Voici un rappel historique très intéressant et, notamment, par le
soulignement accordé aux mécanismes qui enclenchèrent en Europe, non seulement,
les révoltes à Naples mais aussi en Espagne, au Portugal, en France (1648), en
Angleterre (1641-1649). Le XVIIe siècle met en place sans le savoir ce que
seront les révolutions à la fin du siècle suivant. Alain Hugon nous livre une
fine analyse.
« Neuf mois
d’affrontements et de violences, d’expérimentation politique, d’espoir
populaire. Une éruption de colère qui secoue tout le Sud de l’Italie. De
France, on ne connaît généralement pas grand-chose à la révolte de Masaniello,
qui agita le Royaume de Naples en 1647 et 1648. Pour réparer cet impair, place
à Alain Hugon, auteur de « Naples insurgée, de l’événement à la
mémoire ».
Peut-on situer le contexte de la
révolution napolitaine de 1647-1648 (communément qualifiée de « révolte de
Masaniello ») ?
Au milieu du XVIIe siècle, Naples est la principale ville de
l’Occident méditerranéen avec Constantinople. Elle compte alors de 200 à
300 000 habitants, contre peu ou prou 200 000 au début du XVIIe
siècle. Très peuplée, c’est aussi une ville moderne par sa structure
économique. Elle abrite de nombreux palais aristocratiques, construits de la
fin du XVe au XVIIIe siècle, d’où l’architecture superbe
de la Naples actuelle.
Naples est aussi la capitale d’un royaume qui possède ses propres lois, sa
propre monnaie - même si le souverain, absentéiste, en est le roi d’Espagne.
Par de nombreux aspects, Naples s’affirme alors comme le poumon économique de
l’Empire espagnol, les « Indes d’Europe », selon une expression de
l’époque. L’une des originalités de ce royaume tient dans le poids de sa
capitale : Naples est une ville macrocéphale, avec une tête énorme pour un
petit royaume – 200 ou 300 000 habitants pour la ville, alors que le
royaume compte environ 1,2 millions d’habitants. Soit un sixième de la
population vivant en ville, une proportion énorme pour une économie
préindustrielle !
Et par rapport au reste de
l’Europe ?
À l’époque, seules l’Italie du Nord et les Provinces-Unies (Pays-Bas et
Belgique) affichent des densités urbaines aussi importantes ; l’Espagne ou
le Languedoc ne connaissent par contre pas cette macrocéphalie. Naples a alors
ce statut particulier d’être à la fois un royaume et une capitale. On peut la
comparer avec Londres, sauf que cette dernière aligne de 200 à 300 000
habitants pour une population anglaise totale de 5 à 6 millions de personnes.
Naples se caractérise aussi par l’existence précaire de toute une
population flottante. On peut reprendre le terme romain que les Italiens de
l’époque emploient : celui de plèbe. L’immense majorité de la population
n’est pas noble, et travaille dans les métiers libres ou dans des
corporations ; dès qu’il y a une crise, beaucoup se retrouvent au chômage.
Il n’y a pas de filets sociaux, sinon les réseaux de parentés. Cette population
flottante est commune aux villes d’Ancien régime, et jusqu’au XVIIIe
siècle. Naples plus que toutes autres porte cette image d’une ville populeuse,
crève-la-faim, mais qui peut vivre de façon relativement opulente lorsque
l’économie va bien.
Cette toile de fond permet d’expliquer que les mécontentements y entraînent
parfois de puissants mouvements de foule, certainement plus forts que dans
d’autres pays. C’est d’abord cette plèbe napolitaine, que les contemporains
qualifient tour à tour de « marée », de « foule », de
« vague » irrépressible, etc., qui m’a frappée. »
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2016
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