Le 6 janvier les Etats-Unis ont connu une journée inimaginable : suite au rassemblement d’une foule pro-trump et du discours présidentiel qui encourageait à marcher vers le Capitole afin de peser sur les élus qui procédaient à la certification des votes pour Joe Biden, l’imprévu se produisit. Les trumpiens envahirent le Capitole : du jamais vu, même lors de l’élection d’Abraham Lincoln en 1860. Quatre morts parmi les manifestants dont une femme tuée par un policier : premiers martyrs de la cause ?
Donald Trump a-t-il voulu cela ? Je ne le pense pas. Dans son état d’esprit, les manifestants devaient exercer une pression psychologique. A-t-il sous-estimé la colère ? L’histoire le dira. Mais il est certain que depuis l’été 2020, Donald Trump n’a cessé de marteler et d’alerter sur les risques de fraudes électorales pour l’élection présidentielle. Une bourde de Joe Biden sur la mise en place d’une fraude a accrédité cette hypothèse.
Depuis le 3 novembre, Donald Trump entonna la même chanson : on nous a volés cette élection, soutenu jusqu’à ces derniers jours par tous les élus républicains. Ce point est important.
Depuis le 3 novembre, les républicains se lancèrent dans une série d’actions en justice qui toutes connurent l’échec plus pour des questions de procédure et de forme que de fond. Autre point important.
Ce qui veut dire qu’une grande majorité des 74 millions d’américains a considéré que les recours en justice n’avaient pas été estimé sur le fond et que par conséquent, la fraude était potentiellement avérée. Les tensions intérieures étaient palpables, croissantes d’autant plus que la dernière élection sénatoriale en Géorgie a vu, encore, un basculement suspect en faveur des démocrates.
Entre un Donald Trump refusant toute défaite et une partie des Etats-Unis enflammés, il ne manquait qu’une étincelle et ce fut le 6 janvier.
Pour nous Français, nous nous rappelons les interventions envahissantes des parisiens à la Convention pendant la Révolution française. Mais la dernière fois que le peuple surgit dans l’enceinte parlementaire le fut un 4 septembre 1870 à la suite de la défaite de Napoléon III à Sedan. Ensuite, les furies françaises ne firent que tourner autour de l’Assemblée nationale à différentes occasions dont la dernière sera le 6 février 1934 sur fond d’antiparlementarisme et d’écœurement à la suite d’une série de scandales financiers (Stavisky).
Et maintenant ? Destitution de Donald Trump ? Faut-il s’attendre à des répliques dans les semaines et mois à venir ? Quid du parti républicain véritablement implosé ?
Le monde entier a vu une fraction du peuple de la première puissance mondiale débouler dans l’enceinte du Capitole pour dénoncer ce qu’il croit juste et refuser une future présidence regardée comme impure. En face, les médias qui firent tant contre Trump et tellement pour Biden dénoncent l’atteinte à la démocratie, une insurrection…
Il est assez piquant que les Etats-Unis qui ont le plus pratiqué le renversement des régimes, dont certains parfaitement démocratiques n’imaginaient pas que depuis son intérieur surgirait une volonté farouche de ces citoyens !
Quant aux gouvernement européens choqués, ils ne l’étaient pas du tout lors de la révolution de Maidan en février 2014 à Kiev….et pour cause, Barack Obama et la chancelière Merkel étaient à la manœuvre !
L’histoire regardera l’année 2016 où la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, par le Brexit et l’élection de Donald Trump , tentèrent le largage des amarres. Si Londres, à force de ténacité et grâce à la maîtrise de sa monnaie, a pu parvenir à ses fins, à Washington, le retour au bercail se déroule dans une atmosphère plus tendue, affichant, à ce jour, un affaiblissement vis-à-vis, notamment, de la Chine.
L’intérieur des Etats-Unis est fracturé entre une Amérique centrale conservatrice et une Amérique littorale (Est et Ouest) plus tentée par la transformation progressiste du monde et qui rêve de l’autonomie, notamment, alimentaire urbaine par rapport aux ruralités. C’est peu dire que les Républicains sont à un carrefour : ou bien ils conviennent qu’avec les démocrates ils ont plus de points en convergence que l’inverse ou bien, ils suivent l’électorat trumpien, devant, alors, faire une révolution interne. La préparation des élections mid-term sera cruciale.
Quant à l’avenir de Donald Trump, sans doute se retirera-t-il doucement passant le flambeau, par exemple, à Ted Cruz qui a gardé sa distance lors de la journée du 6. Si les démocrates n’ont pas intérêt à le destituer sous peine de l’ériger en martyr, Donald Trump sait aussi qu’in fine il a emporté une grande victoire en redonnant à près de la moitié des Américains, les "deplorables", un rôle politique.
Plus que jamais, comme je l’ai écrit dans un Seriatim, les Etats-Unis, comme le monde, entre dans l’ère des radicalités.
Les Etats-Unis ont connu, pour l’ambiance et non pour un parallèle historique, une sorte de 6 février 34. La présidence Biden est d’ores et déjà chargée d’orages auxquels l’Union européenne n’échappera pas.
In Seriatim :
http://www.seriatim.fr/2020/12/biden-et-trump-jusquen-2024-n5032-14e.html
http://www.seriatim.fr/2020/11/biden-pret-guider-le-monden5028-14e.html
Jean Vinatier
Seriatim 2021
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