« LE PROJET chinois des
« Routes de la soie », qui plonge profondément dans l’histoire, a été
officiellement lancé en 2013 par le président Xi Jinping. Il s’agit de
développer des lignes de communication routières, ferroviaires et maritimes
pour relier la Chine à l’Europe et à l’Afrique orientale. Sur le plan
terrestre, l’Asie centrale et le Caucase du Sud ex-soviétique ainsi que
l’Europe orientale, mais aussi l’Iran et la Turquie, sont directement concernés
par cette véritable geste géopolitique chinoise. Sur le plan maritime, la Corne
de l’Afrique et l’Afrique orientale constituent également un objectif
d’importance. On voit donc qu’il s’agit d’un projet global, dont la réalisation
demandera des décennies et qui s’appuie à ce stade sur la construction
d’ambitieuses infrastructures, dont les Chinois sont des champions sur le plan
technique.
Cette volonté de
« desserrement » occidental de la Chine s’inscrit dans une vision clairement
géopolitique. Pour reprendre une définition sommaire de l’approche
géopolitique, nous sommes bien en présence d’une politique de puissance dans un
cadre géographique déterminé, d’autant plus que la terre et la mer seront
utilisées d’une façon conjointe et complémentaire. Les multiples déclarations
du président chinois ne laissent aucun doute sur l’ampleur du projet et sur la
détermination des autorités, d’autant plus qu’à la fin de son second (et
dernier ?) mandat en 2022, le président Xi n’exclut pas de veiller à la
poursuite de ce projet.
Mais, les routes de la soie
soulèvent quantité de questions, par-delà l’établissement actuel d’avant-postes
terrestres et maritimes, sortes de comptoirs. D’abord, pourquoi étudier ce
projet à différentes échelles (locale, nationale, régionale,
internationale) ? Comment de considérables barrières naturelles
seront-elles contournées (déserts, haute montagne, Caspienne…) ? Le
raccordement de toutes ces sections routières et de ces corridors est-il politiquement
réalisable, notamment dans un Proche-Orient et un Moyen-Orient en grande partie
effondrés ? L’ancienneté, l’isolement et le caractère souvent clanique des
sociétés traversées ne freineront-ils pas les élans ? Les logiques
impériales d’hier (perse, ottomane, tsariste, soviétique…) peuvent-elles être
oubliées ? Bref, comment insérer cette volonté
d’expansion dans le temps long, passé et futur ?
Perspective d’autant plus essentielle que cet espace intermédiaire de l’Asie
centrale a été pour ainsi dire oublié du XIIIe au XIXe siècle.
En un mot, quels poids
accorder à l’histoire ? Quel état des lieux ? Quels obstacles
majeurs ? Considérons successivement le fond de tableau historique (I), la
geste chinoise (II), les difficultés et les obstacles (III).
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2018
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