J’ai lu l’Histoire mondiale de la France sans le moins du monde l’apprécier ;
cependant, il n’est inintéressant de lire les propos de ces deux historiens
chantres
« Peut-on encore écrire
une histoire nationale à l’heure de la mondialisation ? À l’évidence oui,
et c’est sans doute devenu une urgente obligation politique. Mais la manière de
raconter cette histoire ne peut plus être identique à ce que nous faisions
auparavant. Les historiennes et les historiens ne sont pas là pour reproduire
les récits du passé, comme si aucune recherche ni réflexion méthodologique
n’avait eu lieu depuis un siècle. Leur métier est d’écrire l’histoire, donc de
la réécrire, et non de la réciter. L’Histoire mondiale de la France
(dirigée par Patrick Boucheron et coordonnée par Florian Mazel, Yann Potin,
Pierre Singaravélou et Nicolas Delalande) qui vient d’être publiée aux éditions
du Seuil et réunit 122 auteurs est une première tentative de réponse
— dans le contexte français — à cette interrogation. Une façon pour
ce collectif d’historiennes et d’historiens de se ressaisir de ce débat à
travers la recherche d’une mise en récit plurivoque, diverse et dépaysante, de
l’histoire de France. Car si le genre « Histoire de France » a pu être
investi récemment par quelques publicistes sans scrupule, c’est aussi parce
qu’il avait été relativement délaissé par l’histoire savante, ou à tout le
moins délégitimé comme enjeu épistémologique de l’écriture de l’histoire [1].
Ce geste éditorial est à la fois un mode d’intervention des historiens dans
l’espace public, une modeste contribution aux débats sur l’écriture de
l’histoire mondiale ou transnationale des nations, et une tentative
d’illustration de l’apport de l’histoire à la vie intellectuelle. Il s’agit
donc à la fois de faire œuvre publique, scientifique, et de réfléchir aux liens
entre les historiens et leur public. En ce sens, elle est une défense et
illustration d’une histoire considérée comme discours engagé et savant. La
forme collective même du livre, rassemblant différents textes de spécialistes
organisés par dates, peut être considérée à la fois comme un gage de
scientificité (parce qu’il est savant, ce discours se doit d’être porté par des
historiennes et des historiens légitimes dans l’administration de la preuve) et
d’accessibilité (parce qu’il est engagé, ce discours défend l’intelligence
collective comme valeur).
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2017
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