Afin de décourager les Français
dans leurs revendications et mécontentements, les médias procèdent en deux
temps : le premier jour de la manifestation, ils prennent au sérieux le
nombre de manifestants revendiqués par les syndicats, la seconde fois et ainsi de suite, ce sont
les chiffres de la préfecture qui deviennent la vraie source. C’est de cette manière
que le pouvoir et leurs courroies médiatiques firent pour décrédibiliser les
Gilets jaunes. Il n’est donc guère étonnant que cela soit ainsi pour la
contestation du nouveau régime des retraites, un régime rédigé et pensé par un
homme aux mandats infinis, Jean-Paul Delevoye, tout à fait à l’écoute des
compagnies d’assurances. Les médias montent à l’assaut, louangeurs de cette
contre-réforme, le gouvernement, pour une fois ne trainant pas à trouver un
successeur, Laurent Pietraszweski, au démissionnaire.
L’épreuve de force continue en
dépit des divisions parmi les centrales syndicales qui n’ont pas anticipé le
cas de « Noël » : empêcher les Français d’aller dans leurs
familles serait selon le gouvernement le plus sûr moyen d’ôter toute popularité
au mouvement. Le gouvernement mise sur l’effilochage des critiques pour
éteindre l’incendie catégorie par catégorie soit en maintenant des régimes
spéciaux avec d’autres appellations soit s’y refusant : l’universalité,
qui n’en sera pas une, sera tout de même affichée et fouette cocher.
Les notes blanches soulignent
chaque matin la permanence des courroux, des rancœurs, l’Elysée n’y voit pas l’ombre
d’un potentiel programme alternatif à sa politique et sait sa base électorale
solide et consciente du poids de son vote.
Au-delà des observations que l’on
peut faire, il y a tout de même une tristesse à voir une population descendre
dans la rue pour la retraite. La retraite est-elle l’avenir ? Elle est une fin de vie garantie
et pour laquelle les Français cotisent. La dynamique d’un pays peut-elle se
mesurer à la retraite ? On préférerait grandement voir les forces vives s’emparer
de l’espace public lesquelles sont logiquement l’avenir et qui par leurs
fougues et énergies les communiqueraient à leurs propres parents. Les jeunes
sont résignés : deux étudiants s’immolent, pas une université ne bouge, la
trottinette a le pas sur la solidarité.
Hier soir, je vis passer pont de l’Alma,
au milieu des sirènes des voitures de police, de motards, les blindés de la
gendarmerie filant à toute allure vers des casernements : pas question de
trainer bien que les gens ne songeassent pas leur jeter des pavés, ils
marchaient pressés, repliés jetant un œil à gauche, à droite, car les nouvelles
pistes cyclables à double voie sont un danger pour tout le monde : vélos,
trottinettes, poussepousses, scooters tous fonçant comme si les uhlans étaient
à leur trousse. J’étais parmi les dingues dans cet abandon ou mélancolie collectif
et individuel : ironiquement même les gardes mobiles semblent foutre le
camp !
Cette retraite générale a tout d’une
pathologie aux sources plurielles.
Jean Vinatier
Seriatim 2019
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