A deux semaines du début de l’euro
de football, le calendrier des grèves ne cesse pas de se remplir (RATP, SNCF,
raffineries, centrales nucléaires, routiers, aviateurs…etc.) et les
manifestations qui se déroulent dans toute la France ne marquent pas un essoufflement.
Face à ces mouvements répétés, le gouvernement ne présente pas toute l’unité
nécessaire quant au parti socialiste, ce sont des disputes publiques jusque
dans l’enceinte de l’assemblée nationale lesquelles dépassent la zone d’influence
des « frondeurs ». Ce face à face CGT/gouvernement ne suffit pas d’être
relevé pour en faire l’analyse.
Le fond de l’affaire serait le
fameux article 2 de la loi dite El Khomri relatif à l’articulation entre les
accords de branche et les accords d’entreprises :
«L’article 2 du projet de loi El Khomri
prévoit que dans le domaine de la durée du travail (nombre maximum d'heures
quotidiennes et hebdomadaires, temps de repos, congés payés), l'accord
d'entreprise peut prévaloir sur l'accord de branche. Pour ses défenseurs, cette
disposition permettra de créer plus de souplesse en encourageant le dialogue
social dans une entreprise et en lui permettant de mieux s'adapter à son
environnement. Les syndicats eux craignent que cela fragilise les salariés et
aboutisse à du chantage à l'emploi. »1
Jusqu’à présent, le gouvernement
et le parti socialiste savaient élaborer un accord lors d’un conflit social. La
crispation gouvernementale qui devrait interroger la presse étonne :
pourquoi cette raideur? Pourquoi cette crainte de devoir réécrire l’article 2
devenu emblématique ?
L’on sait bien que la loi dite El
khomri ne l’est que de nom et que les rédacteurs de cette nouvelle législation
se trouvent à Bruxelles. Cela fait quelque temps que l’Union européenne appelle
la France à plus de réformes alors même que nos déficits ne diminuent pas. Cette loi serait-elle l’occasion pour la France
d’échapper à la menace d’une troïka qui s’illustra et s’illustre encore en
Grèce ? La pression bruxelloise est indéniable : elle expliquerait la
soudaine fermeté de l’exécutif, les airs de matamore de François Hollande et
les fulminations du Pequeñito d’Evry. Toute retouche ou toute reformulation
trop claire serait interprétée par Bruxelles comme un aveu de faiblesse
coupable.
Les syndicats CGT et FO à l’exception de la CFDT, engouffrés dans la
brèche, pensent que la proximité de l’euro de football placerait in fine le
gouvernement Valls dans l’obligation d’amender le texte. De semaine en semaine,
les conflits se multiplient et se développent ou s’arrêtent pour reprendre sans
enclencher pour le moment le grand incendie social qui précipiterait les
étudiants dans la rue. A cette tension s’ajoutent les querelles intestines au
parti socialiste (frondeurs) à la gauche où Mélenchon et les communistes sont,
à la fois, rivaux et complémentaires, les Verts optant pour le sabordage au
lendemain de l’affaire Baupin dont François Hollande est le bénéficiaire. Quant
au terrain lui-même, monte progressivement les colères jusqu’à présent tenues
et non fédérées.
François Hollande parti en
campagne présidentielle sur l’air de la « France va mieux » avec un
chômage par deux fois en baisse, il ne
songeait pas à cette montée groupée des différents mécontentements.
Jugera-t-on que le maintien du
calendrier de l’examen du projet de loi El Khomri eusse dû tenir compte de l’Euro
de football ? Le gouvernement a été pris de court par l’offensive
syndicale et notamment lors du blocage des centres de stockage de l’essence.
Pourtant depuis le mois de mars, les « Nuit debout » à Paris et dans
les métropoles régionales étaient un indicateur de l’effervescence de la gauche
surtout ajoutées à la relative bienveillance que le pouvoir socialiste comme de
droite a, envers, les manifestations de gauche. La contestation s’est installée
publiquement et symboliquement place de la République comme le voulait Anne
Hidalgo qui exhortait quasiment les parisiens à mettre la politique dans tous
les lieux de la capitale : pari gagné ! Elle a fait tache d’huile mais
sans entraîner une réaction en chaîne.
Cet état social affaiblit incontestablement
l’exécutif français aux yeux de l’étranger dont les médias ne cachent pas,
comme les nôtres, tout ce qui déraille ici. Il retient aussi et surtout l’attention
de Daech qui voit notre niveau de délabrement alors même que l’état d’urgence est
prolongé jusqu’à la fin de juillet : manifestations et dégradations, échec
de la sécurisation du stade de France la semaine dernière, épuisement des CRS
et gardes mobiles que l’on fait courir d’un bout à l’autre du pays et qui
devront être opérationnels pendant cet Euro : pourront-ils se démultiplier
si les conflits les obligent à aller ici et là ? Et si l’armée les supplée :
les effectifs seront-ils suffisants ?
La brutale rencontre entre une
loi symbolique aux yeux de Bruxelles avec les nombreux et différents courroux
français sur fond d’une hantise de nouveaux attentats dont le risque a été répété
par les patrons, de la DGSI, d’Europol et les services allemands, n’est pas
encore cette étincelle. A moins de deux semaines du début de l’Euro, les
fan-zones deviennent à leur tour des tentations non pas seulement pour de
possibles attentats mais comme des opportunités d’occupation politique. D’ici
là, le gouvernement et les syndicats trouveront-ils le moyen de ne pas perdre
la face, de complaire à Bruxelles ou bien alors, lancés en roue libre assisterons-nous
au choc ? Certains évoquent le danger « d’une guerre civile ».
On se plait ici à croire aux répétitions historiques qui toutes eurent des
racines, intellectuelles, religieuses, philosophiques, politiques alors qu’en 2016 ils n’en restent plus rien hormis l’apologie
du migrant, les yeux de Chimène pour le Prophète, du vivre ensemble et de la mondialisation :
ce sont là des émotions, des pamoisons avec en dessous des volontés d’équarrir
tout passé historique, toute racine hellénique, chrétienne, juive, de défaire
encore et toujours la nation. N’oublions pas que dans le conflit actuel ces
sentiments quoique en désordre, pas en perspective s’agitent dans les corps et
énervent par son absence de centralité. L’issue de la colère est incertaine, atteindra-t-elle
le cap de la rébellion?
Note :
Jean Vinatier
Seriatim 2016
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