« Louis Pouzin, 84 ans, co-inventeur d'Internet
(protocole de communications réseau TCP/IP) avec Vinton Cerf dans les années
1970, est aujourd'hui président de l'Eurolinc, association experte sur la
gouvernance internationale et le multilinguisme d'Internet. Il dirige aussi
Open-Root, une alternative "éthique" à l'Icann.
LA TRIBUNE. Pourquoi avez-vous lancé, il y a
plus d'un an, Open-Root pour concurrencer l'Icann dans la vente de noms de
domaines Internet ?
LOUIS POUZIN. Serait-il
acceptable que les États-Unis gèrent l'annuaire mondial de tous les abonnés au
téléphone ? Le monopole de l'Icann est une sorte de racket financier,
curieusement toléré par les États (sauf la Chine). Les nouvelles extensions
génériques « .book », « .credit », « .sport », « .vin » excluent en pratique
une délégation à d'autres firmes que des spéculateurs étasuniens capables de
débourser 150 millions de dollars pour s'offrir 300 extensions.
Et si une extension est mondialement populaire, elle devient de facto un
monopole mondial hors concurrence. D'où les tarifs abusifs et la capacité de
sélectionner les clients de domaines sur des critères opaques.
Comme dans le cas des Gafa, ce système est une réplique de la colonisation
par les Européens aux 18e et 19e siècles : appropriation des ressources des
colonisés (noms), introduction de règles ou de méthodes profitables aux colons,
vente aux colonisés de services ou produits (système de noms de domaines, ou
DNS)... constitués de leurs propres ressources.
Le modèle Open-Root que j'ai créé est différent de la location auprès de
l'Icann de noms de domaine : nos clients achètent et sont propriétaires des
extensions qu'ils choisissent (des "registres" au sens Internet) ;
ils peuvent alors créer gratuitement les domaines de leur choix. Nous comptons
une trentaine de clients, à majorité des organismes sans but lucratif.
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
SERIATIM
2015
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