Demain en Méditerranée et en
bordure de La Manche, deux peuples auront entre leurs mains une arme
démocratique redoutable : la leur.
En Algérie, les longs, réguliers
et puissants défilés de centaines de milliers d’algériens contre le vote à
l’élection présidentielle organisée par le général Ahmed Gaïd Salahqui qui
contraignit le Président Bouteflika à ne pas se représenter verront-ils le
succès ? Les intimidations, les arrestations se multiplient contre les
ténors protestataires. Si les Algériens
confirment leur opposition à ce scrutin, le pays aborderait une page tout à
fait neuve de leur jeune histoire. Quelqu’un disait que si l’Algérie était un
Etat, elle n’était pas une nation : peu importe l’avis sur cette
affirmation car force est de relever, dès à présent, que l’enthousiasme du
peuple algérien (avec les Berbères) à descendre pacifiquement dans les rues est
déjà un signe d’une mise en marche ou mouvement considérable : « On est tous berbères. Il n’y a pas d’Arabes.
Les Arabes, ils sont dans les pays du Golfe »1.
Le gros problème est l’absence
d’alternative politique à l’actuel
régime cornaquée par une élite de généraux. Les champions d’une colère ne font
pas un programme politique. Imaginons que demain, la faiblesse de la participation
soit telle que le pouvoir ou invalide la consultation ou bien que son élu que
se passera-t-il ? L’exécutif procédera-t-il comme actuellement au Liban ?
Au Royaume-Uni, les électeurs
ballotés et fatigués par les trois années post-référendaires sur le choix de
leur sortie ou non de l’Union européenne, s’inclineront-ils de guerre lasse ou
bien confirmeront-ils leur vote de 2016 ? La presse française se plut à
insister sur le chant du cygne du Brexit Party de Nigel Farrage oubliant l’accord
tacite entre lui et Boris Johnson afin que ce dernier emporte le maximum de
sièges le soir du 12 décembre. Le parti conservateur, à l’avantage sur le parti
travailliste de compter sur une unité, un élément certainement décisif. Pour l’heure
les sondages accorderaient la victoire du parti conservateur mais sans que l’on
soit certain de l’ampleur du vote lequel soit entérinera le Brexit en janvier
2020 soit prolongera la guérilla parlementaire avec à la clef un second
référendum.
Le point commun entre les deux
scrutins est l’engagement politique des peuples dans leur histoire respective :
pour l’Algérie tourner une première page de son histoire et débuter une
berbérité ? L’Algérie qui résista aux fondamentalistes musulmans dans les
années 90 saura-t-elle s’affranchir d’un pouvoir capté disposant de la violence
et de l’argent situé à des années lumières de l’idéal de l’indépendance? Pour
le Royaume-Uni, le choix est autre. Churchill affirmait que toujours Londres
opterait pour le grand large de l’Atlantique mais l’on sait depuis l’excellent
ouvrage de Rémy Duthille sur Le
Discours radical (1768-1789)2
que deux visions radicales sur fond de conception du parlementarisme vivent sur
le sol du Royaume-Uni :
« A la fois Anglais et
citoyens du monde, les radicaux prétendent concilier patriotisme et
universalisme: fidélité à une tradition nationale et défense d’idéaux
universels.»
En dépit du peu d’importance que
nos médias nous donnent sur les secouements du monde depuis Hong-Kong jusqu’au
Chili en passant par la France qui envoya le signal Jaune même si les Français
peinent à avoir une vue panoramique de la situation, les scrutins du 12
décembre apporteront, quel que soit le résultat, une poudre et une mèche
supplémentaires.
Sources :
« Cette tension
constitutive imprègne leur conception de l’identité nationale britannique et
leurs rapports avec les réformateurs écossais et les révolutionnaires
américains, puis français. Rémy Duthille démontre que la cohérence du discours
radical britannique résulte de la tension entre deux traditions philosophiques
convoquées conjointement: le droit naturel hérité de Locke et le
constitutionnalisme anglais. Plutôt que d’intégrer les radicaux à un seul
courant de pensée, Rémy Duthille analyse le caractère rhétorique et polémique
du discours radical dans sa diversité, en montrant comment ces réformateurs
transforment les discours et idées de leur temps en armes au service de leur
combat politique. »
Jean Vinatier
Seriatim 2019
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire