« A l'heure
de la menace djihadiste et de l'instrumentalisation de l'islam par les
fondamentalistes, nombre de responsables politiques tels que Mohammed VI,
A. Bouteflika ou le Premier ministre indien Narendra Modi, tentent de
promouvoir le soufisme afin de présenter une alternative au salafo-wahhabisme
qui, depuis la création de la Ligue islamique mondiale, ne cesse de faire des
adeptes dans le monde. Ainsi, alors que les salafistes contemporains appellent
au meurtre des mécréants (kuffar) et se réclament d'Ibn Tammiyya, d'Abd
el-Wahhab ou de Sayyid Qutb, les soufis quant à eux, constituent une minorité
discrète qui tend à véhiculer des valeurs de paix et d'amour à travers les
écrits d'auteurs tels qu'Ibn Arabi. Considéré comme l'un des principaux
fondateurs de l'ésotérisme islamique, ce gnostique arabo-andalous du XIIe
siècle est l'auteur de nombreux poèmes qui prônent l'amour de Dieu et de l'humanité
toute entière. C'est ainsi que, considérant que les êtres humains sont des âmes
divines et que chaque religion constitue l'une des facettes de l'Unicité
divine, les soufis en appellent à la tolérance religieuse, si l'on en juge par
les vers suivants : « Je professe la religion de l'Amour, et
quelque direction Que prenne sa monture, l'Amour est ma religion et ma
foi. »[2] « Que ton âme soit la substance de
toutes les croyances, car Dieu est trop vaste et trop immense pour être enfermé
dans un credo à l'exclusion des autres. » [3]
Malheureusement, l'appel des dirigeants à favoriser
cette branche de l'islam est loin de faire l'unanimité et les soufis
constituent l'une des cibles privilégiées des sunnites orthodoxes et des
djihadistes takfiristes car, bien que sunnites, leurs pratiques hétérodoxes de
l'islam sont accusées d'être des innovations (bid'ah). A ce titre, on
constate qu'ils pratiquent un islam qui, par certains égards, s'apparente au
ritualisme hindou car le soufisme ne se cantonne pas à la lecture des textes
fondateurs ; il se pratique auprès d'un maître dont les enseignements
visent à faire ressentir l'amour du Prophète et à se fondre en Lui ; dans
l'Un.[4]
Ainsi la vie du pratiquant se distingue-t-elle de la simple observance des cinq
piliers de l'islam. Outre l'aspect ésotérique et transcendantal, le dévot
respecte également le culte des saints, a recours à des chants et danses quasi
extatiques, effectue des pèlerinages sur la tombe de saints soufis et voue un
amour certain à son maître qui a le titre de cheikh. Ce dernier étant
considéré comme un intercesseur entre le Prophète et ses disciples, il est
cependant voué aux gémonies par les sunnites orthodoxes et notamment par les
wahhabites qui voient en lui - mais aussi dans les Imams chiites - un
usurpateur et un associateur (shirk).[5]
La suite
ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2017
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