"Si vous ne lisez pas les journaux, vous n'êtes pas informés; si vous lisez les journaux, vous êtes mal informés" Mark Twain
jeudi 14 septembre 2017
« Info-jeux » c’est déjà demain ? N°4312 11e année
mardi 12 septembre 2017
« Les périls de l’irrédentisme allemand par Armand Bérard 1952 » N°4311 11e année
Je livre le télégramme complet envoyé par le diplomate français Armand
Bérard depuis Bonn le 18 février 1952 au ministre des affaires étrangères,
Robert Schuman que l’historienne Annie Lacroix-Riz a titré dans son opuscule: « Armand Bérard
et les périls de l’irrédentisme allemand débridé par les Etats-Unis »
Nous sommes trois années après la naissance de la RFA et dans le moment
où se dessine le projet de CED (Communauté européenne de défense).
Sa façon d’écrire, d’avancer est très « Vergennes ».
« L’évolution qui se poursuit depuis
plusieurs mois, dans la mentalité et l’attitude allemandes, s’est accentuée au
cours des récents événements.
L’Allemagne a retrouvé sa
confiance en soi. A la rapidité de son redressement, elle oppose volontiers l’instabilité
gouvernementale, les difficultés intérieures, résultant de la présence d’un
parti communiste nombreux, et la crise financière auxquelles, semble-t-il, la France
est en butte. Elle croit de nouveau en sa puissance, elle est convaincue que la
valeur militaire de son peuple, à laquelle les Alliés sont obligés de faire
appel, la rend indispensable au monde occidental. Elle a, dans ces conditions,
de nouveau tendance à parler haut, le ton de la presse en témoigne. Il est
frappant qu’à quelques jours de distance, le Président du conseil
luxembourgeois et un haut fonctionnaire autrichien voit télégrammes de Luxembourg
n°14 et de Vienne n°269) se plaignent à nos représentants de l’attitude
comminatoire que l’Allemagne commence à prendre de nouveau avec les petits
Etats.
Ce faisant, l’Allemagne a tendance
à fermer les yeux sur ses propres éléments de faiblesse. Elle oublie que,
surpeuplée et intensément industrialisée, elle dépend étroitement, pour sa vie,
de ses échanges avec l’étranger, que son chômage peut, à tout moment, redevenir
inquiétant, qu’écartelée entre les deux blocs idéologiques qui se partagent le
monde, elle est un pays divisé et qu’ainsi que l’ont encore illustré les débats
de l’Assemblée Nationale française, elle demeure en butte à la méfiance des
Nations qui ont subi son occupation.
Nos amis hollandais et belges
ne cherchent-ils pas parfois à justifier leurs réticences à l’égard des plans d’armée
européenne, en manifestant la crainte que l’Allemagne ne réussisse à dominer
rapidement cette armée communautaire.
Une transformation de la
mentalité allemande était inévitable à partir du moment où les Alliés prenaient
eux-mêmes l’initiative de lui demander de reconstituer des forces militaires.
Mais elle est plus directement encore la conséquence de la hâte avec laquelle
on a voulu obtenir de la République Fédérale cette contribution à la défense qu’en
raison des réactions défavorables de son opinion, elle n’était pas sûre
elle-même de pouvoir fournir, et de la position de demandeur dans laquelle les
Alliés se sont ainsi placés. Cette évolution est d’ailleurs moins sensible dans
les masses de la Nation que dans les classes dirigeantes qui font ici l’opinion :
c’est essentiellement dans les prises de position des partis et les articles
des grands journaux et non dans les propos de l’homme de la rue, que s’affirment
les revendications allemandes.
La contre-offensive soviétique
que commencent à déclencher les Américains (mes télégrammes n°1356 et 1436)
veille chez les Allemands l’espoir que la défaite de 1945 n’a été qu’un épisode
dans un plus long conflit, qu’aucun traité ne le sanctionnera et que le règlement
européen prendra pour base non pas la situation de 1945 mais qui résultera de
cette contre-offensive. Dès maintenant leurs diplomates, recrutés le plus
souvent dans les milieux de la Wilhelmstrasse qui ont servi le régime
hitlérien, et leurs experts militaires manœuvrent pour qu’au moment de ce règlement
l’Allemagne se trouve dans la position la plus favorable et tire le maximum d’une
paix où, pour la première fois, depuis 40 ans, elle prendra place aux côtés des
vainqueurs. Ils pensent que des mérites qu’elle se sera acquis dépendra, dans
une large mesure, la solution de la question autrichienne et celle des
problèmes territoriaux en Europe Centrale et Orientale. Avec l’absence de
mesure qui la caractérise, l’Allemagne, si elle acquiert la conviction que la
plus grande force est de ce côté et se montrera même plus américaine que les
Etats-Unis.
La République Fédérale n’hésite
plus à formuler avec insistance ses revendications. Celles-ci se concentrent
actuellement autour de la thèse de l’égalité des droits. Nous aurions sans doute
avantage à dissiper tout malentendu sur la portée à donner à ces mots. L’Allemagne
a tendance à revendiquer l’égalité des droits dans toute entreprise à laquelle
nous acceptons de l’associer et il n’est pas exclu qu’elle ne la réclame, d’une
manière embarrassante pour nous, dans l’espace africain, le jour qu’elle serait
invitée à participer à son exploitation.
A la vérité, l ‘égalité des
droits que nous sommes prêts à accorder à l’Allemagne présente un double
aspect. C’est d’abord la reconnaissance d’un traitement de plein partenaire
dans les organismes nouvellement créés et où l’Allemagne ne saurait être
discriminée tant qu’elle n’a pas failli aux règles de la Communauté.
Quant à l’égalité des droits
dans le domaine militaire, l’Allemagne est en droit de la revendiquer dans le
cadre de cette organisation nouvelle que va être l’armée européenne, soit sous
la forme définie à l’origine au Petersberg par ses experts militaires, c’est-à-dire l’assurance
réclamée par la population de la République Fédérale que ses contingents se
verront accorder des chances égales et des armes égales pour lutter aux côtés
des Alliés. Cette double définition est plus limitée que la conception avancée
de plus en plus par les Allemands d’une égalité des droits, qui devient pour
eux la garantie de la disparition de toute hypothèque et de toute conséquence
du passé et le fondement de revendications de toutes sortes pour l’avenir. Elle
permet le maintien, en dehors de la Convention sur l’Armée européenne, de certaines garanties au profit des pays qui
ont eu à souffrir de l’agression allemande.
Une autre revendication
allemande commence à se faire jour, qui risque de s’accentuer dans les semaines
à venir ; c’est celle qui vise le rétablissement de ses frontières de
1937. J’ai signalé (mon télégramme n°1359) qu’en dépit de la position unanime
prise par les trois Hauts Commissaires, l’Office des Affaires Etrangères et
M.HALLSTEIN […] lui-même tendaient à maintenir la thèse suivant laquelle ces
frontières auraient été rendues à l’Allemagne par les accords de Potsdam. La
même affirmation est reprise par la Frankfurter
Rundschau de ce matin. Il serait souhaitable que par une déclaration
officielle, les Alliés rappellent leur position sur ce point avant que ne se
répande une doctrine qu’il sera plus tard beaucoup plus difficile de déraciner.
Adoptant les thèses
américaines, les collaborateurs du Chancelier [Adenauer] considèrent en général
que le jour où l’Amérique sera en mesure de mettre en ligne une force
supérieure, l’URSS se prêtera à un règlement dans lequel elle abandonnera les
territoires d’Europe Centrale et Orientale qu’elle domine actuellement. De
toute manière, nous aurons intérêt, en présence de revendications territoriales
allemandes, à souligner que l’Alliance Atlantique et Européenne actuellement en
cours de réalisation a un caractère essentiellement défensif et que le règlement
final à intervenir ne peut être le résultat d’une reconquête, ni d’une solution
brutale. On ne pourrait, en outre, admettre qu’un retour aux frontières du
passé pose de nouveau les mêmes problèmes et néglige les changements
fondamentaux, de nature en particulier démocratique, qui, depuis 1940, sont
intervenus dans l’Est de l’Europe. »1
Armand Bérard (1904-1989) archéologue de formation entré aux affaires étrangères
en 1931. Il sera à deux reprises en poste en Allemagne dans les années 30 et de
1949 à 1955 ; il sera, ensuite et notamment, ambassadeur au Japon et en Italie.
Son père Victor Bérard (1864-1931) longtemps président de la commission
des affaires étrangères du Sénat, helléniste réputé, auteur de nombreux
ouvrages sur l’Asie et d’une traduction remarquée de l’Odyssée.
Note :
1- in Lacroix-Riz (Annie) : Aux origines du carcan européen (1900-1960), La France sous influence
allemande et américaine, coll. Le temps des cerises, Paris, Editions Delga,
pp.153-156
Jean Vinatier
Seriatim 2017
lundi 11 septembre 2017
« Vidéo. Géopolitique du spatial, de la Guerre froide au « New Space » : quoi de neuf ? par Herbert, Pasco, Verluise » N°4310 11e année
« Voici 60 ans, le 4 octobre
1957, débute l’ère spatiale, avec le lancement par l’URSS du premier engin
placé en orbite autour de la Terre, Spoutnik 1. Avec beaucoup de pédagogie et
de passion, Xavier Pasco démontre que l’espace est un enfant de la Seconde
Guerre mondiale, de la Guerre froide et de la dissuasion nucléaire. Il présente
aussi les évolutions depuis la fin de la Guerre froide (1991) et après les
attentats de 2001 autour de la surveillance de nouvelles menaces. Il révèle
pourquoi et comment l’espace est en train de se territorialiser. Ce qui n’est
pas nécessairement une bonne nouvelle.
Questions
. Quelles sont les
idées fausses sur le spatial ?
. Quelle est la véritable histoire du premier pas de l’homme sur la Lune (1969) ?
. Qu’est-ce qui a changé dans le spatial depuis la fin de la Guerre froide (1991) ?
. Aujourd’hui, quelles sont les nouvelles tendances et les nouveaux risques ? »
. Quelle est la véritable histoire du premier pas de l’homme sur la Lune (1969) ?
. Qu’est-ce qui a changé dans le spatial depuis la fin de la Guerre froide (1991) ?
. Aujourd’hui, quelles sont les nouvelles tendances et les nouveaux risques ? »
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2017
Libellés :
ère spatiale,
espace,
Etats-Unis,
géopoltique,
guerre,
Russie
vendredi 8 septembre 2017
« Récit national et histoire mondiale. Comment écrire l’histoire de France au XXIe siècle ? par Boucheron/Delalande » N°4308 11e année
J’ai lu l’Histoire mondiale de la France sans le moins du monde l’apprécier ;
cependant, il n’est inintéressant de lire les propos de ces deux historiens
chantres
« Peut-on encore écrire
une histoire nationale à l’heure de la mondialisation ? À l’évidence oui,
et c’est sans doute devenu une urgente obligation politique. Mais la manière de
raconter cette histoire ne peut plus être identique à ce que nous faisions
auparavant. Les historiennes et les historiens ne sont pas là pour reproduire
les récits du passé, comme si aucune recherche ni réflexion méthodologique
n’avait eu lieu depuis un siècle. Leur métier est d’écrire l’histoire, donc de
la réécrire, et non de la réciter. L’Histoire mondiale de la France
(dirigée par Patrick Boucheron et coordonnée par Florian Mazel, Yann Potin,
Pierre Singaravélou et Nicolas Delalande) qui vient d’être publiée aux éditions
du Seuil et réunit 122 auteurs est une première tentative de réponse
— dans le contexte français — à cette interrogation. Une façon pour
ce collectif d’historiennes et d’historiens de se ressaisir de ce débat à
travers la recherche d’une mise en récit plurivoque, diverse et dépaysante, de
l’histoire de France. Car si le genre « Histoire de France » a pu être
investi récemment par quelques publicistes sans scrupule, c’est aussi parce
qu’il avait été relativement délaissé par l’histoire savante, ou à tout le
moins délégitimé comme enjeu épistémologique de l’écriture de l’histoire [1].
Ce geste éditorial est à la fois un mode d’intervention des historiens dans
l’espace public, une modeste contribution aux débats sur l’écriture de
l’histoire mondiale ou transnationale des nations, et une tentative
d’illustration de l’apport de l’histoire à la vie intellectuelle. Il s’agit
donc à la fois de faire œuvre publique, scientifique, et de réfléchir aux liens
entre les historiens et leur public. En ce sens, elle est une défense et
illustration d’une histoire considérée comme discours engagé et savant. La
forme collective même du livre, rassemblant différents textes de spécialistes
organisés par dates, peut être considérée à la fois comme un gage de
scientificité (parce qu’il est savant, ce discours se doit d’être porté par des
historiennes et des historiens légitimes dans l’administration de la preuve) et
d’accessibilité (parce qu’il est engagé, ce discours défend l’intelligence
collective comme valeur).
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2017
jeudi 7 septembre 2017
« Être citoyen du monde : horizon ou abîme du politique ? par Michaël Foessel » N°4307 11e année
« Le monde
n’est plus une idée vague et indéterminée : c’est aujourd’hui une réalité,
tant nos vies sont désormais globalisées. Le cosmopolitisme dans ces conditions
a-t-il un avenir ? M. Fœssel, en montrant l’origine et la
signification de cette utopie, souligne ses transformations et réaffirme sa
pertinence politique. »
« Une utopie peut-elle survivre à la réalisation de l’une de ses
variantes ? À une époque où le franchissement (effectif ou virtuel) des
frontières est devenu une expérience quotidienne, cette question s’adresse tout
particulièrement au cosmopolitisme. Certes, entre les phénomènes liés à la
mondialisation et l’idéal cosmopolitique, il semble y avoir plus qu’une nuance.
L’opposition entre une globalisation de nature surtout économique et une
régulation politique à la mesure du monde est d’ailleurs devenue un leitmotiv
du discours cosmopolitique contemporain. Mais même dans ce cas, c’est de la
physionomie du présent que l’on déduit la nécessité de l’idéal : puisque
les capitaux, mais aussi les risques, ignorent désormais complètement les
frontières, le cosmopolitisme serait, pour la première fois dans l’histoire,
devenu un idéal réaliste.
Si, comme l’affirme Ulrich Beck, « la réalité est elle-même devenue
cosmopolitique » [1], que
reste-t-il d’une utopie qui, historiquement, s’est nourrie de son caractère
subversif à l’égard des ordres établis ? Les processus contemporains de
« cosmopolitisation » se situent d’abord au niveau des expériences
individuelles. D’une manière générale, ils provoquent un élargissement du champ
de la perception : les moyens modernes d’information confèrent une
dimension mondiale aux événements, la démocratisation des transports et des
réseaux virtuels abolit les distances, les évolutions migratoires tendent à
constituer partout des sociétés multiculturelles. La figure du
« cosmopolite », aussi souvent idéalisée que combattue, a cessé
d’être élitiste à l’heure du tourisme de masse. La domination mondiale de la
langue anglaise donne du crédit à l’idée d’une traductibilité universelle des
idiomes.
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2017
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migration,
Philosophie,
sociologie
«Le soufisme, de l’amour mystique au djihad défensif par Julie Descarpentrie » N°4306 11e année
« A l'heure
de la menace djihadiste et de l'instrumentalisation de l'islam par les
fondamentalistes, nombre de responsables politiques tels que Mohammed VI,
A. Bouteflika ou le Premier ministre indien Narendra Modi, tentent de
promouvoir le soufisme afin de présenter une alternative au salafo-wahhabisme
qui, depuis la création de la Ligue islamique mondiale, ne cesse de faire des
adeptes dans le monde. Ainsi, alors que les salafistes contemporains appellent
au meurtre des mécréants (kuffar) et se réclament d'Ibn Tammiyya, d'Abd
el-Wahhab ou de Sayyid Qutb, les soufis quant à eux, constituent une minorité
discrète qui tend à véhiculer des valeurs de paix et d'amour à travers les
écrits d'auteurs tels qu'Ibn Arabi. Considéré comme l'un des principaux
fondateurs de l'ésotérisme islamique, ce gnostique arabo-andalous du XIIe
siècle est l'auteur de nombreux poèmes qui prônent l'amour de Dieu et de l'humanité
toute entière. C'est ainsi que, considérant que les êtres humains sont des âmes
divines et que chaque religion constitue l'une des facettes de l'Unicité
divine, les soufis en appellent à la tolérance religieuse, si l'on en juge par
les vers suivants : « Je professe la religion de l'Amour, et
quelque direction Que prenne sa monture, l'Amour est ma religion et ma
foi. »[2] « Que ton âme soit la substance de
toutes les croyances, car Dieu est trop vaste et trop immense pour être enfermé
dans un credo à l'exclusion des autres. » [3]
Malheureusement, l'appel des dirigeants à favoriser
cette branche de l'islam est loin de faire l'unanimité et les soufis
constituent l'une des cibles privilégiées des sunnites orthodoxes et des
djihadistes takfiristes car, bien que sunnites, leurs pratiques hétérodoxes de
l'islam sont accusées d'être des innovations (bid'ah). A ce titre, on
constate qu'ils pratiquent un islam qui, par certains égards, s'apparente au
ritualisme hindou car le soufisme ne se cantonne pas à la lecture des textes
fondateurs ; il se pratique auprès d'un maître dont les enseignements
visent à faire ressentir l'amour du Prophète et à se fondre en Lui ; dans
l'Un.[4]
Ainsi la vie du pratiquant se distingue-t-elle de la simple observance des cinq
piliers de l'islam. Outre l'aspect ésotérique et transcendantal, le dévot
respecte également le culte des saints, a recours à des chants et danses quasi
extatiques, effectue des pèlerinages sur la tombe de saints soufis et voue un
amour certain à son maître qui a le titre de cheikh. Ce dernier étant
considéré comme un intercesseur entre le Prophète et ses disciples, il est
cependant voué aux gémonies par les sunnites orthodoxes et notamment par les
wahhabites qui voient en lui - mais aussi dans les Imams chiites - un
usurpateur et un associateur (shirk).[5]
La suite
ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2017
Libellés :
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islam,
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