Les événements catalans sur lesquels planent un mélange de crainte et
d’incertitude ne peuvent être séparés des autres mouvements sur le territoire
de l’Union européenne : ainsi, les élections en Autriche et en
Tchéquie qui devraient amener des gouvernements de coalition droite/droite
extrême, les deux referenda pour davantage d’autonomie en Vénétie et Lombardie
plébiscités en attendant les élections législatives de janvier 2018 où le parti
« Cinq étoiles » pourrait être le gouvernement ou bien un membre
incontournable, la position fragilisée de la chancelière Merkel, non pas tant
par la coalition qu’elle s’occupe à établir mais par le retour fracassant de la
droite extrême au Bundestag (92 députés), le discours, enfin, du successeur de
François Hollande sur l’Europe en Sorbonne qui posait de futures grandes lignes
très politiques sur l’avenir de l’Union. Même si l’on y verra plus un exercice
de communication que d’une pensée fondamentale, il n’empêche que l’importance donnée
par le Chef de l’Etat heurte aussi la porte bruxelloise.
Où que l’on se tourne l’eau ne cesse pas de monter au sein de l’Union
européenne. Les opinions publiques tourmentées par les vagues migratoires successives
et peu rassurées par les propos lénifiants de leurs dirigeants exigent plus d’identité
et de frontière. A Bruxelles, deux camps se concurrencent, l’un voudrait
promouvoir une Europe des régions dominée par une sorte « d’Etat »,
le second se projetant dans une Union strictement plateforme économique, financière,
humaine sans distinction de provenance, et se retrouvent sur un point, l’allégeance
à l’empire du Potomac. Cependant depuis l’autre côté de l’Atlantique, le regard
porté en direction de l’Europe est essentiellement double, le premier s’attachant
à faire de notre continent leur base logistique, le second ne voulant pas d’une
Europe même bruxelloise qui pourrait tout de même entamer leurs parts de
marché.
Psychologiquement les dirigeants européens sont incapables de raisonner
en dehors d’une sujétion, aujourd’hui essentiellement américaine : cela
fait quasiment cent ans que Washington inonde, notamment, l’Europe, et recrute
génération après génération des « élites » (politiques, mercantiles,
artistiques, scientifiques, universitaires…etc.), font même du prosélytisme jusque
dans nos villes et surtout leurs périphéries. Mentalement les « élites »
françaises sont aujourd’hui dans l’incapacité de penser par elles-mêmes, elles
croient l’anglo-américain parole d’Evangile et ont un mépris sans cesse
croissant pour leur propre langue. Ainsi un Emmanuel Macron apologue de la
francophonie alors qu’il venait d’en supprimer le ministère : faire croire
quand on défait et déconstruit !
Si aujourd’hui tous les dirigeants européens apportent un soutien à
Rajoy, qu’ont-ils fait pour prévenir les circonstances ? Rien. Que disait
Bruxelles au moment du référendum écossais ? L’enthousiasme était presque
public. Qu’a fait Bruxelles au moment où la province du Kosovo était retirée par
la force et les bombardements à la Serbie ? Des applaudissements ! Qu’est
aujourd’hui le Kosovo ? Un état fantoche dont le dirigeant est choisi par
l’ambassadeur américain et abrite une immense base militaire étrangère. L’ancien
ministre des finances de Grèce, Yaroufakis, relate dans « Conversations
entre adultes » la férocité et la vulgarité des réunions avec la Troïka
lors de la faillite d’Athènes. Il y a depuis Bruxelles une violence inouïe
qu’un Junker rapportait en indiquant qu’aucun vote démocratique ne pouvait
ni ne pourrait contrevenir à « l’ordre
européen ». Une violence pour quoi et pour qui ? L’Union européenne n’est
ni souveraine, ni politique, ni indépendante, elle est un club avec un drapeau auxquels
les dirigeants des 27 Etats lui délèguent des pans entiers d’autorité :
pour quel résultat ?
L’Union européenne a permis le discours indépendantiste catalan ce qui
n’exempte pas de responsabilité le gouvernement Rajoy. Bruxelles laissant apparemment
à Madrid toute latitude pour reprendre la main; en cas d’échec, devra-t-on envoyer
une armée secourir non pas Ferdinand VII mais Philippe VI pour rétablir un
ordre européen ? En 1820, l’Europe issue du Congrès de Vienne avait
redéfini la légitimité politique, de quelle légitimité bruxelloise s’agira-t-il
en 2017 ? Une chose est sûre le fort de Trocadéro est en Espagne mais pas en
Catalogne…
Jean Vinatier
Seriatim 2017
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