« Que faut-il donc attendre de 2016 ? écrivions-nous le 6 janvier
dernier. Pas d’illusions, dans un monde en charivari, juste la suite de
2015 – avec ses difficultés prévisibles et ses volées de cygnes noirs (1).
Et les cygnes noirs sont là, ils volent en escadrilles. Ils ne viennent pas de
nulle part. Et ils sont, mais pas seulement, en France, même si le monde
entier est interpelé par les vies fauchées un soir de fête à Nice
– conséquence inattendue mais logique de lacs, d’entrelacements de forces
nouées au cœur d’un monde musulman en fusion. Forces qui pénètrent une
Europe affaiblie par l’échec encore inavoué par ses dirigeants d’une utopie
européiste, née après l’hécatombe de deux guerres qui ont ensanglanté le
monde – Forces qui génèrent aussi des tensions au sein même de l’empire
imprudent qui a contribué à les attiser, les Etats-Unis d’Amérique en
utilisant, en Afghanistan d’abord contre les Soviétiques (ben Laden) puis en
Irak après 2003 (opposition chiites-sunnites), certains de leurs éléments pour
servir d’appui à leur politique – un jeu qui, selon le général Flynn,
l’ancien patron de la Defense Intelligence Agency (DIA) américaine (2012-2014),
s’est poursuivi en Syrie : laisser monter en puissance, en l’armant,
l’opposition au président Bachar el Assad, serait une « décision délibérée »
de l’administration américaine, affirmait-il en août dernier en s’appuyant sur
un rapport déclassifié de l’agence datant de 2012 (2).
Regardons une image large du paysage : ce monde occidental amoindri, privé
d’une partie de sa vitalité dès avant les perturbations de 2008 par ses propres
pratiques en matière financière et économique se retrouve donc impliqué dans
les déchirures de la communauté musulmane (l’oumma), où chiites et sunnites
s’affrontent pour des raisons religieuses immémoriales et géopolitiques très
concrètes – rivalités de puissances ordinaires.
Regardons les faits et d’abord l’Union européenne, qui n’est pas l’ensemble
de l’Europe. Elle ne parvient plus à maîtriser les crises qui la secouent et
l’écartèlent. Le choc fulgurant est bien sûr celui du Brexit, le choix, par
l’un de ses membres éminents, de quitter cet arrangement juridique pour
reprendre le contrôle politique de ses affaires et le fil de sa propre
histoire. S’il ouvre une longue période d’incertitudes, il conforte aussi les
doutes exprimés ailleurs sur la finalité de l’aventure. Parlons clair. Qui veut
encore d’une fédération imposant la disparition des nations dans un ensemble de
28 Etats, parlant 24 langues différentes, chacun assis sur une histoire propre,
un imaginaire du monde dissemblable pour hier et pour demain ? Où est l’élément
fédérateur une fois la promesse de prospérité, de sécurité, envolée ? Lequel
des dirigeants se pose la question ? Le contexte est de plus brouillé, nul ne
l’ignore, par une immigration continue de masses venues de pays en guerre ou en
déshérence économique (Afrique, Proche-Orient, Asie centrale), immigration que
l’UE, qui n’a jamais voulu se donner de frontières, ne parvient pas à
gérer. L’annonce d’un coup d’Etat manqué en Turquie pendant la nuit du 15 au 16
juillet, quelle que soit son origine que nous ne connaissons pas à cette heure,
met de plus à mal l’accord, léonin, laborieusement passé par la chancelière
allemande pour endiguer un flot de migrants qu’elle avait invités il y a
quelques mois. Afflux qui provoque un malaise en Allemagne (et au-delà),
après la nuit barbare de Cologne en début d’année. Comment sera accueilli par
la population l’agression à la hache perpétrée dans un train par un Afghan ce
18 juillet (3), attentat revendiqué par l’organisation de l’Etat islamique ?
La suite ci-dessous:
Jean Vinatier
Seriatim 2016
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