Sur quoi repose le pouvoir
algérien depuis que le général Ahmed Gaïb Salah, chef d’Etat-major, a déclaré
nécessaire d’actionner l’article 102 de la Constitution qui traite de
l’incapacité du Chef de l’Etat ?
Pour Bernard Lugan un des
spécialistes de l’Afrique, le régime algérien tente de gagner du temps pour
s’organiser et espérer que la rue se calme.
« 1) Faire constater l’incapacité du président Bouteflika permet de
vider l’abcès en donnant une satisfaction à bon compte à une grande
partie des manifestants, tout en isolant les jusqu’au-boutistes qui veulent un
changement de régime et la fin du système FLN.
2) Cette décision permet de replacer l’armée au centre du pouvoir, mais une
armée qui joue la carte de la légalité et qui apparait comme ressoudée, un
voile ayant été mis sur ses profondes fractures.
3) Cette reconnaissance d’inaptitude ne changera rien au
fonctionnement du pouvoir puisque, quasi inconscient depuis plusieurs années,
ce n’était plus Abdelaziz Bouteflika qui gouvernait.
4) Le parlement, sur proposition du Conseil constitutionnel va
donc, à la majorité des 2/3, constater l’incapacité présidentielle et, comme le
veut la Constitution, l’intérim va être assuré pour 45 jours par Abdelkader
Bensalah, le président du Conseil de la Nation. Puis, si au bout de ces 45
jours, l’incapacité présidentielle est confirmée, la vacance du pouvoir sera
alors constatée et Abdelkader Bensalah aura 90 jours au maximum pour organiser
une élection présidentielle. Donc au total, 45 jours plus 90 jours, un vrai
ballon d’oxygène pour le régime alors-que le couperet du 28 avril devait
marquer la fin de la présidence Bouteflika.
5) Comme Tayeb Belaiz, le président du Conseil constitutionnel, et
Abdelkader Bensalah, le président du Conseil de la Nation, sont deux fidèles du
clan Bouteflika, il est logique de penser qu’ils vont tout faire pour gérer la
période qui s’ouvre au mieux des intérêts de ce dernier puisqu’ils en sont une
composante. Ils vont être aidés en cela par l’appareil du FLN, notamment par
Amar Saadani, ancien secrétaire général du mouvement qui, le
dimanche 24 mars, a allumé la mèche du processus actuel en déclarant
qu’Abdelaziz Bouteflika était le jouet du Premier ministre Ahmed Ouyahia… et
que c’était ce dernier qui non seulement dirigeait l’Algérie, mais encore
écrivait les lettres attribuées au président.
6) Un bouc-émissaire commode est donc trouvé et désigné à la foule, ce qui
devrait permettre de sauver la tête de Saïd Bouteflika, des caciques du FLN,
des oligarques et des généraux qui ont gouverné l’Algérie à leur profit, en
s’appuyant sur l’ « alliance des coffres forts et des baïonnettes ».1
Benjamin Stora sur 28
minutes Arte, sans être aussi précis que Bernard Lugan semble tourner autour de
la même analyse.
Un pays qui n’a jamais
connu d’alternative et quand elle a failli se produire au début des années 90
avec le FIS, ce fut une guerre civile, peut faire craindre à la fois une fuite
en avant et une surenchère de la rue et des opposants au régime et entre clans
dudit régime. Pour la France, tout dérapage de la situation intérieure la
concernerait au premier plan. Notre pays compte plusieurs millions de franco-algériens
sans omettre l’histoire singulière qui nous lie des deux rives de la Méditerranée.
Aujourd’hui, le grand
patron de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah est vu comme un possible futur
maréchal Al-Sissi. Mais l’Egypte et l’Algérie sont-elles des nations sœurs ?
Les pays arabes fonctionnent encore d’une manière – et ce n’est pas péjoratif- un
peu féodale ce qui laisse entendre que les combinaisons pourraient être plus multiples
et surprendre à moins que la population algérienne décide de tout renverser…..
Jean Vinatier
Seriatim 2019
1-Source : L’Afrique
réelle- communiqué : « Le
dernier stratagème du régime algérien peut-il réussir ? »
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