La lecture du dernier article de l’avocat Régis de Castelnau « Gilets
jaunes : la Justice est là pour rendre la Justice. Pas pour rétablir l’ordre. » édifie: malheureusement ce n’est pas la première fois que la justice se
comporte de cette façon : après la Commune (mai-juin 1871), sous Vichy,
par exemple.
« Que se passe-t-il dans la
magistrature française ?
Dans le silence obstiné des organisations syndicales, un pouvoir aux abois
a instrumentalisé une répression judiciaire sans précédent pour tenter de mater
un mouvement social. Il y a bien évidemment la stratégie du ministère de
l’intérieur qui pousse à la violence pour tenter de disqualifier le mouvement.
Mais malheureusement la magistrature accepte ces dérives et joue sa partition
dans ce qui désormais s’apparente à une répression de masse qui entretient des
rapports très lointains avec l’État de droit dont on nous rebat pourtant les
oreilles. Cravachés par Nicole Belloubet en personne (!) se déplaçant au tribunal de
Paris un dimanche, et par les interventions permanentes de la place
Vendôme voire de Matignon y compris des instructions individuelles pourtant
interdites par la loi, les parquets déchaînés basculent avec zèle dans la
répression de masse, font procéder à des arrestations souvent préventives, par
milliers, défèrent également par milliers des gens devant les tribunaux, à
l’aide de procédures d’urgence dans lesquelles par des réquisitoires violents,
il demande des peines folles. Et de façon stupéfiante la magistrature du siège
a accepté de rentrer dans cette logique et distribue en cadence des peines
ahurissantes. Depuis le début du mouvement, plus de 5000 arrestations, 1000
condamnations, 350 personnes incarcérées sur la base d’incriminations parfois farfelues.
Et avec des interprétations de la loi répressive souvent audacieuses pour ne
pas dire plus. Désolé, mais ceci n’est pas de la justice, c’est de l’abattage.
Et manifestement c’est loin d’être fini. Des anecdotes effarantes remontent
de toute la France sur ce qui est en train de se passer. Tel sera condamné à
six mois de prison ferme pour avoir partagé un statut sur Facebook, tel autre à
28 mois tout aussi fermes, sans avoir été défendu par un avocat, au prétexte
selon la présidente du tribunal « que cela n’aurait rien changé ». Il y a des
dizaines et des dizaines d’autres histoires qui font froid dans le dos. La
France prend un drôle de chemin. Dans tel département, le procureur et le
préfet font conférence de presse commune pour menacer : « la justice sera
impitoyable ! » Depuis quand sont-ce les procureurs et les préfets qui jugent ?
Jusqu’à nouvel ordre, dans une démocratie, ils sont responsables du maintien de
l’ordre, pas de rendre la justice. Dans tel autre, il semblerait bien que le
procureur ait organisé une forme de « comité de salut public » chargé de
fournir les charrettes, et on dit que les juges du siège qui vont juger le font
sur la base du volontariat ! Naturellement les pressions se font nombreuses
contre les avocats qui s’élèvent contre ces dérives et font leur devoir. Gare à
la fermeté, l’exigence ou la passion, les plaintes du parquet contre les
défenseurs dégringolent immédiatement. Et naturellement il y a le refus obstiné
de se pencher sur la multiplication des violences policières, sur l’usage
incroyablement excessif de la force. Notamment avec les flashs ball et les
grenades de désencerclement utilisés en violation de règles pourtant claires. Et puis il y a bien sûr la violence directe, arbitraire dont
de multiples vidéos donnent de tristes exemples. Cette impunité, ne
peut qu’être un choix délibéré, et provoque fatalement l’émotion et la rage. Le
procureur de Toulon ayant sous les yeux les vidéos du commandant Didier
Andrieux permettant de voir parfaitement à qui on avait affaire a trouvé le
moyen de se déshonorer en refusant immédiatement toute enquête au motif
que le comportement du commandant frappeur aurait été « proportionné ». On
rappellera que dans le passé ce n’était pas l’avis de ses subordonnés, et que
le préfet plus malin et devant l’évidence a demandé une enquête de l’IGPN.
Dans cette ambiance, et comme les tribunaux les suivent, comment s’étonner
que les ministres les plus déplorables se permettent de proférer des menaces
comme le font tous les jours Christophe Castaner, Benjamin Grivreaux ou
Marlène Schiappa qui viennent d’inventer une nouvelle définition de la
complicité, et exigent des arrestations préventives (!). Comment s’étonner
qu’un premier ministre dont on attendait peut-être un peu plus de tenue annonce
des mesures législatives liberticides qui vont finir par faire envie à Erdogan
? »
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2019
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