Hier soir la diffusion sur France
5 du documentaire, La fabrique
des gilets jaunes réalisé avec la
rédaction du journal Le Monde n’a pas surpris dans son entreprise d’enfermement
et de réduction d’un mouvement social inédit. L’heure serait à la fin de
partie.
Il est vrai que la mobilisation
pour les Un an des Gilets jaunes n’a pas été très puissante et qu’il est
vraisemblable que le samedi prochain sera calme.
Les Gilets jaunes métropolitains
viennent de la France des campagnes, des villes sous-préfectorales, très peu
des banlieues (bien différent dans les DOM-TOM). Un mouvement nullement
fabriqué mais éruptif en raison de la difficulté quotidienne à aller à son
travail, à vivre en famille : essence, radars omniprésents, surveillance
accrue des gendarmes, éloignement des lieux….etc. La voiture, si maudite dans
les villes métropolitaines (Paris, Lyon, Bordeaux, Lille…etc) est ici centrale,
elle est le rond-point de tout.
Tout a été dit et écrit sur les
violences, les dérapages mais bien peu sur la répression : 10 000 arrestations,
5000 gardes à vue, 3000 condamnations, une dizaine de morts et une vingtaine de
mutilés à vie, sans oublier toutes les fautes procédurales commises par les
magistrats avec les encouragements de la Garde des Sceaux et bien sur le pardon
accordé systématiquement aux policiers et gendarmes. Le quinquennat macronien ne tient que par l’obéissance des forces
de l’ordre, des juges et le calme de l’armée : les généraux se baladent beaucoup…..
Cette violence réactive, inédite,
inouïe, voulue en totalité par le successeur de François Hollande a tétanisé
des Gilets jaunes plutôt blancs et âgés de 40 ans et plus (les jeunes étaient
une minorité presque invisible), pour la plupart ayant une activité
professionnelle, payant leurs impôts, sans casier judiciaire, mariés, une bonne
part ayant voté pour Emmanuel Macron. Le gouvernement a eu en face de lui une
population en colère insérée socialement. Les Gilets jaunes sont, pour résumer,
ce que la présidente de France-Télévision ne veut plus : des blancs de
cinquante ans !
Les Gilets jaunes tout de suite
traités de « beauf », de « plouc », caricaturés par les
citadins « connectés » (les 1%, des cadres, des retraités, les bobos)
ne pouvaient compter sur un relais social, les grandes villes dont Paris les
honnissant d’entrée. Une France rurale tournant en rond autour d’un France mondialisée,
mondialiste. L’éclairage d’une France fracturée et que l’on fracture encore en
attisant, par exemple, l’affaire du voile et de l’islam est plus éblouissant
aujourd’hui qu’hier. Tout est pire qu’en 2018, tout rentre dans le rang, les
braises demeurent à la merci de la prochaine étincelle qui pourrait arriver de
l’extérieur.
Chacun est dans son coin comme l’a
illustré tragiquement l’immolation de l’étudiant lyonnais Anas K mais pas l’électorat
minoritaire d’Emmanuel Macron qui fait bloc, vote massivement et montre mois
après mois qu’on peut gouverner une démocratie sans la France d’en bas. Les conflits
sociaux sont quotidiens sans que l’étendard Gilet jaune se dresse parce que
chacun croit s’extirper de sa cause sans s’agréger à celle d’autrui. La solidarité
brandie par Cédric Herrou, l’agriculteur passeur de migrants illégaux et
avaliser par la justice, n’interviendrait-elle donc plus entre Français ?
Succès absolu pour les mondialistes ? Succès pour les avocats de l’individu-roi ?
Il y a bien au-delà des courroux des Gilets jaunes le tragique d’une France à
la souveraineté détachée par morceau : celle militaire à l’OTAN, celle
monétaire à la BCE, celle juridique à Bruxelles et à Strasbourg alors même que
dans le monde se relèvent les souverainetés de grandes puissances.
Sans souveraineté entière qui
sommes-nous ? Les Gilets jaunes comprennent-ils que leurs maux ont pour
source l’Union européenne comme fabrique de l’ultra-libéralisme, du mondialisme ?
Sans doute pas ou de manière parcellaire parce qu’il leur est répété que toute
critique envers Bruxelles est un mélange de « fascisme et de racisme anti-migrant ».
Sans le vouloir, maladroitement
parfois, ou en brandissant le RIC (référendum d’Initiative Citoyenne) symbole d’une
démocratie locale, directe, les Gilets jaunes ont illustré pendant douze mois les béances de la France actuelle de plus en
plus un simple territoire d’une aire
géographique dite Union européenne.
Jean Vinatier
Seriatim 2019
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