Après des semaines de disputes et d’un échec,
finalement, hier soir,
l’Eurogroupe s’est entendu pour établir un plan de relance évalué à 500
milliards d’euros (hier la FED injectait dans l’économie américaine 2300
milliards de dollars) soit trois piliers d’un immense convoi de prêts,
d’aides dont il faudra assurer le remboursement.
Quant au plan de relance ou quatrième pilier
(français), il reviendrait aux chefs d’Etat et de gouvernement de s’entendre
pour savoir s’il s’agirait de dettes mutualisées ou pas : les députés
néerlandais ont déjà répondu négativement !
Le vice-chancelier et ministre des finances allemand,
Olaf Scholz affirme : « c’est un grand
jour pour la solidarité européenne »
quand Bruno Le Marie clame : « pas de bons compromis sans bonnes
ambiguïtés ».
Solidarité et ambiguïtés, deux mots qui résument le
terme tout à fait provisoire des querelles et des suivis de ces mesures dont le
contribuable aura à payer le prix.
Ces discussions constantes se sont déroulées au terme
de la « guerre des masques »: on vit des Etats européens se saisirent
de stocks de masques destinés à d’autres Etats européens : spectacle
lamentable très « Pirate des Caraïbes » qui soulignait, une fois
encore, la faiblesse de la solidarité intercontinentale.
Davantage depuis le Brexit, l’Union européenne est
entre les mains de l’Allemagne et des Provinces-Unies. La Haye et Berlin
alternent good cop/bad cop. Cette fois-ci, les néerlandais eurent apparemment
le mauvais rôle qui permettait à Berlin de parler « solidarité » pour
contenter la demande française.
Cet accord à l’arraché aura des longues réunions pour
la mise en place des piliers de lignes de crédits et du fonds de garantie, tout en se faisant sous les yeux scrupuleux
de La Haye et de Berlin. Aux Provinces-Unies, le parlement a voté son soutien
au Premier ministre très opposé aux coronabonds quand Berlin, écoutant les
remarques du patronat et plus particulièrement celui du secteur automobile dont
les sous-traitants sont très nombreux en Italie du nord, lâche du lest au nom « de
la solidarité européenne » en réalité pour soulager son pays très largement
exportateur : charité bien ordonnée…
Paris, de son côté, s’agrippe à la mutualisation des
dettes chère à l’Europe du sud (« le club Med pour Angela Merkel) et dont
la France aimerait bien être le porte-drapeau : c’est son quatrième pilier
qui baigne dans le flou complet.
Très clairement, l’Allemagne et les Provinces-Unies
sont les deux Etats qui ont le plus de capitaux, de richesses et occupent la
tête-liste des pays sérieux pour les financiers mondiaux. Berlin a réussi à
reconquérir son rang de grande puissance industrielle et financière via les
étapes de la construction européenne et a su placer sous son égide l’euro. Géopolitiquement,
l’Allemagne a sous son aile d’influence toute l’Europe, du Nord (pays baltes), centrale
et le Benelux. La France n’a gardé que le seul verbe politique tout en délocalisant
des pans entiers industriels : elle n’est plus en mesure de peser sur l’Allemagne.
Qu’on ne s’y trompe pas, c’est Berlin qui donne le tempo « solidaire »
et laisse à Paris les incantations.
D’une façon plus générale, cet afflux monétaire ne
suffit pas. A tous ces milliards magiques qu’y-t-il en face, c’est-à-dire
politiquement, philosophiquement, spirituellement, stratégiquement ? Rien,
le vide total. Bien sûr, il est normal de se féliciter des nouveaux crédits (à
rembourser) pour une reprise d’activité entrepreneuriale, néanmoins,
faudrait-il voir au-delà à moins que l’Union européenne n’ait de finalité que la
répartition des milliards.
Le coronavirus s’il perturbe les dogmes économiques en
cours ne renverse pas la table européenne. On y voit une continuité avec les mêmes
outils qu’hier et le bon fonctionnement du duo germano-batave qui verrouille l’irrigation
financière tout en préservant ses intérêts nationaux (automobile allemande) tout
en veillant, par exemple à éviter une nouvelle crise politique en Italie,
gardant en réserve la carte Draghi.
Alors, la remarque du ministre Le Maire qui mettait en
parallèle « compromis » et ambiguïtés » n’était- elle pas sans
ambiguïté !
Jean Vinatier
Seriatim 2020
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