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vendredi 27 mai 2016

France : loi El khomri ou troïka…N°4142 10e année



A deux semaines du début de l’euro de football, le calendrier des grèves ne cesse pas de se remplir (RATP, SNCF, raffineries, centrales nucléaires, routiers, aviateurs…etc.) et les manifestations qui se déroulent dans toute la France ne marquent pas un essoufflement. Face à ces mouvements répétés, le gouvernement ne présente pas toute l’unité nécessaire quant au parti socialiste, ce sont des disputes publiques jusque dans l’enceinte de l’assemblée nationale lesquelles dépassent la zone d’influence des « frondeurs ». Ce face à face CGT/gouvernement ne suffit pas d’être relevé pour en faire l’analyse.
Le fond de l’affaire serait le fameux article 2 de la loi dite El Khomri relatif à l’articulation entre les accords de branche et les accords d’entreprises :
«L’article 2 du projet de loi El Khomri prévoit que dans le domaine de la durée du travail (nombre maximum d'heures quotidiennes et hebdomadaires, temps de repos, congés payés), l'accord d'entreprise peut prévaloir sur l'accord de branche. Pour ses défenseurs, cette disposition permettra de créer plus de souplesse en encourageant le dialogue social dans une entreprise et en lui permettant de mieux s'adapter à son environnement. Les syndicats eux craignent que cela fragilise les salariés et aboutisse à du chantage à l'emploi. »1

Jusqu’à présent, le gouvernement et le parti socialiste savaient élaborer un accord lors d’un conflit social. La crispation gouvernementale qui devrait interroger la presse étonne : pourquoi cette raideur? Pourquoi cette crainte de devoir réécrire l’article 2 devenu emblématique ?
L’on sait bien que la loi dite El khomri ne l’est que de nom et que les rédacteurs de cette nouvelle législation se trouvent à Bruxelles. Cela fait quelque temps que l’Union européenne appelle la France à plus de réformes alors même que nos déficits ne diminuent pas.  Cette loi serait-elle l’occasion pour la France d’échapper à la menace d’une troïka qui s’illustra et s’illustre encore en Grèce ? La pression bruxelloise est indéniable : elle expliquerait la soudaine fermeté de l’exécutif, les airs de matamore de François Hollande et les fulminations du Pequeñito d’Evry. Toute retouche ou toute reformulation trop claire serait interprétée par Bruxelles comme un aveu de faiblesse coupable.
Les syndicats CGT et FO  à l’exception de la CFDT, engouffrés dans la brèche, pensent que la proximité de l’euro de football placerait in fine le gouvernement Valls dans l’obligation d’amender le texte. De semaine en semaine, les conflits se multiplient et se développent ou s’arrêtent pour reprendre sans enclencher pour le moment le grand incendie social qui précipiterait les étudiants dans la rue. A cette tension s’ajoutent les querelles intestines au parti socialiste (frondeurs) à la gauche où Mélenchon et les communistes sont, à la fois, rivaux et complémentaires, les Verts optant pour le sabordage au lendemain de l’affaire Baupin dont François Hollande est le bénéficiaire. Quant au terrain lui-même, monte progressivement les colères jusqu’à présent tenues et non fédérées.
François Hollande parti en campagne présidentielle sur l’air de la « France va mieux » avec un chômage par deux fois en baisse, il  ne songeait pas à cette montée groupée des différents mécontentements.
Jugera-t-on que le maintien du calendrier de l’examen du projet de loi El Khomri eusse dû tenir compte de l’Euro de football ? Le gouvernement a été pris de court par l’offensive syndicale et notamment lors du blocage des centres de stockage de l’essence. Pourtant depuis le mois de mars, les « Nuit debout » à Paris et dans les métropoles régionales étaient un indicateur de l’effervescence de la gauche surtout ajoutées à la relative bienveillance que le pouvoir socialiste comme de droite a, envers, les manifestations de gauche. La contestation s’est installée publiquement et symboliquement place de la République comme le voulait Anne Hidalgo qui exhortait quasiment les parisiens à mettre la politique dans tous les lieux de la capitale : pari gagné ! Elle a fait tache d’huile mais sans entraîner une réaction en chaîne.
Cet état social affaiblit incontestablement l’exécutif français aux yeux de l’étranger dont les médias ne cachent pas, comme les nôtres, tout ce qui déraille ici. Il retient aussi et surtout l’attention de Daech qui voit notre niveau de délabrement alors même que l’état d’urgence est prolongé jusqu’à la fin de juillet : manifestations et dégradations, échec de la sécurisation du stade de France la semaine dernière, épuisement des CRS et gardes mobiles que l’on fait courir d’un bout à l’autre du pays et qui devront être opérationnels pendant cet Euro : pourront-ils se démultiplier si les conflits les obligent à aller ici et là ? Et si l’armée les supplée : les effectifs seront-ils suffisants ?
La brutale rencontre entre une loi symbolique aux yeux de Bruxelles avec les nombreux et différents courroux français sur fond d’une hantise de nouveaux attentats dont le risque a été répété par les patrons, de la DGSI, d’Europol et les services allemands, n’est pas encore cette étincelle. A moins de deux semaines du début de l’Euro, les fan-zones deviennent à leur tour des tentations non pas seulement pour de possibles attentats mais comme des opportunités d’occupation politique. D’ici là, le gouvernement et les syndicats trouveront-ils le moyen de ne pas perdre la face, de complaire à Bruxelles ou bien alors, lancés en roue libre assisterons-nous au choc ? Certains évoquent le danger « d’une guerre civile ». On se plait ici à croire aux répétitions historiques qui toutes eurent des racines, intellectuelles, religieuses, philosophiques, politiques alors qu’en  2016 ils n’en restent plus rien hormis l’apologie du migrant, les yeux de Chimène pour le Prophète, du vivre ensemble et de la mondialisation : ce sont là des émotions, des pamoisons avec en dessous des volontés d’équarrir tout passé historique, toute racine hellénique, chrétienne, juive, de défaire encore et toujours la nation. N’oublions pas que dans le conflit actuel ces sentiments quoique en désordre, pas en perspective s’agitent dans les corps et énervent par son absence de centralité. L’issue de la colère est incertaine, atteindra-t-elle le cap de la rébellion?

Note :

Jean Vinatier
Seriatim 2016

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