Une publication de 2013 qui
garde sa pertinence.
« Si le
Moyen-Orient et l’Amérique latine entretiennent des relations de longue date,
il est clair qu’une nouvelle dynamique est à l’œuvre entre les deux régions
depuis maintenant dix ans. La reconnaissance de l’État palestinien par seize
des dix-neuf pays d’Amérique latine entre 2008 et 2013, ainsi que le
resserrement des liens avec l’Iran, sont les exemples les plus frappants d’un
intérêt mutuel qui n’a pas manqué de surprendre les diplomaties occidentales,
voire en inquiéter certaines, au premier rang desquelles celle des États-Unis.
Cette dynamique Sud-Sud est
d’abord une initiative latino-américaine. Le président brésilien Luis Inácio
Lula da Silva a réalisé dix visites au Moyen-Orient pendant son mandat
(2003-2010) Son homologue vénézuélien Hugo Chávez en a quant à lui
comptabilisé pas moins de vingt-six entre 1999 et 2010. Aucun mandataire
moyen-oriental, pas même l’iranien Mahmoud Ahmadinejad, n’a voyagé en Amérique
latine avec une telle fréquence. D’autres présidents latino-américains se sont
également rendus dans la région pour la première fois de l’histoire
diplomatique de leur pays. C’est le cas de ceux du Chili et de la République
dominicaine. Ces gestes politiques ne sont pas anodins : ils parlent de la
nouvelle place qu’occupe le Moyen-Orient dans les relations internationales
latino-américaines.
Sans en exagérer l’importance
– l’Asie et l’Afrique ont, selon les pays, davantage attiré l’attention des
diplomaties latino-américaines –, il convient de s’interroger sur ce qui est en
jeu dans les stratégies déployées par les États latino-américains dans cette
région. Quelle est la portée de cette nouvelle connexion Sud-Sud ? Faut-il
y voir l’émergence d’une alliance néotiers-mondiste, au nez et à la barbe des
États-Unis, comme semblent le penser de concert une partie de la droite
nord-américaine et de la gauche dite radicale ?
Un rapide inventaire des
stratégies diplomatiques élaborées depuis le sous-continent montre un panorama
sensiblement plus complexe. Le rapprochement avec les pays du Moyen-Orient est
d’abord un mouvement qui dépasse les gouvernements de gauche et de
centre-gauche . C’est ainsi Sebastián Piñera, premier président de droite
démocratiquement élu au Chili depuis 1958, qui s’est rendu le premier en
Palestine, quelques mois à peine après avoir reconnu l’État palestinien en
janvier 2011. Certes, tous les États du sous-continent ne visent pas les
mêmes objectifs et ne cherchent pas à resserrer leurs liens avec les mêmes
pays. Les relations avec l’Iran divisent par exemple profondément les
gouvernements de la région. Mais même les gouvernants progressistes n’ont pas
l’idéologie comme seule boussole dans leur positionnement au Moyen-Orient. Le
Venezuela entretient ainsi avec l’Arabie saoudite, fidèle alliée des États-Unis
et rivale déclarée de l’Iran, des relations bilatérales plus que cordiales.
Nicolas Maduro, en visite officielle à Riyadh en 2010 alors qu’il était
Ministre des Affaires Étrangères, n’a-t-il pas signé des accords visant à
faciliter les investissements saoudiens au Venezuela
Nous reviendrons dans cet
article sur les ressorts des politiques étrangères latino-américaines, au
croisement des nouvelles diplomaties économiques des pays émergents, des
volontés individuelles de positionnement sur la scène internationale, et de
l’influence des diasporas arabes d’Amérique latine. »
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2019
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