« Conférence organisée à Paris par l’Association des Étudiants et Alumni du MRIAE Paris 1 Panthéon Sorbonne, le Centre géopolitique et le Diploweb.com à la Sorbonne, avec Marc Hecker rédacteur en chef de Politique étrangère (Ifri) Frédéric Ramel, professeur des universités et directeur du département de science politique à Sciences Po Paris, François Gaulme, chercheur associé au Centre Afrique subsaharienne de l’Ifri, et Julien Nocetti, chercheur auprès de l’Ifri.
Résumé par Noé Pennetier pour Diploweb.com.
La question est relativement jeune. Elle apparaît dans les débats théoriques des relations internationales dans les années 1970. Portée par l’enlisement au Vietnam, les crises pétrolières ou l’émergence de l’écologie, elle remet en cause l’État qui n’est plus le seul acteur clé. Parallèlement, la fin d’un monde bipolaire restructure l’espace international dans les années 1990. Depuis le début des années 2000, on assiste à une nouvelle séquence pour cette question d’État dépassé, comme s’il s’agissait d’une revanche. Tout d’abord, sur le plan stratégique, le 11 septembre 2001 illustre la vulnérabilité des États-Unis, symbole jusqu’alors « d’hyperpuissance ». Ceci entraîne le déclenchement de deux guerres inter-étatiques (États-Unis contre l’Afghanistan dès 2001 et contre l’Irak dès 2003), avec une désÉtatisation de la guerre par un phénomène de privatisation des armées. Il y a donc une transformation de l’État stratégique qui interroge : gagner une guerre, est-ce la victoire politique ? De plus, les années 2000 marquent un tournant pour l’économie mondiale. La réaction des États à la crise de 2008 en témoigne. Il y a d’une part les réflexes nationaux habituels des États souverains, et d’autre part la coopération multilatérale, avec la réactivation du G20 par exemple. Enfin, le désir d’État et d’identité nationale forte datant du XIXe siècle, interrompu avec la fin de Seconde Guerre mondiale, réapparaît en 2016 avec le Brexit et l’élection de Donald Trump. Les réactions néo-nationalistes, alimentées par la peur du déclassement, fustigent la mondialisation. On assiste à une crise du multilatéralisme, telle une revanche à la remise en cause de l’État depuis la seconde moitié du XXe siècle. En 1952, Alfred Sauvy inventait le terme de « tiers-monde » pour qualifier les États inclus dans aucun des deux blocs dominants de la Guerre froide. Aujourd’hui, ce terme a été remplacé par celui des pays « des suds ». Pour classifier les États les plus en marge, les politologues inventent dans les années 1990 les termes d’États-faillis ou d’États-effondrés. Ce sont des États incapables de contrôler leur territoire, d’avoir une unité nationale ou de se représenter auprès des instances internationales. Toutes ces qualifications découlent de normes instaurées par des États occidentaux, à l’instar des États-Unis qui justifient ainsi leur ingérence en Afghanistan ou en Irak. Mais le développement « à l’occidentale » est-il une finalité en soi ? Les États créés, dits « États hybrides », lient société traditionnelle et État moderne. Ils deviennent « hybride » entre démocratisation et dictature. Le numérique prend une place centrale dans l’État de demain, lui permettant de s’affirmer ou de se ré-affirmer. Les objectifs sont de taille et les conséquences sont multiples : économiques, sociales, juridiques, politiques, stratégiques et éthiques. Les grandes plateformes numériques, comme les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), rattrapent l’État. Elles influent par leur puissance financière. En effet, le PIB cumulé d’Apple et d’Amazon dépasse celui de la France. Cette puissance s’accompagne d’un contrôle multidimensionnel, notamment par la collecte de données personnelles à des fins publicitaires ou politiques, comme ce fut le cas lors de l’élection de Donald Trump en 2016 ainsi que l’a révélé le scandale de Cambridge Analytica. Le Web est un espace propice à la conflictualité, que ce soit par les réseaux sociaux (et les tweets de Donald Trump) ou par des sites qui se constituent en véritables contre-pouvoirs, comme Wikileaks. S’ensuit l’hypothèse d’une cyberguerre. Le cyberespace devient un nouvel espace de lutte, et face à l’inaction des États, celui-ci est favorable aux hackers. Le privé, au détriment du public, se saisit de l’enjeu. Cependant, les États s’adaptent à la menace. Les capacités numériques se militarisent et le cyberespace se voit ré-étatisé. Une cyberdiplomatie est également à l’œuvre. Elle tend à regrouper des acteurs très variés, des États aux entreprises. Ceci illustre le caractère dépassé de l’État mais également sa volonté de reprendre sa place à la grande table des décideurs. »
Vidéo de la conférence :
Jean Vinatier
Seriatim 2019
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