internationale. Mon intention est toujours d’agir avec nos
partenaires européens.
Parce que plus que jamais,
j’ai la conviction que l’Europe doit être présente en tant que telle dans un
monde où la neutralité n’est plus permise.
L’ambition mille fois répétée
d’une véritable Europe de la Défense – surtout de la part de ceux qui ne font
rien – doit maintenant devenir une réalité. L’Union européenne ne peut pas tout
attendre d’un ou de deux Etats membres – je dirais essentiellement d’un, c’est-à-dire
la France – pour assurer l’essentiel de l’engagement budgétaire et humain au
bénéfice de la sécurité de tous. Cette prise de conscience et ce partage de l’effort
sont les conditions du renforcement de l’Europe sur la scène internationale.
Dans quelques jours, je me
rendrai au sommet de l’OTAN qui doit définir sa mission et savoir à quoi elle
sert. Il y a une idée que nous allons promouvoir, c’est celle de doter
l’Alliance d’une capacité de réaction rapide, pour faire face aux crises, et
dans laquelle chaque pays membre doit prendre sa part.
La France est un pays qui
compte sur la scène internationale, grâce à sa diplomatie, grâce à l’outil de
défense. Mais l’avenir de la France, c’est aussi son économie. Les attributs de
la puissance, les attributs de l’influence, ne sont pas simplement liés à la
politique extérieure.
C’est aussi ce que nous sommes
capables de faire sur le plan de l’économie, de l’industrie, de notre
compétitivité. On me dit que je suis loin du sujet. Non je suis dans le sujet
parce que la France doit mobiliser tous ses atouts, toutes ses énergies pour
rester à son niveau.
Aujourd’hui, c’est la
cinquième puissance économique du monde.
C’est pourquoi j’ai engagé le
pacte de responsabilité et de solidarité et défini aussi une stratégie de
compétitivité pour que les entreprises soient plus modernes, plus fortes et que
notre commerce extérieur puisse être rééquilibré.
D’ailleurs, je considère que
le redressement du commerce extérieur fait partie de la politique extérieure.
C’est la raison qui a justifié que nous puissions rassembler, autour du
ministre des Affaires étrangères, les services et les moyens du commerce extérieur.
C’est votre rôle aussi aujourd’hui, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs.
Pour accompagner nos
entreprises à l’exportation, nous devons revoir un certain nombre de nos
dispositifs. La simplification, là aussi, a sa place avec une unité de
pilotage. Ce qui fait souvent le charme de la France, c’est la pluralité des
acteurs, y compris administratifs. Mieux vaut concentrer, pour mieux décider et
pour agir plus vite.
Je sais que c’est une mission
nouvelle pour vous. Vous en connaissez l’enjeu et je vous demande de l’exercer
avec tous les ministères, tous les opérateurs et notamment la Banque publique
d’investissement et toutes les régions françaises qui font également beaucoup
pour le développent des exportations. Notre cible, ce sont les PME qui doivent
être davantage à l’international. Et nous devons nous concentrer aussi sur
certaines zones géographiques.
D’abord l’Asie, là où la
croissance est la plus forte.
L’année 2014 a été marquée par
le cinquantième anniversaire de la reconnaissance par la France de la
République populaire de Chine. Les Chinois y étaient très attachés. Nous avons reçu
le Président XI Jinping. Il m’avait lui-même reçu en Chine. Nous avons signé
des accords importants d’une valeur de 18 milliards d’euros. Nous avons
toujours un déficit de plus de 25 milliards d’euros avec la Chine. Donc il y a
de la marge ! C’est ce que nous avons fait comprendre. Le rééquilibrage du
commerce extérieur n’est pas une décision administrative, mais il suppose que nous
ayons un dialogue avec la Chine et la capacité d’offrir technologies,
investissements, compétitivité…
Avec l’Inde, nous avons
également une relation de confiance. L’alternance n’a rien changé.
Avec le nouveau Premier
ministre Narendra MODI, nous avons établi un programme de travail. Nous avons
confiance pour un certain nombre de contrats. Je l’ai invité à venir à Paris d’ici
la fin de l’année.
Avec le Japon, là aussi, nous
avons fait en sorte que la confiance soit au rendez-vous. J’ai effectué une
visite d’Etat en juin 2013 et j’ai reçu le Premier ministre ABE en mai 2014.
Nous avons consolidé des partenariats en matière politique – notamment en
matière de défense et de démocratie – et sur le nucléaire civil, question
éminemment sensible. Nous avons fait en sorte d’avoir une coopération de haut
niveau par rapport aux conséquences de Fukushima.
Mais je veux aller plus loin,
nous devons faire un travail avec tous les pays de la région. Je vais les citer
tous, parce que tous sont importants : la Corée du Sud, le Vietnam,
l’Indonésie, Singapour, la Malaisie, la Birmanie, la Mongolie, les Philippines,
l’Australie, la Nouvelle-Zélande. Je ne veux écarter aucun pays et je vais
demander à tous les membres du Gouvernement d’aller faire un certain nombre de
déplacements. Je demande aux ambassadeurs de les organiser.
Moi-même, vous le savez,
j’irai en Australie dans le cadre du G20. Je ferai une visite dans ce pays où,
jusque-là, aucun Président de la République française n’était allé. Pourquoi
dis-je cela ? Non pas parce que je cèderais à une mode «Asie-Pacifique », là où
serait la croissance de demain, mais parce qu’il y a là une population, un
dynamisme et aussi un enjeu. En plus, dans ces pays, l’image de la France est
bonne, pour ne pas dire excellente. Il y a une demande de culture et de
produits français.
Il y a une autre région du
monde où nous devons être encore davantage présents, c’est l’Amérique latine.
C’est un pôle majeur. Nos entreprises l’ont parfaitement compris. Elles y investissent
davantage. Nous devons aussi faire des coopérations technologiques. Je suis
allé au Brésil dans le cadre d’une visite d’Etat, c’était à la fin de l’année
dernière. Je suis allé au Mexique, début 2014. Je dois dire que ce que nous
avons mis en place, avec le Conseil stratégique franco-mexicain, est un exemple
à suivre pour tous les grands pays, notamment en Amérique latine : associer pas
simplement les diplomates et les responsables politiques – cela nous pouvons y
parvenir sans peine – mais associer les entreprises, les acteurs culturels, les
personnalités, ceux qui s’aiment mutuellement… C’est le cas entre la France et
le Mexique, malgré l’Histoire ou à cause de l’Histoire.
Nous avons transposé ce modèle
et je me rendrai en Argentine, au Chili et au Pérou en 2015.
Globalement, je voulais
insister devant vous, malgré la gravité de la conjoncture que nous vivons (je
parle de la conjoncture politique internationale), sur l’enjeu de
l’attractivité. Nous devons multiplier les décisions d’investissement créateur
d’emplois en France. Là aussi, c’est une tâche que vous devez accomplir. Non
pas simplement attirer des entreprises pour qu’elles viennent dans les pays
amis, pour développer un courant d’échange, mais également susciter dans les
pays où vous êtes un intérêt pour la France, pour des investissements en
France. Laurent FABIUS, avec le ministre de l’Intérieur, a fait en sorte que
nous puissions simplifier la délivrance des visas pour les investisseurs, les
entrepreneurs, les étudiants, les chercheurs...
Parce que c’était quand même
un paradoxe : on voulait que les gens viennent, mais on ne leur permettait pas
de venir. Ce qui est compliqué pour investir, sauf à le faire sur internet mais
cela n’a pas donné toujours les résultats escomptés…
De la même façon, le tourisme
est devenu pour nous un élément d’attractivité. C’est le principe même, le
symbole même, de l’attractivité qui veut venir nous voir. Nous sommes la première
destination touristique du monde. Cela flatte notre orgueil… Mais nous ne
sommes pas le pays qui a le plus d’excédent dans sa balance touristique. Cela
heurte nos habitudes...
Nous devons faire en sorte que
nous puissions proposer des produits, des équipements, et être le plus possible
accueillants, parce que si l’on n’est pas bien reçu, il n’y a aucune raison qu’on
vienne nous voir. Cela commence, et Laurent FABIUS en a fait l’expérience
lui-même, à l’aéroport.
Nous n’allons pas faire que
les ambassadeurs aillent dans les gares pour faire agent d’accueil… Mais s’il
le faut, nous le ferons ! Ce que nous devons faire, c’est que l’ensemble des
acteurs économiques se mobilisent par rapport à cette ambition-là. J’ai donné
un chiffre : le tourisme, c’est 7% du PNB, c’est deux millions d’emplois. Nous
voyons que nous avons, puisque nous sommes le pays le plus beau du monde, un
certain nombre de marges à construire. Nous le ferons avec la culture.
La culture, ce n’est pas une
forme d’excellence française que nous proposons au monde avec obséquiosité et
avec le souci que notre langue puisse être parlée sans que nous fassions d’effort
pour qu’il en soit ainsi. La culture, c’est un vecteur, non seulement
d’influence, non seulement de partage, mais aussi de développement économique.
La bataille des industries culturelles, on le voit bien, va bientôt arriver,
avec des opérateurs qui vont venir, dès cet automne, pour proposer leurs
produits. Nous pouvons ériger des barrières, fixer des cordons sanitaires sur
le plan culturel, c’est perdu d’avance… Ce qu’il faut, c’est être les
meilleurs, tout en défendant l’exception culturelle. C’est ce que nous allons
faire dans toutes les négociations internationales.
Les industries culturelles
doivent être pour nous un enjeu majeur comme, d’ailleurs, le développement
international de nos universités, de nos grandes écoles. Parce que nous devons permettre
à plus de jeunes Français de découvrir le monde. Nous n’avons rien à craindre, lorsque
nous voyons un certain nombre de jeunes diplômés aller à l’étranger – cela
serait le contraire qui serait pernicieux – à la condition bien sûr qu’ils
reviennent et qu’ils viennent donner leur talent à leur propre pays qui les a
formés. N’oublions jamais qui a formé, parce que nous ne sommes rien sans la
République !
Et puis, il y a l’accueil des
étudiants étrangers en France. Là-aussi, nous devons faire en sorte qu’il y en
ait davantage, parce que c’est une condition pour notre propre influence.
Le rayonnement, c’est la
francophonie. Jacques ATTALI vient de me remettre un rapport qui souligne
l’immense atout économique que la francophonie peut représenter. Je veux que la
dimension économique de la francophonie soit présente, lors du prochain sommet
de l’OIF à Dakar, au mois de novembre.
Enfin, défendre la place de la
France dans le monde, c’est aussi plaider dans les lieux majeurs de décisions,
notamment le G20, pour une croissance plus forte et plus équilibrée. C’est ce que
nous ferons en Australie, à Brisbane. Nous continuerons à mettre à l’agenda,
les choses ont progressé, la régulation financière et la coopération fiscale
internationale.
Ne croyons pas que nous
sommes, là aussi, isolés dans ce combat. Les Etats-Unis et même un pays comme
le Royaume-Uni sont venus en soutien. Parce que c’est l’intérêt de tous que la finance
noire ou grise puisse être éradiquée et que les conditions fiscales de la
concurrence puissent être précisées.
Enfin, il y a un grand
rendez-vous – nous l’avons-nous même fixé en l’accueillant : la Conférence sur
le climat à la fin de l’année 2015. Chaque jour, chaque minute même, les conséquences
du réchauffement climatique se font de plus en plus dévastatrices. Ils engendrent
des catastrophes, des déplacements de population, de l’instabilité politique et
des conflits meurtriers.
Tout le gouvernement, je dis
bien tout le gouvernement, est mobilisé. C’est le défi du siècle.
Je veux saluer aussi l’action
de Nicolas HULOT qui, à mes côtés, fédère les initiatives de la société civile,
c’est-à-dire, les entreprises, les chercheurs, les citoyens, sur tous les
continents par rapport à cet enjeu.
En septembre, je me rendrai au
sommet des chefs d’Etat et de gouvernement sur le climat organisé par BAN
Ki-moon, aux Nations Unies. J’y annoncerai la stratégie d’action de la France
pour la préparation de la Conférence de 2015, la COP21. D’ores et déjà, j’ai
apporté mon soutien à la démarche de la Banque mondiale pour donner un prix au
carbone. Parce que si l’on veut réorienter les investissements vers
l’efficacité énergétique et les énergies propres, il faut que la pollution ait
un coût. La France participera aussi à la capitalisation, tant attendue, du
Fonds vert pour le climat d’ici la fin de l’année.
Si nous voulons convaincre –
ce n’est pas facile, on se rappelle des échecs cuisants à
Copenhague ; ils tiennent sans
doute à la méthode, mais ils tiennent aussi à la réticence à la résistance d’un
certain nombre de pays –, nous devons être exemplaires en France et exemplaires
en Europe.
En France, nous le sommes,
puisque cet automne, Mme ROYAL, le ministre de l’Ecologie va présenter le
projet de loi sur la transition énergétique et la croissance verte. Les deux formules
sont importantes. La transition énergétique pourra être au rendez-vous pour le
climat. Mais aussi la croissance verte parce que ce sont des atouts pour notre
propre développement économique.
L’Europe devra très bientôt, à
la fin de l’année, déterminer sa politique énergétique et climatique à
l’horizon 2030.
Mesdames et Messieurs les
ambassadeurs, je vous demande de placer la COP21 au coeur de vos priorités. Le
ministre des Affaires étrangères vous définira tout au long de la journée, comment
y parvenir.
Je voudrais conclure sur
l’enjeu majeur que représente l’Europe pour notre pays. Lors des élections
européennes, pas simplement en France, mais notamment en France, les citoyens
ont exprimé leur défiance, mais aussi leurs exigences.
La réponse, c’est que l’Europe
doit changer. Elle doit remettre en cause un certain nombre de politiques,
clarifier son organisation, retrouver le soutien des peuples… et surtout gagner
la bataille de la croissance et de l’emploi. Pourquoi ?
Parce qu’un jeune sur quatre
en Europe est au chômage. Parce que la reprise est trop faible.
Parce que l’inflation est trop
basse. Parce que l’Euro est trop cher. Parce que l’Europe est menacée par une
longue et peut être interminable stagnation, si nous ne faisons rien.
Agir, c’est le faire d’abord à
l’échelle nationale. C’est ce que la France fait. Elle n’a pas attendue la
réorientation de l’Europe, même si elle y travaille, pour faire ses réformes.
Ces réformes sont engagées. Elles portent dans de nombreux domaines, avec le
souci de la compétitivité et de la justice.
Mais ces réformes que l’on
appelle structurelles doivent avoir ce but : améliorer la performance
économique et sociale de nos pays. Ces réformes ne pourront marcher que si l’Europe
se mobilise aussi et crée un contexte. Les deux sont liés. N’attendons pas tout
de l’Europe, mais ne pensons pas que ce seront seulement les réformes
structurelles (nécessaires, indispensables) et la réduction du déficit public
(que nous devons poursuivre) qui suffiront. Il faut qu’il y ait un esprit, une
coordination et également des choix.
La BCE a commencé à agir. Mais
beaucoup dépendra de la façon dont les banques saisissent ces liquidités de la
BCE et les mettent à disposition de l’économie. Nous vivons quand même un
paradoxe, jamais les taux d’intérêts n’ont été aussi bas. Je ne parle pas des
taux d’intérêts français qui sont historiques. On est aujourd’hui à 1,30 sur
les marchés, avec un écart entre les taux français et les taux allemands de
0,3. Jamais cela n’a été aussi bas.
Apparemment, tout va bien. Les
capitaux s’investissent, les taux d’intérêts sont bas, mais l’investissement
tarde, pourquoi ? Parce que le canal de transmission n’est pas automatique. Il y
a un problème de transmission de la politique monétaire, pourtant très
favorable au crédit, aux entreprises qui n’accèdent pas suffisamment à ces
crédits. C’est pourquoi, je réunirai au mois de septembre les Assises du
financement pour l’investissement, pour que nous puissions avoir davantage de
mobilisation pour l’investissement.
La BCE prend ses
responsabilités. Mario DRAGHI a fait des déclarations. Je ne vais pas les interpréter
parce que cela ne serait pas forcément lui rendre service et nous rendre
service par la même occasion. Mais en même temps, elle peut, comme elle en a
parlé, aller plus loin si nécessaire. Les pays qui connaissent la reprise la
plus forte, je pense aux Etats Unis, ont une politique monétaire qui a été un
très fort soutien à l’activité.
A côté de la politique
monétaire, il faut une politique budgétaire qui doit jouer un rôle important et
tenir compte des situations conjoncturelles, ce que l’on appelle les
circonstances exceptionnelles. Est-ce que l’on est dans une circonstance exceptionnelle
? Oui : stagnation (même s’il y a une reprise, elle est trop faible) et inflation
faible. Certain parlent de déflation, nous n’en sommes pas là.
Là aussi, il y a une situation
assez curieuse. C’est que nous nous plaignons de l’inflation faible, et les
Français de la vie chère... Les deux sont vrais. C’est-à-dire que le taux de croissance
des prix peut être effectivement bas et, en même temps, le sentiment que
certains prix sont trop élevés, notamment pour les plus fragiles, existe. Nous
devons faire en sorte qu’il puisse y avoir une prise en compte de ces
situations dans la conduite de la politique budgétaire de chacun des pays. Le
rythme de réduction des déficits doit donc être compatible avec les objectifs
de croissance et la situation de faible inflation.
L’Europe doit faire aussi
davantage, elle doit relancer ses investissements, portés d’ailleurs sur les
priorités essentielles : les infrastructures, la recherche, l’innovation, la
formation, l’environnement. Jean-Claude JUNCKER a annoncé 300 milliards euros,
avec des iinvestissements publics et des investissements privés. Là aussi, nous
ferons en sorte que ce plan là puisse être non seulement confirmé mais mis en
oeuvre. Et que cela puisse être fai dans les meilleurs délais.
C’est la position que je
défendrai lors des prochains Conseils européens : une nouvelle initiative de
croissance et une pleine utilisation des flexibilités dans le rythme de réduction
des déficits, dans le respect des règles européennes mais avec tout ce qu’elles
permettent.
Je proposerai qu’un sommet de
la zone euro puisse être réuni dans les meilleurs délais pour prendre les
décisions nécessaires.
C’est l’intérêt de l’Europe
car c’est sa place dans l’économie mondiale qui est en cause. Nous ne pouvons
pas être regardés comme un continent qui aurait la plus faible croissance du monde
et qui serait le seul continent à ne pas vivre la reprise économique.
Le changement en Europe, ce
sont aussi des politiques d’avenir : une politique de l’énergie pour réussir la
transition, une politique du numérique pour rattraper le retard qui a été pris,
pour constituer des leaders à l’échelle mondiale et pour respecter et faire
respecter ce qu’on appelle les données personnelles.
Et puis le changement en
Europe, c’est d’avoir aussi des exigences de transparence et de réciprocité
dans les négociations internationales et notamment pour le traité
transatlantique.
C’est cette exigence de
transparence et de réciprocité que j’ai portée auprès de la Commission européenne
avec nos amis italiens.
Enfin le changement en Europe,
c’est une meilleure surveillance des frontières extérieures de l’espace
Schengen et notamment en Méditerranée. Le ministre de l’Intérieur a pris une décision,
à ma demande, avec l’Italie pour faire en sorte que nous puissions éviter les
drames qui se produisent en Méditerranée. Nous devons faire en sorte qu’il y
ait un renforcement de ce que l’on appelle « Frontex » - organisation,
protection, surveillance des frontières – mais aussi que, dans l’espace
européen, nous préservions la libre circulation des personnes.
Les institutions européennes
auront à s’organiser par rapport à ces priorités. Jean-Claude JUNCKER, nouveau
Président de la Commission, présentera bientôt son collège des commissaires.
J’ai désigné Pierre MOSCOVICI pour être le commissaire français. Et j’ai demandé
au Président, qui a toute liberté pour composer son équipe, qu’il puisse avoir
une responsabilité économique dans cette Commission. A lui ensuite de faire ses
choix.
La France continuera à tenir
son rôle en Europe. Pour l’Europe, pas simplement pour la
France, même si la France ne
peut pas être regardée comme un pays qui ne serait qu’un pays d’Europe. Nous
sommes la deuxième économie de l’Europe, nous sommes la nation qui consacre le
plus à son effort de défense en Europe. Nous sommes le pays qui a une politique
extérieure qui est à la fois conforme aux délibérations européennes, mais qui
prend des initiatives. Nous devons donc avoir la place en Europe qui correspond
à notre statut.
Mais nous sommes aussi lucides
: l’Europe à 28, peut-être demain davantage, doit changer ses modes de
décisions et son organisation. J’ai plaidé, et je continuerai de le faire – des
discussions vont avoir lieu puisque certains pays veulent se désengager de
l’Union européenne - pour qu’il y ait une union différenciée. Que ceux qui
veulent aller plus vite, plus loin, notamment dans le cadre de la zone euro,
puissent avoir une organisation qui puisse être adaptée à cette exigence
d’agir. C’est ce modèle-là qui permettra de donner à la construction européenne
son sens et peut-être sa légitimité aux yeux de nombreux peuples.
Mesdames et Messieurs les
ambassadeurs, j’ai insisté sur la gravité des menaces. Je ne veux pas ici,
assombrir encore le tableau, inquiéter nos compatriotes mais en même temps,
rien ne serait pire que de faire croire que le monde n’est pas dangereux. Il
l’est. Il n’est pas simplement dangereux, brutal, et parfois cruel pour les peuples
qui subissent les conflits 180 000 morts en Syrie, c’est sans doute un des
drames les plus importants de l’après-guerre...
Ce qui se passe à Gaza depuis
maintenant trop d’années. Ce qui risque de se produire en Irak, avec
l’extermination d’un certain nombre de minorités. Ce qui peut dégénérer en
Afrique. Ce qui peut prospérer, le terrorisme, partout et avec ses filières et
ses ramifications. Nous pouvons déplorer, nous devons agir.
Nous devons dire aux opinions
publiques et je pense aux Français, que la meilleure protection, la meilleure
sécurité, c’est de traiter les problèmes, c’est de ne pas les ignorer. La tentation
existe, je la connais, de dire, tout cela ne nous regarde pas, tout cela est
trop loin.
Pourquoi allons-nous nous
mobiliser en Afrique ou ailleurs. Est-ce bien là notre place ? A-ton encore les
moyens, les ressources de le faire ? Faut-il dépenser de l’argent alors que d’autres
ne font rien ? Je sais bien que ces discussions ont lieu dans un certain nombre
de familles, je ne parle pas que des familles politiques. Mais ce serait la
pire des attitudes, le pire des comportements. Faire comme si tout cela n’existait
pas.
Il y a 100 ans, l’Europe
plongeait le monde dans un siècle d’horreurs. 100 ans… Un ouvrage d’un
historien australien, qui a défrayé la chronique, décrit l’enchaînement qui a
conduit à cette catastrophe. Il s’appelle Les Somnambules. Somnambule, cela
veut dire marcher mais ne rien voir : être apparemment réveillé mais dans un
profond sommeil. C’est un risque qui peut, individuellement, ne pas nous
concerner, mais collectivement parfois nous toucher. Ne soyons pas des
somnambules qui marchent comme si le monde n’existait pas. Restons éveillés, vigilants,
c’est ce que l’histoire nous a appris.
Notre politique étrangère va
bien au-delà de nos intérêts. Elle a vocation à être utile au monde tout
entier. C’est pourquoi, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, vous jouez un
rôle très important. Vous êtes des acteurs décisifs de notre politique. Je veux
saluer, à la fois, ce que vous faites et en même temps tous les fonctionnaires
français qui sont en poste à l’étranger et qui oeuvrent pour le rayonnement de
la France.
Alors ensemble, avec courage,
menons toutes les batailles nécessaires. Celles de la sécurité, du
développement, de l’environnement, de la croissance, mais surtout menons le
combat de la paix. C’est celui que la France a toujours mené. Et c’est ce qui
fait collectivement, notre honneur et notre fierté.
Vive la République et vive la
France ! »
Jean Vinatier
Seriatim
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