Le déroulement de la campagne
américaine pour le choix du nouvel empereur du Potomac n’intéresse l’Europe qu’à
la condition d’assister au triomphe de sa chère Hillary Clinton, Bernie Sanders
y étant regardé comme un malappris et Donald Trump, l’homme des Républicains, comme
un goujat. En fait les Européens s’obligent à baiser la moindre jupe d’Hillary
parce qu’ils croient Barack Obama son fidèle allié et soutien. En réalité l’actuel
chef de cette puissante nation ne contrôle plus grand-chose et se prépare à
vivre dans une confortable maison dans un quartier washingtonien, Kalorama, à quelques pas
de la résidence de l’ambassadeur de France dont François Hollande voudrait, dit-on, lotir le
terrain pour grappiller quelques millions. Le climat politique américain est
beaucoup plus enflammé et passionné que l’on feint de ne pas regarder et moins
encore informer les lecteurs, c’est-à-dire nous.
L’entrée sur la scène des classes
moyennes américaines qui embrassent Bernie Sanders et Donald Trump est un fait
d’importance : l’accumulation de la frustration, de la rancœur envers les têtes d’œufs de
Washington et des financiers de Wall Street est bien réel. A cet état, s’ajoute
les traditionnelles méfiances des Etats envers l’Etat fédéral : ce n’est
pas pour rien que surgit périodiquement, par exemple, au Texas, une demande
référendaire. La dernière en date manqua de quelques voix son inscription au
calendrier électoral. Mais bien au-delà, de ces manifestations d’humeur,
apparaissent plus largement des doutes et des interrogations profondes sur l’impact
de la mondialisation et/ou globalisation. Le fait de devenir la puissance-monde
n’induirait-elle pas la disparition du modèle américain ? Les oppositions
au traité de libre-échange s’affichent au point que tous les principaux
candidats déclarent ne pas vouloir le signer en l’état, Hillary Clinton incluse !
Ce sentiment de dépossession au profit de méga-sociétés, de lobbies géants, de
banques universelles nourrit les craintes si justement humaines de se voir
déposséder de sa qualité d’homme américain. La question identitaire se pose
ainsi dans cette campagne politique avec cette particularité que la xénophobie
y est inconnue. En effet, ce qui est redouté, tient à l’affaissement du modèle
non par la venue de migrants mais par l’accaparement du fait d’entités multinationales de ce qui est censé
faire socle des Etats-Unis depuis 1776. Il y a bien en germe une sécession non
pas entre le Nord et le Sud mais entre l’homme de base et les puissances ou
conglomérats qui usent des Etats-Unis pour affermir leur taille et étreindre
tout ce qui résisterait à leur voracité. Par exemple, la FED qui jouit, comme
société privée, de battre monnaie, née du calcul de banquiers et stratèges anglo-américains
en 1913, est-elle encore au service de la nation ? La FED est un peu comme
les Templiers, un Etat dans l’Etat et quand John Kennedy voulut lui retirer le
privilège de l’émission de monnaie, il mourut.
Les précarités et pauvretés qui grandissent,
les villes de tentes qui s’établissent dans une sorte de no man’s land entre la
banlieue, déjà fragilisée, et les espaces entre les autres villes sont gommées
par les tenants du « Système ». La nouveauté est que ces pauvres ou
indigents ne se contenteraient plus de subir leur sort mais en entreraient sur
la scène citoyenne de leur pays. Bernie Sanders incarne l’aile dite socialiste
disparue au début du XXe siècle quand Donald Trump par son isolationnisme
répété serait le porte-drapeau de la bonne garde de la maison Amérique. Quelque
part, assisterions-nous à un retour aux fondamentaux. Ainsi cette
mondialisation des uns, la globalisation des autres générerait-elle un effet
boomerang plus rapide et violent que prévu.
De l’autre côté de l’Atlantique,
au Royaume-Uni, la campagne référendaire pour ou contre le Brexit n’est pas
loin d’avoir des points en commun avec les effervescences étatsuniennes. Le
devenir du Royaume-Uni interroge le Britannique qui bien conscient d’être membre
d’une nation-monde a le pressentiment ou la crainte de ne plus savoir maitriser
son propre développement en demeurant arrimé à une Union européenne dénuée de
colonne vertébrale politique, d’égoïsme national. Le Britannique estimerait-il que son intérêt à
être dépendant d’une Union ne lui permettrait plus de jouir pleinement de son
indépendance, c’est-à-dire d’agir souverainement pour la pérennité du royaume ?
Là-aussi, ce n’est pas le migrant en tant que tel qui exacerbe l’actuelle
campagne mais le nomadisme dont il serait le porteur, échappant ainsi au « Commonwealth »
du Rule britannia.
Ne sont-ce pas des
anglo-américains, Julian Assange, Edward Snowden et bien d ‘autres qui jetèrent
à la face du monde les documents confidentiels ? C’est depuis le « monde
anglo-américain » que se font entendre les plus fortes colères que nous
les Européens (enfin les « élites ») refusons de considérer.
Le Brexit, pour le cas où il
serait, et l’élection d’un Trump ou qui sait d’un Sanders1, seront-ils deux événements majeurs d’un
tournant non pour annoncer la fin d’un processus de mondialisation, plutôt pour
poser de nouvelles frontières depuis des identités réaffirmées, des
fondamentaux racines ?
Jean Vinatier
Seriatim 2016
Note : 1-A la
différence du parti républicain qui se contente d’additionner le nombre de
délégués pour désigner son candidat, le parti démocrate obéit à des règles plus
compliquées. Certes Hillary Clinton devance-t-elle Bernie Sanders mais si
les démocrates estimaient le potentiel de l’épouse de Bill émoussée, son
compétiteur pourrait être investi.
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