Pour La Vie des idées, Emilie Frenkiel s’entretient
avec Juliette Genevaz, chercheuse à l’IRSEM
« Lors du XIXe congrès du Parti
communiste chinois en octobre 2017, Xi Jiping a révélé une vision ambitieuse et
idéologique de l’avenir de la Chine. Juliette Genevaz revient ici sur la
particularité de ce modèle politique et sur les objectifs de développement
économique et de politique étrangère.
La Vie des idées : Quel bilan faites-vous du premier mandat de Xi
Jinping ?
Juliette
Genevaz : Xi Jinping marque un retour à
l’idéologie. Lors du XIXe congrès du Parti communiste chinois (PCC),
il a fait inscrire sa pensée dans la Constitution de la Chine. Il ne s’agit pas
là de rhétorique : Xi a une vision politique pour les 30 ans à venir. Dans
la tradition maoïste, la vision de Xi s’articule autour d’une contradiction,
celle qui oppose l’aspiration des riches à une vie meilleure à celle des pauvres
à gagner plus d’argent. Les moins fortunés ne peuvent pas suivre le même chemin
que ceux qui forment aujourd’hui la classe moyenne parce que la croissance
économique qui a permis la formation de cette nouvelle classe a également
engendré les maux qui l’affligent : taux très élevé de pollution et
privatisation forcenée de l’éducation et de la sécurité sociale. Sous Xi
Jinping, le Parti communiste chinois (PCC) a pris acte des graves conséquences
de 30 ans de croissance économique tous azimuts. Pour pallier les problèmes qui
se posent à la société chinoise (inégalité, allongement de la durée de vie,
faible natalité, niveaux dangereux de pollution), le gouvernement de Xi Jinping
propose de changer de politique industrielle pour mettre l’accent sur
l’innovation et les secteurs économiques de pointe. L’étendue de la censure,
inédite depuis l’ère de Mao Zedong, témoigne de la fragilité politique du
régime en cette période de transition. En ce sens la place centrale de
l’idéologie en Chine contemporaine reste bien à double tranchant : d’une
part il s’agit de proposer un nouveau contrat social à la Chine et d’autre part
ce nouveau discours sert de justification à l’étouffement de toute opposition.
Au XIXe
congrès du Parti communiste en octobre 2017, Xi Jinping a proposé aux pays en
développement de considérer la Chine comme un modèle alternatif au système
démocratique. La prétention internationale de la Chine à servir de modèle de
développement s’appuie sur son engagement dans l’aide au développement depuis
les années 2000. Or, le PCC a toujours insisté sur l’absence de conditions
politiques liées à cette aide, ce qui constitue une différence majeure par
rapport aux programmes de développement de la Banque mondiale.
Au delà du
taux de croissance économique, l’élément essentiel du modèle chinois,
c’est-à-dire de ce que Xi Jinping appelle la force du régime, est la stabilité
politique et sociale du pays. La campagne anti-corruption a permis à Xi de
donner un nouveau souffle à l’État policier qu’est devenue la République Populaire
de Chine (RPC). Il s’est agi non seulement de purger les cadres du Parti qui
avaient abusé de leur pouvoir, mais aussi de réformer les institutions qui leur
avaient permis d’accumuler du pouvoir. L’une des premières victimes des purges
fut Zhou Yongkang, qui avait passé 5 ans à la tête du Comité des Affaires
politiques et législatives du Comité central du PCC (Political and Legal
Affairs Committee, PLAC) entre 2007 et 2012, responsable de la stabilité
politique du pays. L’obligation de résultat donnée aux PLAC provinciaux avait
mené à une collusion de la PLAC avec la police locale. Avec Meng Jianzhu
désormais à la tête de la PLAC, Xi Jinping veut faire deux choses :
d’abord, replacer la PLAC sous l’égide directe de la Commission à la Sécurité
Nationale, que Xi préside ; ensuite, redonner une certaine autonomie aux
cours de justice. Ces deux objectifs sont ainsi hiérarchisés pour centraliser
le contrôle social.
La
centralisation du pouvoir sous Xi Jinping a pour but de rendre plus efficace la
mise en œuvre des politiques de développement économique, de soutien à
l’innovation et de réforme de l’agriculture. Au XIXe congrès, Xi a
échelonné un programme au-delà de sa mandature :
2020-2035 : développement
fondamental
2035-2050 : entrée de la Chine dans l’industrie des services.
2035-2050 : entrée de la Chine dans l’industrie des services.
L’absence de
successeur désigné laisse d’autant plus la main à Xi qu’il a mis ses fidèles à
la tête de 7 provinces majeures (Guangdong, Fujian, Hebei, Liaoning, Shanghai,
Jiangsu et le Shaanxi). La création du comité national de supervision au
lendemain du XIXe congrès indique la volonté de Xi de poursuivre la
lutte anti-corruption.
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2018
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