La démission du
vice-chancelier autrichien (et des ministres de droite) pour une affaire de
corruption qui remonte à deux ans et l’annonce d’élections anticipées pour le
mois de septembre ne pourraient être que d’aimables vaguelettes à l’issue du
scrutin européen du 26 mai.
Le premier grand coup de
canon viendra du Royaume-Uni, grâce à l’Union européenne et à une partie de
Westminster. Le Brexit Party de Nigel Farrage caracole en tête (30 à 34% des
intentions de vote), les conservateurs et les travaillistes s’effondrant au profit
d’une multitude de listes (Lib-dem, Verts…etc). Les sondages britanniques
marqueraient un retour du peuple anglais, celui qui a voté majoritairement pour
le Brexit et qui ne pardonne décidément pas aux deux grands partis d’avoir joué
à qui perd gagne entre eux et avec le concours de l’Union européenne. Ce réveil
politique, s’il est confirmé le jeudi 23 mai, produira de grands
changements dans la vie intérieure anglaise : d’abord avec le départ de
Theresa May ou bien avec des élections anticipées, ensuite par la possible
disparition du parti conservateur au profit du Brexit Party ; enfin, par
l’idée fausse du travailliste Jérémy Corbyn de croire que la chute de l’actuel
ministère le propulserait inévitablement au 10 Downing Street.
Londres risque bien de
donner les trois coups d’une nouvelle pièce historique dont l’Union européenne
ne sortira pas indemne.
De l’aveu même de
certains médias français, le ministre italien Salvini est l’homme fort du
continent. Une année plus tôt, les mêmes avançaient la chancelière, Angela
Merkel. Ce basculement d’un ordre vers une possible reconfiguration politique
dans l’ensemble des 27 Etats-nations interroge beaucoup.
L’Etat-nation le plus
symbolique face à ce possible espace politique est la France. La « grande
nation » comme on dit ironiquement Outre-Rhin, patauge dans une campagne
où « Loiseau ne fait pas son nid », avec un Chef de l’Etat qui
s’imagine encore en 2017, imprudemment engagé sur des affiches électorales et
qui refusera, en cas de défaite, d’en tirer une réponse institutionnelle sans
doute encouragée par ce qu’il croit être l’apparente apathie des Français. Le
second Etat est bien évidemment une Allemagne comme arrêtée : une
chancelière en bout de course, une grosse coalition (SPD/CSU/CDU) immobilisée,
une extrême-droite qui ne progresse plus face à des libéraux et des Verts en
pleine ascension. Ces transferts d’électeurs vers deux partis qui ressemblent
par leurs idées à la continuation d’une Europe dont de plus en plus de peuples
ne veulent plus, sont un déplacement de plaque de glaise tectonique. De quel
côté l’Allemagne se tournera-t-elle ? Berlin abhorre Donald Trump mais que
fait-elle pour se placer en rupture, être révolutionnaire ? Et bien,
strictement rien. L’idée prédominante est patience, l’ordre ancien reviendra.
Face à un Royaume-Uni
qui serait prêt au grand bond dans le défi historique avec un Brexit dur, la
tétanisation des partis politiques traditionnels franco-allemands révèle
l’impasse dans laquelle ils se trouvent face à des partis, populistes,
souverainistes, patriotes…etc déjà vainqueurs. Leurs arguments et
programmes étant repris avec d’autres mots par leurs opposants. Tout comme les
Gilets jaunes sortent « lauréats » de presque sept mois de
protestation, contraignant l’exécutif a se barricader tous les samedis dans une
espèce de forteresse mobile entre l’Elysée et le Quai d’Orsay via la place de
la Concorde.
Le risque d’un choc très
violent entre ceux qui tiennent à une Union européenne sans frontière dessinée
et ceux qui appellent à œuvrer en écoutant ces mêmes peuples est réel. L’ère de
la construction européenne comme seul espace géographique de libre circulation
des hommes et des capitaux d’où qu’ils viennent, s’achève.
Si le Royaume-Uni avec
les résultats que l’on présuppose, se séparait d’un coup bien net de l’Union
européenne, cette rupture de corde d’amarrage ferait sans doute prendre bien
plus de gite au continent qu’à l’île britannique, habituée depuis des lustres à
affronter les éléments. Le Royaume-Uni est solide, a sa monnaie, le
Commonwealth, de nouvelles réserves en pétrole et gaz de schiste et dispose
déjà d’un accord de libre-échange avec Bruxelles via …le Canada. Quant à
l’Union européenne, qui dispose pourtant d’atouts et de moyens, elle peut
craindre de payer au prix fort son constant refus de s’envisager en tant que
Politique. Le doux commerce ne suffit pas pour qu’émerge un peuple européen.
Entre les patriotes et les « euro-mondialistes » se place
l’Identité : qui sommes-nous ?
Jean Vinatier
Seriatim 2019
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