« On prend
les mêmes – les grands bourgeois diplômés et le peuple des sans-grades - et on
recommence, sauf que le système est chaque fois plus isolé dans chaque pays et
son opposition, nourrie par la disparition de la classe moyenne et la
putréfaction de l’argumentaire en face, renforcée.
On va citer le grand sociologue sans trop le
commenter ; lui-même s’était mis la portée d’un auditoire moins cultivé
que les élites qui l’exterminent et le remplacent, mais certainement plus
sensible au sujet du jour : la rébellion contre la barbarie branchée et
nihiliste des élites mondialisées, comme disait l’autre.
Le 12 décembre 1995, Pierre Bourdieu s’adressait aux
cheminots grévistes, à la gare de Lyon. Il soutenait les grévistes et
apportait, à sa façon, des éléments d’éclairage. Il reste aujourd’hui tout
aussi éclairant.
« Je suis ici pour dire notre soutien à tous ceux
qui luttent, depuis trois semaines, contre la destruction d’une civilisation,
associée à l’existence du service public, celle de l’égalité républicaine des
droits, droits à l’éducation, à la santé, à la culture, à la recherche, à
l’art, et, par-dessus tout, au travail. Je suis ici pour dire que nous
comprenons ce mouvement profond, c’est-à-dire à la fois le désespoir et les
espoirs qui s’y expriment, et que nous ressentons aussi ; pour dire que nous ne
comprenons pas (ou que nous ne comprenons que trop ) ceux qui ne le comprennent
pas, tel ce philosophe qui, dans le Journal du Dimanche du 10 décembre,
découvre avec stupéfaction “le gouffre entre la compréhension rationnelle du
monde”, incarnée selon lui par Juppé – il le dit en toutes lettres -, “et le
désir profond des gens”.
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2018
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire