Alors
que le G7 palabrait au milieu des champs de Bavière et que Christine Lagarde
faisait sa balade à vélo place de l’Alma où elle passa lentement et sereine à
17 h accompagnée de son époux, un long homme marseillais ; de l’autre côté
du Bosphore à Ankara, au milieu de l’Anatolie, le Président Erdogan mordait la
poussière lors des élections législatives qui virent l’entrée sur scène du
parti démocratique des peuples (HDP) avec 79 députés. Le chef de ce parti, Selahattin
Demirtas, a su regrouper, autour de lui, tous les déçus du parc de Gezi (Taksim 2013) : des kurdes aux
Yazédis en passant par les homosexuels, générant une dynamique dans un pays à
la boussole incertaine. Partagée entre un héritage ottoman et une place
incontournable entre l’Asie et l’Europe, dans l’Orient, le pouvoir turc finit
par donner le tournis en voulant épouser bien des sujets sans savoir en retenir
un seul et le suivre avec constance.
La vie
politique turque intègre-t-elle le cas du Kurdistan ? La Turquie arrivera-t-elle
à construire un fédéralisme ? Toute amputation de son territoire serait
vécue comme un second « Sèvres » et engendrerait de réelles
violences. Pour l’heure, l’ambition affichée par le Président Erdogan de gagner
via l’assemblée d’autres pouvoirs est arrêtée sans que cesse cette quête turque
d’asseoir une nation tranquille à la mémoire apaisée. Ni Atatürk, ni ses
successeurs ne parvinrent à s’extirper des génocides (Assyrien, Arménien,
Pontique) alors même que la Sultanat et le califat disparaissaient dans l’histoire.
L’idée d’une politique néo-ottomane prônée par Ahmet Davotuglu d’abord ministre
des Affaires Etrangères puis actuel Premier ministre resserre le lien
historique entre la Turquie kémaliste et l’Empire. S’ajoute via Erdogan une
dimension religieuse qui également remémore l’avant 1924. Si sur une carte la
situation géographique de la Turquie est exceptionnelle à bien des égards, ce
pays reste malgré tout prisonnier d’un passé inscrit dans le roc anatolien.
La
présence de 79 députés de l’HDP a une solidité de façade : les liens entre
les kurdes et les homosexuels ou entre les minorités ethniques ne sont guère
évidents même s’ils permirent d’entrer dans l’arène politique. Selahattin
Demirtas est associé à Syriza et Podemos parce qu’il se situe à gauche sans que
soit évoqué un quelconque programme d’idées en commun. Serait-on encore dans l’utopie
des internationales d’avant 1914? L’Union européenne serait-elle une
issue ? La Turquie a d’abord, besoin de son espace, d’œuvrer, par exemple,
à concevoir une sorte de Commonwealth entre nations turcophones et s’il se
réalisait faciliterait la résolution de la question Kurde. La Turquie étouffe,
elle est encore « cet homme malade », malade inquiète, parfois imaginaire….
Jean Vinatier
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2015
In Seriatim :
4 janvier 2014 :
Turquie intellectuels libéraux et « idiots utiles » N°1580 7e
année
2 juin 2013 : Taksim…comme dans l’Espagne de 1766 ? N°1373 6e
année
20 février 2013 :Turquie
le moment toupie ? N°1378 6e année
17 octobre 2011 :
Turquie : chemins hésitants N°1040 5e année
13 septembre
2010 : Turquie un avenir gaullien N°743 4e année
1er
octobre 2009 : Turquie puissance nomade N°539 3e année
29 février 2008 :
La Turquie s’étire les yeux bien ouverts N°151 1ère année
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