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lundi 30 décembre 2019

« La résignation, paradigme du nouveau monde macronien. » N°4780 13e année


« Dans le discours sur la réforme des retraites prononcé par le Premier ministre Edouard Philippe le 11 décembre dernier, un paragraphe a frappé mon esprit. Il s’agit du texte suivant :
« Le monde d’aujourd’hui, la France en tout cas, se caractérise par un niveau de chômage encore important, et ce depuis longtemps. Il se caractérise par le fait que les études sont de plus en plus longues, que les carrières sont parfois heurtées, que le temps partiel s’est développé. On peut à juste titre vouloir changer tout cela : revenir au plein emploi, limiter la précarité… Mais c’est le monde dans lequel nous vivons et il est sage de voir le monde tel qu’il est. Nous devons construire la protection sociale du XXIème siècle en prenant mieux en compte les nouveaux visages de la précarité. »
Que ce paragraphe n’ait suscité aucune réaction montre à quel point nos élites politico-médiatiques à gauche, à droite et au centre ont « naturalisé » les processus économiques à l’œuvre aujourd’hui. « Le monde dans lequel nous vivons » est là, un peu comme le temps qu’il fait. Et même si « on peut à juste titre vouloir le changer », ce désir légitime n’est qu’une utopie ou un vœu pieu. Nous devons construire la protection sociale du XXIème siècle « prenant mieux en compte des nouveaux visages de la précarité ». Car, voyez-vous, « même si on peut à juste titre vouloir changer tout cela », la précarité et le chômage de masse sont là pour les siècles des siècles, amen.
Edouard Philippe a raison sur un point : « il est sage de voir le monde tel qu’il est ». Seulement, si quelque chose caractérise « le monde tel qu’il est », c’est sa mutabilité. Est-il sage de postuler que le monde de demain sera identique au monde d’aujourd’hui ? Personne ne discute que le monde du travail «  tel qu’il est » aujourd’hui soit ravagé par la précarité et le chômage. Le Premier ministre reconnaît qu’on peut « à juste titre » vouloir changer cet état de fait. Mais alors, pourquoi construire le système de retraites du XXIème siècle comme si rien ne devait changer ?
Ce discours est d’abord un aveu. L’aveu que le chef du gouvernement ne croit pas lui-même un instant que les politiques qu’il conduit permettront de combattre efficacement la précarité et le chômage de masse. Car lorsqu’on croit dans l’efficacité des politiques qu’on conduit, on planifie en conséquence. Difficile d’avouer plus explicitement que les politiques de l’emploi ne sont qu’un leurre, une opération de communication destinée à tromper l’électeur. »
La suite ci-dessous :

Source :

Jean Vinatier
Seriatim 2019

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