Plusieurs lecteurs m’ont demandé si l’assassinat de deux généraux iraniens
dont Qassem Soleimani enclencherait des réactions similaires à celles qui se
produisirent à l’été 1914 après l’attentat contre l’archiduc
François-Ferdinand?
1-L’Europe en 1914 avait vu naitre deux grand groupes d’alliances
militaires : le premier (la grande entente) constitué par la France, la
Russie, le Royaume-Uni, le second (la grande alliance) par l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie
et l’Italie via deux traités l’un avec Berlin, le second avec Vienne.
A noter que dès le début du conflit, le 4 septembre 1914, Londres et
Paris réussiront à faire partir l’Italie de cette alliance tandis que Berlin
parviendra à décider l’empire ottoman d’y entrer.
2-Les différentes alliances d’alors, avaient des articles contraignants
lesquels enclenchés entrainaient tous les membres de l’alliance.
En Orient est-ce le cas ?
L’Iran, sauf erreur de ma part, dispose certes d’alliés, Chine,
Turquie, Russie, Inde, Irak, Syrie, mais aucun n’entre dans une quelconque
alliance : ni militaire, ni contraignante. Il y a des intérêts
convergents, point de solidarité armée permanente de fait. Il est bien évident
que pour des puissances comme la Chine, la Russie, la Turquie, le rôle de l’Iran
comme borne d’arrêt à la prépotence américaine a son utilité. Cependant la
Russie, la Turquie, la Chine ne forment pas un ensemble uniforme : ainsi
la Turquie et la Russie s’opposent-elles en Libye. La Turquie, membre fondateur
de l’OTAN, oscille selon ses humeurs soit du côté russe, soit du côté
américain, elle poursuit une politique de renforcement de son assise à sa
frontière contre les Kurdes, en Libye en souvenir de la Tripolitaine perdue en
1912 et du gaz (Eastmed/Turkishstream).
De l’autre côté, les Etats-Unis, outre leur propre puissance militaire,
disposent via l’Otan d’une alliance militaire redoutable dont ils ont toutes
les manettes.
Washington continue une tactique de la tension de même que Téhéran le
fait en s’attaquant à l’Arabie Saoudite sur son sol et dans sa guerre au Yémen.
Washington et Téhéran se passent le relais sur cette route de la tension
profitant du désordre actuel oriental : Irak, Syrie, Liban, Yémen.
Quel est le degré de nuisance de l’Iran ? Via le Hezbollah,
Téhéran s’impose en franc-tireur redoutable et peut tout à fait programmer des
attentats au-delà de l’Orient.
Quel est le degré de nuisance des Etats-Unis ? On serait tenté d’écrire que les Etats-Unis
sont la puissance qui a la capacité originale d’être à la fois maximum dans sa
force prédatrice comme dans sa force d’apaisement.
L’originalité de la situation présente, qui est aussi sa fragilité ?
Le désordre et les multiples jeux et intérêts des uns et des autres qu’ils
soient alliés ou concurrents. Si personne
n’a intérêt à appuyer sur le bouton, il est plus que vraisemblable que
Washington et Téhéran poursuivront cette tension, en stratégie, en tactique. La
République islamique ne vient-elle pas de réprimer férocement une révolte
intérieure dont elle sait bien qui l’a attisé : le Grand Satan…
Le danger en l’état ne tient pas à des affrontements classiques mais
dans des traverses, des asymétries comme le terrorisme et le cyberterrorisme....etc.
Pour conclure, il n’a y pas de ressemblance entre Qassem Soleimani et l’archiduc
François-Ferdinand sauf sur un point : en 1914 comme en 2020, il n’existe
pas de puissance médiatrice en mesure de calmer le jeu : L’ONU empêcha-t-elle
l’invasion de l’Irak en 2003, la négation de son mandat en Libye en 2011 ?
Jean Vinatier
Seriatim 2020
PS: En ressoudant la rue chiite contre les Etats-Unis, Donald Trump permet d'effacer partout les mouvements de contestation de la jeunesse: Liban, Irak...et Iran!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire