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samedi 27 juin 2015

« L’Etat profond « français » par Maxime Chaix» N°3162 9e année



Je relaie l’article rédigé pour Dedefensa, par Maxime Chaix, traducteur du chercheur canadien, Peter Dale Scott, auteur, notamment, de « L’Etat profond américain » aux éditions Demi-Lune

« [….]
Politiques profondes de l’État français, hydrocarbomonarchies et jihad anti-Assad

Après les attentats de Paris au début de l’année 2015, j’avais dénoncé l’implication de l’État français dans le soutien militarisé et clandestin d’une opposition « syrienne » pas aussi « modérée » qu’elle nous avait été décrite par les médias et le gouvernement. (16) L’année précédente, le Président Hollande avait lui-même reconnu cette politique profonde de déstabilisation et d’ingérence en Syrie, consistant à armer secrètement des factions rebelles depuis 2012 ; (17) selon Le Canard Enchaîné, elle n’aurait été interrompue qu’en janvier 2015, les livraisons d’armes des services français aux rebelles « modérés » étant « souvent interceptées, voire revendue[s] au Front Al-Nosra (Al-Qaïda) ou à l’État islamique » (18) – et ce quelles que soient les intentions desdits services et de leurs responsables. Celles-ci ne sont pas encore clairement établies : en 2014, le député et ancien juge antiterroriste Alain Marsaud avait exprimé sa « conviction » que les renseignements français avaient infiltré, voire soutenu, des milices extrémistes en Syrie, souhaitant alors la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire. (19)
Dans tous les cas, en coordonnant sa politique syrienne avec le Qatar et d’autres pays hostiles à Bachar el-Assad, l’État français a offert son appui diplomatique à des « rebelles » dont la modération est loin d’être avérée. En 2012, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius avait d’ailleurs déclaré au journal Le Monde que les jihadistes du Jahbat al-Nosra – c’est-à-dire d’al-Qaïda en Syrie – faisaient du « bon boulot » sur le terrain, (20) Daech faisant alors partie de cette milice avant la scission en avril 2013 entre al-Nosra et l’EI. (21) L’année précédente, d’autres groupes jihadistes liés à al-Qaïda, dont le GICL d’Abdelhakim Belhadj, avaient été intégrés aux opérations de l’OTAN en Libye. (22) Au préalable, la DGSE et les services secrets qataris avaient joué un rôle actif dans la déstabilisation de Benghazi, (23) afin de faciliter le déclenchement de cette guerre « planifiée depuis des mois » – selon l’ancien responsable de la DST, le préfet Yves Bonnet. (24) Puis l’intervention occidentale fut lancée en mars 2011, 5 000 soldats des forces spéciales qataries ayant été déployés pour soutenir des factions islamistes (25) dans cette campagne militaro-« humanitaire » aux conséquences désastreuses. (26)
Alors qu’un parlementaire européen du FN – dont je combats pourtant le parti national-xénophobe –, est attaqué en « diffamation » par le Qatar via un avocat lié à Jacques Chirac et un autre conseil proche de François Hollande, (27) rappelons que le chef d’al-Qaïda en Syrie – Mohammed al-Joulani – a récemment pu s’exprimer 47 longues minutes sur Al-Jazira, la chaîne officielle qatarie. (28) Durant cette opération de guerre psychologique, (29) il a indiqué que le numéro un d’al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, avait appelé ses troupes à ne pas cibler les intérêts occidentaux pour ne pas desservir le combat contre Bachar el-Assad. (30) Au vu de ces informations alarmantes, la plainte du Qatar contre le député Philippot constitue non seulement une aberration orwellienne, mais également une ingérence flagrante dans les affaires intérieures françaises. Néanmoins, cette démarche est ouvertement soutenue par la maire de Paris, (31) bien qu’elle porte gravement atteinte aux libertés d’expression et de la presse (32) – pourtant « sacralisées » depuis les attentats tragiques de janvier 2015 dans la ville qu’elle administre.
À des niveaux plus profonds, cette plainte illustre d’inquiétantes relations profondes entre l’État français et le Qatar, et plus généralement entre l’Exécutif et les hydrocarbomonarchies du golfe Persique. En effet, il est clair que de puissants intérêts énergétiques, financiers, industriels et géostratégiques renforcent ces relations bilatérales. (33) Cependant, à travers des politiques clandestines mais avérées, ces monarchies dictatoriales soutiennent des réseaux terroristes au Moyen-Orient, (34) et même à travers le monde. (35) Dans le cas de la Syrie, depuis la montée en puissance d’un nouveau réseau extrémiste – coagulé autour du Jahbat al-Nosra et appelé l’« Armée de la conquête » –, les médias français ne font pas mystère d’une alliance entre le Qatar, l’Arabie saoudite et la Turquie pour soutenir cette milice d’al-Qaïda et faire tomber le régime de Bachar el-Assad. (36) Sur le terrain, il semblerait que Daech en soit le principal bénéficiaire, selon le journaliste Jean-Michel Quatrepoint. (37)
Le paradoxe qui découle de ces politiques aventuristes est que la démocratie est menacée en Occident au nom de la lutte antiterroriste, alors que les principaux réseaux jihadistes sont aujourd’hui des alliés des pouvoirs profonds de l’OTAN, du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) et d’Israël (38) dans la déstabilisation de l’« Axe chiite » (Iran, Irak, Syrie, Sud-Liban). Dans ce contexte politique schizophrène, nous observons en Occident une succession de dérives autoritaires légitimées par la lutte antiterroriste, alors que des milices jihadistes sont discrètement soutenues par les puissances occidentales et leurs alliés au Moyen-Orient. Il en résulte un débat public orwellien, dans lequel la plupart des groupes terroristes sont présentés comme des ennemis de la démocratie – ce qu’ils sont indiscutablement –, alors que des intérêts supérieurs conduisent les États occidentaux à les utiliser contre des nations « ennemies ». Du fait d’une certaine orwellisation médiatique, (39) la majorité des populations occidentales ignore ces politiques profondes et s’abstient de protester contre des mesures ultrasécuritaires imposées au nom de la lutte antiterroriste. Ainsi, depuis l’adoption de la loi sur le renseignement, nous observons le renforcement et la légitimation du système répressif et liberticide de l’« État profond » en France, (40) et plus généralement en Occident. Il convient donc, avant de développer cet argumentaire, de définir cette notion fondamentale.
[….]
La suite ci-dessous




Jean Vinatier
SERIATIM 2015

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