Autour de la Russie, il y a beaucoup
de phantasmes : Elle serait une espèce de spectre qui « déstabiliserait
les Etats », aurait orienté la campagne présidentielle américaine en 2016
et échoué de peu, l’année suivante en France. Toute puissance veut influer à l’extérieur :
qui s’offusque du soft power américain ? Personne.
La Russie est un colosse aux pieds
d’argile : faiblesses, démographique et économique qu’une qualité en
matière d’armement sophistiqué et une politique étrangère dynamique et habile
masquent énormément. La Russie joue un mélange de poker menteur et de partie d’échec.
Au moins use-t-elle de tous ses outils, ce qui n’est plus le cas des Européens.
Quant aux Etats de l’Union
européenne, qui sacrifient des pans entiers de souveraineté à une entité qui n’en
fera rien, sans doute connaitront-ils la déshérence : est-ce pour autant
que Moscou raflera tout le continent alors même que les USA ont l’OTAN et
avalent par dollars interposés et bourses universitaires des générations d’européens
depuis au moins 1945 ?
Ci-dessous l’article
anti-poutine de Mme Thom :
« Les incertitudes venues
des Etats-Unis depuis l’élection de D. Trump - probablement avec le soutien au
moins indirect de la Russie - génèrent des inquiétudes dans les pays de l’Union
européenne, le plus souvent membres de l’OTAN. Puisque nous ne pouvons plus
compter comme par le passé sur Washington, comment se saisir de la question
russe ? La lecture et l’analyse des sources russes permet de mieux
appréhender les représentations et les calculs géopolitiques de diverses
composantes de la Russie à l’égard de la France.
« Dans l’avenir peut-être le
plus proche, la Russie se révélera la plus forte de tous en Europe. Cela
résultera du fait qu’en Europe toutes les grandes puissances seront réduites à
rien, et par une cause fort simple : elles seront toutes épuisées et
minées par les aspirations démocratiques insatisfaites d’une énorme partie de
leurs sujets des classes inférieures, de leurs prolétaires et indigents. En
Russie cela ne peut absolument pas se produire : notre demos est content,
et plus il ira, plus il sera satisfait […] Et c’est pourquoi il ne restera
qu’un colosse sur le continent européen : la Russie ». Fiodor Dostoïevski, Journal d’un écrivain
« ...L’homme qui se pose en
politicien réaliste ne tient pour réelles que les bassesses de l’homme, seules
valeurs qui lui semblent sûres ; il n’agit pas par conviction et ne table
que sur la contrainte et la ruse. » Robert Musil, Tagebücher.
LE TOURNANT d’Emmanuel
Macron vers la Russie a surpris nombre de commentateurs. Alors que Macron
candidat à la présidentielle de mai 2017 se démarquait de ses trois principaux
concurrents rivalisant de russophilie, en quelques mois il se serait comme métamorphosé
en « auxiliaire » du Kremlin. Déjà lors du Forum de Saint Pétersbourg
le 25 mai 2018 la presse russe avait noté qu’ « Emmanuel Macron était
étonnamment soumis à Vladimir Poutine. Parfois il semblait avant tout préoccupé
de répéter ses thèses l’une après l’autre » [1].
Et de fait nous entendons dès cette période le président français déclarer
qu’il « respecte le rôle renforcé que la Russie se donne dans son
environnement régional » (bel euphémisme parlant d’un pays ayant dépecé
ses voisins indociles à trois reprises), affirmer qu’il fallait reconnaître à
la Russie une
sphère d’influence dans l’espace ex-soviétique (aucun dirigeant occidental
n’avait osé jusqu’ici faire une telle déclaration en public), que l’OTAN
n’avait pas tenu ses promesses faites à la Russie, que l’Occident et surtout
les États-Unis étaient responsables de la dégradation des relations avec la
Russie [2],
bref tous les poncifs de la propagande du Kremlin étaient déjà présents à
l’appel. En outre, le président Macron n’hésitait pas à agrémenter son propos
de kitsch slavophile à grand renfort de citations de L. Tolstoï. Son
« alignement » sur le discours du Kremlin est tel qu’en septembre
2018, après son allocution aux ambassadeurs, on se demande plaisamment en
Russie si ce discours n’a pas été rédigé par les services du ministre des
Affaires étrangères S. Lavrov. La presse russe titre : « C’est la fin
de l’OTAN : Macron veut que la Russie défende l’Europe des États-Unis » [3].
Dans ses propos ultérieurs le président français évite de mentionner la guerre
menée par la Russie contre l’Ukraine, parle d’un « irritant » qu’il
faut éliminer, de « malentendus » à surmonter, reprend à son compte
la funeste formule « l’Europe de Lisbonne à Vladivostok ». « L’Europe
n’est pas toute entière absorbable dans l’Occident », précise-t-il lors de
la conférence de presse après la rencontre avec Poutine à Brégançon (19 août
2019). Le discours du président Macron aux ambassadeurs d’août 2019 suscite
l’extase des propagandistes du Kremlin : « La France reconnaît la fin
de l’hégémonie occidentale », titre RIA Novosti à grand fracas.
« C’est un cri dans la tombe », s’exclame le commentateur Mikhaïl
Leontiev, qui voit dans les propos du président français l’indice de la chute
prochaine de l’Europe. Et on suppute déjà au Kremlin ce qu’il faudra exiger de
la France pour que la Russie daigne conclure « une alliance
géopolitique » avec l’Europe : « Paris va devoir offrir des
bonus sérieux, et d’abord la solution au conflit ukrainien » [4]. »
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2020
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