« La France « jacobine » serait hostile aux corps
intermédiaires ! Cette antienne souvent entendue et parfois actualisée à
des fins politiques ne recoupe qu’une part de l’histoire des deux derniers
siècles. En effet, en parallèle de l’hostilité proclamée dans certains discours
contre toute forme de corps intermédiaires, la réalité institutionnelle,
sociale et politique a été bien différente. Loin de se résumer à un retour de
l’Ancien Régime dans une France d’après la Révolution, les corps intermédiaires
ont pu constituer une ressource importante pour l’établissement et l’évolution
de la République. Il ne s’agit certes pas d’une histoire linéaire : du
développement du syndicalisme à celui des associations et des institutions
représentant la société, de nombreux conflits ont pu accompagner ces
différentes évolutions. Une approche par l’étude des corps intermédiaires
permet en tout cas de questionner la cohérence d’un supposé « modèle
républicain » et surtout d’analyser l’État dans son fonctionnement en
refusant ainsi de croire à la frontière rigide entre ce dernier et la société.
L’historienne Claire Lemercier note de manière imagée et tout à fait juste
qu'« aucun historien ne devrait plus désormais employer les mots jacobinisme
ou corporatisme » sans tourner sept fois sa langue dans sa bouche,
surtout pour caractériser une éventuelle « exception française ». Ce
propos indique combien la question du vocabulaire est ici délicate : tout
comme ces deux mots en isme, ceux de corps intermédiaires ou de société
civile comportent en français des connotations spécifiques et parfois
changeantes dans le temps La politiste Chloé Gaboriaux a raison d’indiquer que
« la formule corps intermédiaires est elle-même piégée ».
Pour éclairer ce vaste sujet, on souhaite proposer une approche surtout
historiographique organisée en trois temps : un point méthodologique pour
présenter sur cette question les mises en garde salutaires de Pierre
Rosanvallon, une réflexion sur le xixe siècle et une étude un peu
plus précise sur la IIIe République.
On laissera de côté, à regret, d’autres exemples possibles pour questionner
la place des corps intermédiaires dans l’histoire des deux derniers siècles en
France, comme ceux du syndicalisme ouvrier, patronal ou agricole ou des partis
politiques. »
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2019
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