L’assassinat de Jamal
Khashoggi dans l’enceinte du consulat saoudien en Turquie, par sa soudaineté et
sa violence, est typique de l’issue d’une intrigue dans le sérail. Jamal
Khashoggi est né dans une famille dite ottomane, attaché à la personne du
souverain saoudien, son père étant son médecin personnel, neveu du célèbre
milliardaire éponyme des années 70/80 et cousin de Dodi El Fayed, feu compagnon
de la princesse de Galles. La prospérité de la famille Khashoggi, directement
liée à son rang dans le sérail ne tient que par son allégeance que l’actuel
prince héritier, MBS, a jugé rompu et brisé à la lecture des articles écrits et
publiés par Jamal Khashoggi dans le Washington Post. Ce dernier devant se marier
et croyant jouir d’une protection presque princière s’est rendu dans ce
consulat sans songer un seul instant qu’il y périrait atrocement.
Ce fait intervenu, il faut
s’interroger sur le pourquoi d’une onde mondiale. Quand la Chine décide de l’arrestation
et de la mise au secret du directeur d’Interpol personne ne moufte, pas même une
ONG. Pourquoi d’un coup d’un seul l’assassinat de Jamal Khashoggi le hisse-t-il
au rang d’Albert Londres ? Jusqu’à présent aucun écrit n’a été publié dans
ce sens. Jamal Khashoggi travaillait au Washington Post, pro-démocrate entre
les mains de la famille Graham. Sachant l’importance des liens très renforcés
par le Président Trump avec le nouvel homme fort de Ryad, MBS, le Washington
Post aurait encouragé la publication d’articles très critiques sur la dérive du
gouvernement saoudien afin d’embarrasser le successeur d’Obama mais sans penser
que l’ire saoudienne aboutirait à l’assassinat de son journaliste. Cette
élimination intervenue, l’occasion aurait été jugée excellente d’en optimiser
la publicité, nombre de médias étant hostiles à Trump. Rampe de lancement
publicitaire alimentée par le Président Erdogan qui déteste l’Arabie Saoudite
et soutient le Qatar et relevant l’origine ottomane de la famille Khashoggi le considère
comme Turc. On aurait donc assisté à la conjonction de trois éléments, le
premier, le terme d’une colère au sein sérail saoudien, le second d’un journal
démocrate voulant empêtrer Trump avec l’Arabie Saoudite à la veille des
mid-terms, le troisième l’occasion saisie au vol par le président turc ravi de
montrer aux Américains qu’il était infiniment plus présentable que les
Saoudiens exécrés, escomptant un adoucissement de la politique de Washington à
son égard et la confirmation de son rang dans cet Orient où la Syrie est
centrale via Idlib.
Si le destin de Jamal
Khashoggi est scellé, celui de MBS est en suspens. Au Capitole, à la veille des
élections cruciales pour Donald Trump, démocrates mais aussi quelques républicains
découvrent l’horreur de la guerre au Yémen voulue par l’actuel homme fort de
Ryad et s’effraient de la famine annoncée. Voilà des années que cette guerre
atroce se déroule dans une indifférence générale, Bachar Al-Assad et Vladimir
Poutine étant les seuls à soulever les ires des bienpensants. Si on y voit trop
de postures, il faut regarder que le possible affaiblissement de l’Arabie
Saoudite ou même son effondrement bouleverserait une fois encore l’Orient, une éventualité
qui ne remet pas en cause par l’Espagne et la France la poursuite des ventes
militaires à ce royaume. C’est peu dire que tout le monde escompte un retour à
l’ordre sauf, sans doute l’Iran vis-à-vis des Arabes chiites du royaume et le
Qatar et ses alliés péninsulaires (Oman, EAU) qui pourraient empêcher par leur
ligue une guerre d’Ormuz.
Comme on le voit une simple
décision d’éliminer un membre du sérail jugé traitre à son allégeance réveillerait
pour des raisons différentes, des rivalités profondes parmi les milliers de
princes de la maison de Séoud, des calculs, politiciens aux Etats-Unis,
régionaux pour la Turquie et l’Iran, locaux pour des Etats de la péninsule
arabique avec par-dessus des contrats militaires et le poids de l’actionnariat
saoudien dans des multinationales. On s’aperçoit, enfin et surtout, que l’équilibre
ou ordre géopolitique est on ne peut
plus de porcelaine.
Jean Vinatier
Seriatim 2018
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