Avant même son installation à la Maison-Blanche le 20 janvier 2021 Joe Biden et son équipe indiquent bien que le mandat de Donald Trump n’aura été qu’une parenthèse apaisante : les États-Unis vont de nouveau « guider le monde ». C’est une manière de rappeler que la double mandature de Barack Obama n’avait été, en dépit d’un prix Nobel de la paix, qu’une succession belliqueuse et un grand nombre d’attentats.
Les médias français insistent sur les francophiles, John Kerry, Anthony Blinken, pour nous endormir. En réalité ces deux hommes de même que Jake Sullivan et Susan Price ont en point commun : l’offensive. Ils furent de tous les combats pour engager la seconde guerre d’Irak, regretter les hésitations d’Obama en Syrie et appuyer les opérations en Libye, sans omettre une profonde hostilité à l’égard de la Russie. Nous avons devant nous plus des faucons que des hirondelles. Nous dire que parce que certains d’entre eux parlent notre langue, l’irénisme irait de soi a tout de la fake news. Rappelons que toute l’Europe en 1914 et 1939 parlait le français sans empêcher du tout deux guerres mondiales !
Les États-Unis sont sur le chemin de la guerre face à la Chine qui dispose de tous les éléments pour être une puissance globale au même titre qu’eux dans les prochaines années. Si la Chine est un régime que l’on n’aime pas, convenons que nos politiques dès qu’un fait divers survient se précipite pour se faire les avocats de la reconnaissance faciale et approuvent une loi de sécurité globale qui nous conduit vers un régime policiarisé. Quelque part nous nous sinisons…
Rappelons que les États-Unis veulent rester la première puissance ce sur quoi Trump et Biden étaient en accord mais d’une manière différente : le premier ne voulait pas d’une dilution identitaire pour complaire au mouvement « no borders » quand le second considère qu’un monde globalisé serait nécessairement totalement américain.
Pour contenir dans un premier temps la Chine, les Etats-Unis doivent tenter d’en séparer la Russie et l’Iran soit par les sanctions soit par des déstabilisations, soit par des coalitions, de combattre l’immense accord de libre-échange récemment conclu, de borner ou de transformer en voies sans issues les routes de la soie (sous-marine, terrestre, maritime, aérienne, spatiale, technologique). Quant à la Turquie d’Erdogan, du fait de ses mauvaise relations avec Pékin, elle redevient, malgré le souvenir du coup d’état manqué de juillet 2016, une puissance tierce tout à fait utile dans cette vue mais aussi pour occuper la Russie (Caucase) et brider l’Union européenne (migrants, politique agressive méditerranéenne).
Et l’Union européenne ? Joe Biden, il en aura besoin : 400 millions d’habitants, une richesse considérable, une matière grise en pagaille, une situation géographique d’extrême-Asie ou Euro-Asie qui ne peut être défendue que par la présence de soldats américains et avec une puissance incontournable, celle allemande tout à fait consciente de parvenir à son but en faisant de l’Union un hinterland sous protection des marine’s : c’est peu dire que Joe Biden dispose d’atouts mais aussi des risques inhérents à cette ambition. Le Royaume-Uni empêtré dans le Brexit ne sait encore comment se positionner face à la nouvelle administration américaine, laissant entrevoir une énième crise politique.
L’Union européenne se réjouirait du futur POTUS désormais présenté comme un surhomme aux dents blanches et rajeuni, car elle croit, grâce à Berlin et aux habitudes prises par des générations bourgeoises de n’avoir pour seul horizon que New-York et d’en accepter les corruptions, que rester une aire de va-et-vient d’hommes et de capitaux serait un aboutissement. Emmanuel Macron, à la tête d’une France qui s’est désindustrialisée dramatiquement mais disposant d’une armée, la seule du continent, mais captif de cette narrative américaine via les GAFAM, a de temps en temps des idées aussitôt contrebalancées par des maladresses langagières qui ne sont plus écoutées y compris sur les bords de la Spree.
On mesure mal en Europe, le choc qu’a constitué la défaite d’Hillary Clinton en 2016 qui devait accélérer le continuum néo-conservateur enclenché plusieurs décennies avant. La haine dont Donald Trump a fait l’objet au quotidien par tous les médias mais aussi sa famille et son épouse qui n’eut que très peu les couvertures de magazine quand Kamala Harris et Jill Biden s’y étaleront de façon plus que récurrente, est à la hauteur des enjeux contrariés. Par ses foucades et ses tweets à la diable, Donald Trump prêtait le flanc aux dénigrements devenant une gargouille grimaçante.
Sous couvert de questions climatiques, tout à fait réelles, et de retour dans les institutions internationales qui de fait prépare la nouvelle offensive américaine, les États-Unis lancent des messages d’avertissement. Par exemple, certains pays d’Amérique Latine : Venezuela, Pérou, Bolivie qui gèrent des situations politiques hors intervention washingtonienne, resteront-ils tranquilles?
Ce rapide panorama n’établit pas que les jeux sont faits justement dans le moment où une nouvelle administration américaine joue la carte d’une restauration de programme géopolitique. Et l’histoire nous enseigne qu’en politique une restauration est fragile, se termine souvent en révolution.
Nous entrons dans l’ère des radicalités tellement les forces et les moyens en mouvement sont colossales comme jamais auparavant.
Jean Vinatier
Seriatim 2020
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