« Dans l’ordre idéologique, la situation actuelle
de la France relève d’un paradoxe : l’européisme domine de manière hégémonique
les mondes politique, médiatique et académique, il creuse depuis plus de trente
ans un profond sillon dans la vie politique nationale — jusqu’à en déterminer
au grand jour le cours et même la finalité —, alors même qu’il est minoritaire
au sein du corps électoral et que les choix politiques auxquels il a conduit se
sont tous révélés néfastes, sinon catastrophiques pour notre pays [1].
À quoi tient donc la force de l’européisme, pourquoi est-il encore
l’idéologie dominante, largement imperméable à ses échecs ?
Un noyau dur : « L’Europe » salvatrice et rédemptrice
Comme toutes les idéologies, l’européisme repose sur un certain nombre de
croyances, érigées en certitudes absolues et rationnellement étayées par des
arguments supposément objectifs. L’ensemble ne produit pas vraiment un système,
où chaque idée s’agencerait dans un tout cohérent et hiérarchisé, mais ce n’est
pas là une exigence indispensable à la solidité de l’édifice idéologique. En
fait, le flou des contours et l’incertitude quant aux tenants et aboutissants
du discours idéologique contribuent à le renforcer ; il prospère bien plus sur
des éléments de croyance que sur des arguments passés au feu de l’examen
critique distancié.
La domination actuelle de l’européisme en constitue un exemple flagrant :
depuis trente ans, la rhétorique pro-Union Européenne n’a jamais dépassé le
stade du lieu commun généraliste ; les mêmes arguments tournent en boucle en
dépit de leur indigence ; ils sont repris sans sourciller par chaque nouvelle
génération de militants, convaincus — à raison apparemment — que l’exaltation
et la ferveur rendent superflue l’épaisseur argumentaire [2].
Cela permet à ce discours de s’étendre à grande échelle plus efficacement
que ne le ferait un système, dont la netteté rationnelle susciterait facilement
des prises de position tranchées susceptibles d’alimenter un débat de fond
forcément préjudiciable à la cause. Quiconque observe l’européisme de loin,
sans en distinguer les contours, peut y adhérer mollement, sans trop y penser ;
quiconque l’observe de près dans le cadre d’un examen critique est obligé de
constater ses vices et ses failles. »
La suite
ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2020
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