Je relaie l’article rédigé pour
Dedefensa, par Maxime Chaix, traducteur du chercheur canadien, Peter Dale Scott,
auteur, notamment, de « L’Etat profond américain » aux éditions
Demi-Lune
« [….]
Politiques profondes de l’État
français, hydrocarbomonarchies et jihad anti-Assad
Après les attentats de Paris au début de l’année 2015, j’avais dénoncé
l’implication de l’État français dans le soutien militarisé et clandestin d’une
opposition « syrienne » pas aussi « modérée » qu’elle nous avait été décrite
par les médias et le gouvernement. (16) L’année précédente, le Président
Hollande avait lui-même reconnu cette politique profonde de déstabilisation et
d’ingérence en Syrie, consistant à armer secrètement des factions rebelles
depuis 2012 ; (17) selon Le Canard Enchaîné, elle n’aurait été
interrompue qu’en janvier 2015, les livraisons d’armes des services français
aux rebelles « modérés » étant « souvent interceptées, voire revendue[s] au
Front Al-Nosra (Al-Qaïda) ou à l’État islamique » (18) – et ce quelles que
soient les intentions desdits services et de leurs responsables. Celles-ci ne
sont pas encore clairement établies : en 2014, le député et ancien juge antiterroriste
Alain Marsaud avait exprimé sa « conviction » que les renseignements français
avaient infiltré, voire soutenu, des milices extrémistes en Syrie, souhaitant
alors la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire. (19)
Dans tous les cas, en coordonnant sa politique syrienne avec le Qatar et
d’autres pays hostiles à Bachar el-Assad, l’État français a offert son appui
diplomatique à des « rebelles » dont la modération est loin d’être avérée. En
2012, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius avait d’ailleurs
déclaré au journal Le Monde que les jihadistes du Jahbat al-Nosra –
c’est-à-dire d’al-Qaïda en Syrie – faisaient du « bon boulot » sur le terrain,
(20) Daech faisant alors partie de cette milice avant la scission en avril 2013
entre al-Nosra et l’EI. (21) L’année précédente, d’autres groupes jihadistes
liés à al-Qaïda, dont le GICL d’Abdelhakim Belhadj, avaient été intégrés aux
opérations de l’OTAN en Libye. (22) Au préalable, la DGSE et les services
secrets qataris avaient joué un rôle actif dans la déstabilisation de Benghazi,
(23) afin de faciliter le déclenchement de cette guerre « planifiée depuis des
mois » – selon l’ancien responsable de la DST, le préfet Yves Bonnet. (24) Puis
l’intervention occidentale fut lancée en mars 2011, 5 000 soldats des forces
spéciales qataries ayant été déployés pour soutenir des factions islamistes
(25) dans cette campagne militaro-« humanitaire » aux conséquences
désastreuses. (26)
Alors qu’un parlementaire européen du FN – dont je combats pourtant le
parti national-xénophobe –, est attaqué en « diffamation » par le Qatar via un
avocat lié à Jacques Chirac et un autre conseil proche de François Hollande,
(27) rappelons que le chef d’al-Qaïda en Syrie – Mohammed al-Joulani – a
récemment pu s’exprimer 47 longues minutes sur Al-Jazira, la chaîne officielle
qatarie. (28) Durant cette opération de guerre psychologique, (29) il a indiqué
que le numéro un d’al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, avait appelé ses troupes à ne
pas cibler les intérêts occidentaux pour ne pas desservir le combat contre
Bachar el-Assad. (30) Au vu de ces informations alarmantes, la plainte du Qatar
contre le député Philippot constitue non seulement une aberration orwellienne,
mais également une ingérence flagrante dans les affaires intérieures
françaises. Néanmoins, cette démarche est ouvertement soutenue par la maire de
Paris, (31) bien qu’elle porte gravement atteinte aux libertés d’expression et
de la presse (32) – pourtant « sacralisées » depuis les attentats tragiques de
janvier 2015 dans la ville qu’elle administre.
À des niveaux plus profonds, cette plainte illustre d’inquiétantes
relations profondes entre l’État français et le Qatar, et plus généralement
entre l’Exécutif et les hydrocarbomonarchies du golfe Persique. En effet, il
est clair que de puissants intérêts énergétiques, financiers, industriels et
géostratégiques renforcent ces relations bilatérales. (33) Cependant, à travers
des politiques clandestines mais avérées, ces monarchies dictatoriales
soutiennent des réseaux terroristes au Moyen-Orient, (34) et même à travers le
monde. (35) Dans le cas de la Syrie, depuis la montée en puissance d’un nouveau
réseau extrémiste – coagulé autour du Jahbat al-Nosra et appelé l’« Armée de la
conquête » –, les médias français ne font pas mystère d’une alliance entre le
Qatar, l’Arabie saoudite et la Turquie pour soutenir cette milice d’al-Qaïda et
faire tomber le régime de Bachar el-Assad. (36) Sur le terrain, il semblerait
que Daech en soit le principal bénéficiaire, selon le journaliste Jean-Michel
Quatrepoint. (37)
Le paradoxe qui découle de ces politiques aventuristes est que la
démocratie est menacée en Occident au nom de la lutte antiterroriste, alors que
les principaux réseaux jihadistes sont aujourd’hui des alliés des pouvoirs profonds
de l’OTAN, du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) et d’Israël (38) dans la
déstabilisation de l’« Axe chiite » (Iran, Irak, Syrie, Sud-Liban). Dans ce
contexte politique schizophrène, nous observons en Occident une succession de
dérives autoritaires légitimées par la lutte antiterroriste, alors que des
milices jihadistes sont discrètement soutenues par les puissances occidentales
et leurs alliés au Moyen-Orient. Il en résulte un débat public orwellien, dans
lequel la plupart des groupes terroristes sont présentés comme des ennemis de
la démocratie – ce qu’ils sont indiscutablement –, alors que des intérêts
supérieurs conduisent les États occidentaux à les utiliser contre des nations «
ennemies ». Du fait d’une certaine orwellisation médiatique, (39) la majorité
des populations occidentales ignore ces politiques profondes et s’abstient de
protester contre des mesures ultrasécuritaires imposées au nom de la lutte
antiterroriste. Ainsi, depuis l’adoption de la loi sur le renseignement, nous
observons le renforcement et la légitimation du système répressif et
liberticide de l’« État profond » en France, (40) et plus généralement en
Occident. Il convient donc, avant de développer cet argumentaire, de définir
cette notion fondamentale.
[….]
La suite ci-dessous
Jean Vinatier
SERIATIM 2015
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