« Une politique dictée par les pays
du Golfe · En intervenant pour défendre le régime tchadien et en soutenant
l’offensive récente du maréchal Khalifa Haftar dans le Fezzan, la France
s’enfonce un peu plus dans le bourbier régional, dans une guerre sans fin. Elle
n’a tiré aucune leçon des échecs de « la guerre contre le terrorisme »
engagée par les Occidentaux depuis plus de quinze ans.
L’offensive lancée fin janvier 2019 dans le
Fezzan par le maréchal Khalifa Haftar n’a pas rencontré beaucoup de résistance,
sauf chez les Toubous. Elle vient rappeler la place stratégique occupée par
cette communauté dans le sud de la Libye (voir carte ci-dessous).
L’entrée à Morzouk – l’un des fiefs toubous — le mardi 19 février des
forces de Haftar appuyées par des milices tribales et d’autres de l’opposition
soudanaise s’est faite aux prix de durs combats. Elle a été suivie dès le
lendemain de représailles. L’assassinat à son domicile du général Ibrahim
Mohamad Kari, chef de la sécurité de la ville, alors même qu’il cherchait à
apaiser les esprits en a donné le ton. Les députés toubous, qui furent pourtant
des soutiens de Haftar, dénoncent un « nettoyage ethnique ».
L’implication directe de la France qui a mis au
service de Haftar ses avions de surveillance et de reconnaissance vient
confirmer le tournant de la politique française en Libye. C’est l’alliance
stratégique dans laquelle la France est insérée avec les pays du Golfe qui
détermine sa politique en Libye. Elle n’en a plus de véritablement spécifique,
et endosse celle de l’axe Arabie saoudite-Émirats arabes unis-Égypte qui appuie
Haftar et ses velléités putschistes et cautionne, voire encourage, ses méthodes
brutales qui creusent encore plus les fractures de ce pays. Paris s’éloigne
ainsi du rôle de médiateur entre les parties en conflit qui fut le sien, ce qui
fragilise les perspectives d’une solution politique.
Sur le terrain libyen, l’implication de la France dans
cette offensive interroge sur le devenir de ses rapports avec la communauté
touboue avec laquelle elle a toujours entretenu des relations privilégiées, au
point que les autres acteurs locaux les assimilaient à une ingérence. La rivalité
franco-italienne a d’ailleurs pris les Toubous dans le jeu d’une
sourde lutte d’influence qui a déstabilisé leurs structures, avec notamment un
putsch destituant le chef de la communauté devenu trop proche des Italiens. »
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2019
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